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13/12/2016 | FRANCE | N°15PA02702

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 13 décembre 2016, 15PA02702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision en date du 24 février 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a résilié, à compter de sa notification, le contrat le liant à l'Etat, en vue d'exercer des fonctions d'enseignant au campus Sainte-Thérèse d'Ozoir-la-Ferrière et d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de le réintégrer et de reconstituer sa carrière, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous

astreinte de 250 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1403596 du 7 mai 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision en date du 24 février 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a résilié, à compter de sa notification, le contrat le liant à l'Etat, en vue d'exercer des fonctions d'enseignant au campus Sainte-Thérèse d'Ozoir-la-Ferrière et d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de le réintégrer et de reconstituer sa carrière, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1403596 du 7 mai 2015 le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2015 M.C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2015 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2014 par lequel le recteur de l'académie de Créteil a résilié, à compter de sa notification, le contrat le liant à l'Etat, en vue d'exercer des fonctions d'enseignant au campus Sainte-Thérèse d'Ozoir-la-Ferrière ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de le réintégrer et de reconstituer sa carrière, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration, qui ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour mettre fin à ses fonctions sur le fondement de l'article R. 914-14 du code de l'éducation et devait apprécier si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire étaient incompatibles avec les fonction d'enseignement, ne pouvait résilier son contrat sans respecter la procédure disciplinaire et devait par suite recueillir l'avis préalable de la commission consultative mixte académique ou départementale, ce qui n'a pas été fait ;

- le tribunal a à tort retenu la solution contraire en considérant implicitement que l'administration était en situation de compétence liée ;

- le tribunal a à tort, alors qu'il exerce un contrôle normal sur les sanctions disciplinaires infligées aux agents publics, jugé que les faits reprochés étaient incompatibles avec les fonctions d'enseignement alors qu'il n'a jamais été condamné auparavant, a de bons états de service et n'a commis aucune agression physique.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2016 le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 avril 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant que M.C..., maître contractuel de l'Etat exerçant des fonctions de professeur d'éducation physique et sportive dans un établissement de l'enseignement privé sous contrat, a été suspendu avec maintien du plein traitement par arrêté du recteur de l'académie de Créteil du 5 avril 2012 après que la direction de l'établissement a informé le rectorat que cet enseignant échangeait des SMS à caractère sexuel avec une élève de moins de quinze ans ; que cette suspension a été prolongée par arrêtés du recteur des 12 juillet 2012 et 17 janvier 2013 ; que l'intéressé a, par jugement du 12 février 2013 du Tribunal correctionnel de Melun, été condamné pour ces faits à quatre mois de prison avec sursis, avec obligation d'indemniser la victime, outre 1 000 euros en réparation du préjudice moral de celle-ci et 250 euros pour chacun de ses parents qui s'étaient portés parties civiles ; que cette condamnation a été inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; que tirant les conséquences de cette inscription, le recteur de l'académie a, après avoir invité l'intéressé à venir consulter son dossier le 16 avril 2013, prononcé la résiliation de son contrat par arrêtés des 22 avril 2013 et 19 juillet 2013 ; que ces deux arrêtés ont été annulés pour erreur de droit par jugement du 24 décembre 2013 du Tribunal administratif de Melun au motif que le rectorat s'était à tort cru en situation de compétence liée pour prononcer cette résiliation ; que le recteur a dès lors réintégré le requérant par arrêté du 21 janvier 2014 mais l'a invité le même jour à venir consulter son dossier, avant de prononcer à nouveau la résiliation de son contrat par arrêté du 24 février 2014 ; que M. C...a dès lors contesté ce dernier arrêté et saisi le Tribunal administratif de Melun, qui a rejeté sa requête par jugement du 7 mai 2015 dont il interjette appel ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 914-14 du code de l'éducation : " Nul ne peut exercer en qualité de maître contractuel dans les établissements sous contrat d'association ou de maître agréé dans les établissements sous contrat simple : /(...)5° Si, étant de nationalité française, les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec les fonctions d'enseignement ou si, étant ressortissant d'un Etat autre que la France, il a subi une condamnation incompatible avec les fonctions d'enseignement. /Les intéressés peuvent toutefois être relevés de cette incapacité par décision du ministre chargé de l'éducation, après avis du Conseil supérieur de l'éducation délibérant en formation disciplinaire " ; que l'article R. 914-113 du même code dispose notamment que : " (.....) La résiliation du contrat ou le retrait de l'agrément peut être prononcé, dans le cas où l'une des conditions prévues à l'article R. 914.14 n'est plus remplie, sans consultation de la commission consultative mixte compétente " ; qu'enfin l'article R. 914-102 du même code dispose que : " L'autorité académique peut, d'office ou sur saisine du chef d'établissement, en cas de comportement incompatible avec l'exercice des fonctions, prononcer, après avis motivé de la commission consultative mixte compétente, l'une des sanctions disciplinaires prévues selon le cas à l'article R. 914-100 ou à l'article R. 914-101. La décision doit être motivée. /Toutefois, pour les sanctions du premier groupe de l'article R. 914-100 et des 1° et 2° de l'article R. 914-101, la consultation de la commission n'est pas obligatoire. /La procédure devant la commission consultative mixte se déroule selon les règles fixées par le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, à l'exception de ses articles 10 à 17 " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorité académique qui entend prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre d'un maître contractuel dont le comportement est incompatible avec l'exercice de ses fonctions doit préalablement saisir la commission consultative mixte compétente, en application de l'article R. 914-102 précité ; qu'en revanche et en application des dispositions des articles R. 911-14 et R. 914-113 du même code elle n'est pas tenue de saisir cette commission avant de prononcer la résiliation du contrat d'un maître contractuel dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte des mentions incompatibles avec les fonctions d'enseignement ;

4. Considérant en premier lieu, que le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 5 de la loi susvisée du 3 juillet 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires qui régit la situation des enseignants titulaires, laquelle ne contient pas de dispositions comparables à celles de l'article R. 914-113, ni se référer à des situations concernant des agents publics régis par ces dispositions législatives ; que par ailleurs si, comme le fait valoir le requérant, la mise en oeuvre des dispositions de l'article R. 914-14 du code de l'éducation conduit l'administration à se livrer à une appréciation des faits mentionnés au bulletin n° 2 du casier judiciaire du maître contractuel concerné et de leur caractère compatible avec des fonctions d'enseignement, il n'en résulte pas que la commission consultative mixte devrait être obligatoirement saisie, alors surtout qu'une telle obligation est expressément exclue par l'article R. 914-113 précité du code de l'éducation ; qu'il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

5. Considérant en second lieu que la décision de résiliation prise sur le fondement de l'article R. 914-14 du code de l'éducation a pour objet de tirer les conséquences de l'incompatibilité entre les fonctions d'enseignement et les mentions figurant au casier judiciaire de l'enseignant concerné ; qu'une telle décision n'a pas dès lors le caractère d'une sanction ; que le requérant ne peut par suite utilement invoquer le caractère disproportionné de la sanction dont il estime avoir été l'objet avec les faits commis ; que par ailleurs, ainsi qu'il a déjà été dit, il a adressé à une élève de moins de quinze ans des SMS à caractère sexuel sur son téléphone portable, faits pour lesquels il a d'ailleurs été condamné à quatre mois de prison avec sursis, avec obligation d'indemniser la victime, outre 1 000 euros en réparation du préjudice moral de celle-ci et 250 euros pour chacun de ses parents ; que compte tenu de la gravité de ces faits ,alors même qu'il n'y a pas eu d'agressions physiques et que l'intéressé présente de bons états de services, la rectrice de l'académie a pu, à bon droit, estimer que les faits ayant donné lieu à cette condamnation étaient incompatibles avec l'exercice de fonctions d'enseignant qui le mettent en contact quotidien avec des mineurs et en conséquence prononcer la résiliation de son contrat ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 24 février 2014 prononçant la résiliation du contrat le liant à l'Etat ;

Sur les conclusions présentées à fins d'injonction sous astreinte :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fins d'annulation présentées par M.C..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que par suite ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens où, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant que ces dispositions font obstacle ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en l'espèce, la somme que demande M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLE

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLOLa République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02702
Date de la décision : 13/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Établissements d'enseignement privés - Personnel.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP CHENEAU et PUYBASSET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-13;15pa02702 ?
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