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01/12/2016 | FRANCE | N°15PA02474

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 01 décembre 2016, 15PA02474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux arrêtés du 24 juin 2015, le préfet de police a d'une part, fait obligation à M. A... B...de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a placé en rétention administrative, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de vingt quatre mois, en l'informant qu'il ferait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par jug

ement n° 1510658/8 du 27 juin 2015, le magistrat désigné par le président du Tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux arrêtés du 24 juin 2015, le préfet de police a d'une part, fait obligation à M. A... B...de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a placé en rétention administrative, d'autre part, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de vingt quatre mois, en l'informant qu'il ferait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par jugement n° 1510658/8 du 27 juin 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet 2015, 1er mars 2016 et 10 octobre 2016, M.B..., représenté par Me Patrick Berdugo, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1510658/8 du 27 juin 2015 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés préfectoraux du 24 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat, à condition qu'il renonce à la part contributive de l'Etat, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation au regard des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions des articles L. 511-4-6° et L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, qu'il est père d'un enfant français ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits des enfants, dès lors que son renvoi dans son pays d'origine va détruire sa cellule familiale ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision lui refusant le délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a méconnu le respect du contradictoire en vertu de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du décret du 28 novembre 1983 ;

- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- il ne pouvait légalement faire l'objet d'un refus de délai de départ volontaire ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision le plaçant en rétention administrative :

- elle est insuffisamment motivée, au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision méconnait les dispositions des articles L. 551-2 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision interdisant le retour sur le territoire français et de la suppression du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a commis une erreur de fait ; il n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ; aucune poursuite pénale n'a été engagée à son encontre ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits des enfants ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur sa situation personnelle ;

- le signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen est illégal, au regard de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2016.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 8 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Stoltz-Valette a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant congolais (RDC) né le 28 avril 1994, a été interpellé le 24 juin 2015 ; que par deux arrêtés du même jour, le préfet de police, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le délai de départ volontaire et l'a placé au centre de rétention administrative de Vincennes, d'autre part, lui a interdit le retour sur le territoire français, pour une durée de vingt quatre mois ; que M. B... relève appel du jugement du 27 juin 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur le moyen de légalité externe commun aux décisions :

2. Considérant que les décisions portant obligation de quitter le territoire, de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et de placement en centre de rétention administrative comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur la base desquelles elles ont été prises et sont, dès lors, suffisamment motivées ; que la circonstance que le préfet n'ait pas visé expressément l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est pas de nature à regarder la décision portant obligation de quitter le territoire français comme étant insuffisamment motivée ; que contrairement aux allégations de M.B..., il ne ressort pas de l'arrêté contesté que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet et particulier de sa situation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas dans un état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est père d'un enfant de nationalité française né le 13 juillet 2014 ; que par une ordonnance du 11 août 2014, le juge des enfants de Nanterre a ordonné la prise en charge de son fils Ryan Kapajika Nzoko par l'aide sociale à l'enfance des Hauts-de-Seine qui l'a confié au foyer de l'enfance " Les Récollets " situé 5 passage des Récollets à Paris (75010) ; que si M. B...fait valoir qu'il exerce régulièrement son droit de visite auprès de son fils une fois par semaine et qu'il lui a ouvert un livret A qui présente un solde créditeur de vingt euros au 17 avril 2015, ces seules circonstances ne permettent pas de démontrer qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci au sens des dispositions précitées ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il entrerait dans la catégorie des étrangers visés au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que M.B..., qui ne soutient pas vivre en concubinage avec la mère de son enfant, n'établit pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger où réside une partie de sa famille et où il a vécu au moins 16 ans ; que la circonstance que son père et la mère de son enfant possèdent la nationalité française ne lui confère aucun droit au regard de la législation en vigueur ; que, par ailleurs, il a fait l'objet d'un signalement par les services de police le 21 juin 2015 pour usage de stupéfiants et recel de vol qu'il n'a pas sérieusement contesté devant les premiers juges ; que, dès lors, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

8. Considérant, qu'en raison d'un contexte familial précaire, le fils de M. B...a été placé par ordonnance du juge aux affaires familiales près du Tribunal de grande instance de Nanterre le 11 août 2014, soit moins d'un mois après sa naissance ; qu'en outre, par un courriel du 1er février 2016, l'éducateur spécialisé de l'aide sociale à l'enfance a informé le requérant que le juge aux affaires familiales a maintenu le placement de son fils par ordonnance du 9 novembre 2015 pour une durée d'un an, au terme duquel, il sera placé chez une assistante familiale ; que l'intéressé, qui soutient travailler en qualité de peintre et de carreleur dans le bâtiment et percevoir un salaire mensuel d'un montant de 1 200 euros, n'établit pas contribuer à l'entretien de son fils ; que la circonstance qu'il rend visite une fois par semaine à son fils et qu'il lui a écrit à deux reprises postérieurement à l'arrêté contesté ne permet pas de démontrer qu'il contribue effectivement à son éducation ; que si le premier juge a indiqué que la cellule familiale pouvait se reconstituer dans son pays d'origine, alors que son enfant est de nationalité française, il a également relevé qu'il ne contribue que très modestement à l'entretien de son fils et participe peu à son éducation ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation à quitter le territoire français doit être écarté ;

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. Considérant, en premier lieu, que les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été précédemment rejetées, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, doit être écarté ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision attaquée portant refus d'un délai de départ volontaire ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne, par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel, en particulier : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

13. Considérant que pour refuser au requérant le bénéfice de l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet de police a motivé sa décision par la circonstance qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, au motif, notamment, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, n'ayant pas justifié de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; que si le requérant soutient ne présenter aucun risque de fuite cette allégation n'est pas établie ; que, par ailleurs, il n'est pas contesté qu'il a d'ores-et-déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 31 mars 2013, qui n'a pas été exécutée ; que, dès lors, l'intéressé se trouvait dans le cas prévu au f) du 3° du deuxième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que M. B... ne pouvait légalement faire l'objet d'une décision de refus d'octroi de délai de départ volontaire et de ce que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

Sur la décision de placement en centre de rétention :

14. Considérant, que le 1 de l'article 15 de la directive 2008/115/CE susvisée dispose : " À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. - Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise " ; qu'aux termes des paragraphes 16 et 17 du préambule de ladite directive : " Le recours à la rétention aux fins d'éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas. Les ressortissants de pays tiers placés en rétention devraient être traités humainement et dignement dans le respect de leurs droits fondamentaux et conformément aux dispositions du droit national et du droit international. Sans préjudice de l'arrestation initiale opérée par les autorités chargées de l'application de la loi, régie par la législation nationale, la rétention devrait s'effectuer en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. " ;

15. Considérant, qu'eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle du retour de M. B...dans son pays d'origine et compte tenu de ce que l'intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, le préfet de police a pu, sans méconnaitre les dispositions précitées, et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider de le placer en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt quatre mois :

16. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen (...) ;

17. Considérant que pour motiver l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt quatre mois prise à l'encontre de M.B..., le préfet s'est fondé sur la durée de présence de l'intéressé sur le territoire français, sur le fait qu'il s'était précédemment soustrait à une mesure d'éloignement et sur la circonstance qu'il n'a aucune attache sur le territoire français ; qu'en retenant un tel motif alors que l'intéressé est père d'un enfant français né le 13 juillet 2014, le préfet a commis une erreur de fait ; que par suite M. B... est fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt quatre mois est entachée d'illégalité ; qu'il est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet acte ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

18. Considérant que la présente décision, qui se borne à accueillir les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, n'implique pas nécessairement que cette autorité prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, au sens des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions présentées par M. B...et tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, par application des dispositions précitées, d'ordonner au préfet de police de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. B...dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour en date du 24 juin 2015 ci-dessus annulée ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. B...doivent dès lors être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 24 juin 2015 par laquelle le préfet de police a interdit à M. B... de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt quatre mois est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 1510658/8 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 27 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. B...dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour en date du 24 juin 2015 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.

Le rapporteur,

A. STOLTZ-VALETTELe président,

D. DALLE

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02474
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: Mme Alexandra STOLTZ-VALETTE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-01;15pa02474 ?
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