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18/11/2016 | FRANCE | N°15PA01554

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 novembre 2016, 15PA01554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Aline Bernard et Cie a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2006, 2007 et 2008, mises en recouvrement par rôles

nos 1030, 1031 et 1032 du 3 avril 2013, ainsi que des intérêts de retard y afférents.

Par un jugement n° 1400239-1 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française l'a déchargée d

es cotisations supplémentaires à l'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SNC Aline Bernard et Cie a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2006, 2007 et 2008, mises en recouvrement par rôles

nos 1030, 1031 et 1032 du 3 avril 2013, ainsi que des intérêts de retard y afférents.

Par un jugement n° 1400239-1 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française l'a déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, ainsi que des intérêts de retard y afférents et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2015, la Polynésie française, représentée par

MeA..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1400239-1 du 2 décembre 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant que, par ce jugement, celui-ci a déchargé la SNC Aline Bernard et Cie des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les transactions auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 ainsi que des intérêts de retard y afférents et condamné la

Polynésie française aux frais irrépétibles ;

2°) de rejeter la requête de la SNC Aline Bernard et Cie ;

3°) de mettre à la charge de la SNC Aline Bernard et Cie une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la date de présentation du certificat de conformité est le fait générateur qui permet de déterminer le point de départ du délai de reprise ; l'administration fiscale était en droit de procéder à la reprise intégrale des crédits d'impôts jusqu'à l'obtention du certificat de conformité définitif en tenant compte des reports qui ont été accordés ; la prescription résultant du délai de trois ans du droit de reprise n'est pas acquise ;

- les règles d'urbanisme ne sont pas opposables à l'administration fiscale ;

- en l'absence d'achèvement complet du projet d'investissement et d'obtention du certificat de conformité définitif, l'administration fiscale a valablement procédé au rappel des crédits d'impôts imputés sur l'impôt sur les transactions en application de l'article 375-1 du code des impôts ;

- les intérêts de retard ont été appliqués à bon droit.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 janvier 2016, le 20 avril 2016 et le

27 septembre 2016 la SNC Aline Bernard et Cie, représentée par Me B...et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Et demande qu'il soit prononcé la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008.

Elle soutient que :

- le délai de reprise de trois ans qui avait commencé à courir à compter du 27 octobre 2006, date de délivrance du certificat de conformité des travaux réalisés pour la tranche A, était expiré à la date de la notification de redressement ;

- la date du fait générateur est celle de la clôture de l'exercice et non celle de la présentation ou non d'un certificat de conformité ;

- la Polynésie française n'a pas pris en compte l'avis du Gouvernement, ni celui de la commission des impôts, ni celui du ministre de l'urbanisme ;

- la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que seul un certificat de conformité délivré pour la construction de l'hôtel (tranche B) pouvait faire courir le délai de reprise de l'administration fiscale au motif que le projet de défiscalisation forme un tout indissociable ;

- les impositions supplémentaires ne sont pas fondées dès lors qu'elle s'est retirée du projet postérieurement à la délivrance du certificat de conformité ;

- le principe de l'indépendance des législations ne s'applique pas en la matière.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la réclamation préalable ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant que la SNC Aline Bernard et Cie a participé au financement du projet de construction d'un complexe hôtelier implanté près du parcours de golf de Témaé à Mooréa comprenant un hôtel, un club house et un hangar de maintenance, projet porté par la société South Pacific Golf and Resort Development (SPGRD) dans le cadre d'un dispositif d'incitation fiscale à l'investissement en Polynésie française ; que ce dispositif a permis à la SNC Aline Bernard et Cie d'imputer un crédit d'impôt sur l'impôt sur les transactions dû au titre des exercices 2006, 2007 et 2008 ; que par une décision en date du 25 mai 2005, le permis de construire délivré le

17 septembre 2003 a été séparé en deux tranches, une tranche A relative au club house et au hangar de maintenance et une tranche B relative à la construction de l'hôtel ; que le service de l'urbanisme ayant délivré en 2006 un certificat de conformité pour la tranche A du projet relative aux travaux du club house et du hangar de maintenance, la société SPGRD a estimé qu'elle pouvait autoriser le

30 décembre 2006 la SNC Aline Bernard et Cie à mettre fin à sa participation ; que lors d'une vérification de comptabilité de la société SPGRD en 2011, le service a constaté que la construction de l'hôtel n'était pas achevée ; que l'administration a notifié à la SNC Aline Bernard et Cie, par une notification de redressements en date du 1er décembre 2011, des redressements en matière d'impôt sur les transactions au titre des exercices 2006, 2007 et 2008 à raison de la remise en cause de l'imputation du crédit d'impôt, au motif que la construction de l'hôtel n'étant pas achevée et le certificat de conformité n'ayant pas été délivré, la contribuable n'avait pas respecté son engagement de conservation des investissements ; que la Polynésie française relève appel du jugement du

2 décembre 2014 en tant que le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé la

SNC Aline Bernard et Cie des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et mis à sa charge le paiement des frais irrépétibles de la partie adverse ; que, par la voie de l'appel incident, la SNC Aline Bernard et Cie demande qu'il soit prononcé la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2008 ;

Sur les conclusions d'appel incident :

2. Considérant que la SNC Aline Bernard et Cie n'a pas introduit, dans le délai de recours contentieux, d'appel contre le jugement du Tribunal de Polynésie française, en tant que ce jugement rejetait ses conclusions en décharge des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie au titre de l'année 2008 ; qu'elle n'est pas recevable à former un appel incident sur un litige distinct, dès lors que la Polynésie française, dans ses conclusions d'appel, n'a contesté le jugement qu'en tant que celui-ci porte sur les impositions supplémentaires et les pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2006 et 2007 ;

Sur le moyen de décharge retenu par le tribunal :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 374-1 du code des impôts de la Polynésie française, dans sa rédaction issue de la délibération n° 2001-211 APF du 20 décembre 2001 : " Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés bénéficient d'un crédit d'impôt de 6 % pour tout financement égal ou supérieur à 10 millions de francs réalisé dans un projet de construction à vocation hôtelière d'un coût total ou supérieur à 200 millions de francs. / (...) Le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné à l'engagement pris par le bénéficiaire de conserver les actions, parts ou apports au moins jusqu'à la date de délivrance du certificat de conformité (...) / Ces avantages sont remis en cause, et l'impôt dont le crédit a été préalablement accordé devient immédiatement exigible, nonobstant le cas échéant, l'expiration des délais de prescription, dans les circonstances suivantes : /- non-respect des conditions prévues par les dispositions du présent article ; (...) - non-présentation du certificat de conformité à l'issue du quarante-deuxième mois suivant celui de la délivrance du permis de construire (...) " ; qu'aux termes de l'article 451-1 du code des impôts de la Polynésie française, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou la liquidation des impôts et taxes visés au présent code ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions, dans l'application des tarifs ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le projet de construction d'un complexe hôtelier comprenant un hôtel, un club house et un hangar de maintenance a fait l'objet d'un permis unique délivré le 17 juillet 2003 ; que, par une lettre du 25 mai 2005, le ministre de l'urbanisme a autorisé la société SPGRD à entreprendre les travaux en deux tranches, une tranche A correspondant à la construction du club house et du hangar de maintenance et une tranche B correspondant à la construction de l'hôtel ; que la tranche A du projet a fait l'objet d'un certificat de conformité le

27 octobre 2006 ; que l'administration fiscale, pour remettre en cause l'imputation du crédit d'impôt, a estimé que la SNC Aline Bernard et Cie ne pouvait mettre fin à sa souscription avant la délivrance du certificat de conformité pour l'ensemble du projet ; que l'administration invoque un report du point de départ du délai de reprise, compte tenu des prorogations successives de délais accordées à la société SPGRD pour présenter le certificat de conformité relatif à la tranche B du projet ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article 374-1 que les avantages résultant de l'imputation du crédit d'impôt qu'elles prévoient peuvent être remis en cause dès lors que le certificat de conformité n'a pas été présenté à l'issue du quarante-deuxième mois suivant celui de la délivrance du permis de construire ; que ces dispositions ne mentionnent aucune circonstance permettant de suspendre le délai de présentation du certificat de conformité ; que le fait générateur de l'imposition résultant de la remise en cause de l'imputation du crédit d'impôt doit ainsi être rattaché à l'année au cours de laquelle le délai de 42 mois a expiré ou à celle au cours de laquelle le certificat de conformité a été délivré antérieurement à l'expiration de ce délai ; que la société SPGRD aurait dû produire le certificat de conformité de la tranche B au plus tard le 17 janvier 2007 en application de ces dispositions ; qu'il appartenait dès lors à l'administration d'exercer son droit de reprise jusqu'au 31 décembre 2010 ; que par suite, et alors même que le ministre de l'économie a informé en 2011 la société SPGRD que les souscriptions devaient être conservées jusqu'à l'achèvement du projet hôtelier dans son ensemble, et sans qu'elle puisse utilement se prévaloir de l'indépendance des législations en matière d'urbanisme et en matière fiscale, la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale pouvait bénéficier d'un report du point de départ du délai de reprise pour notifier les redressements en litige ; qu'ainsi, le délai de reprise dont disposait l'administration pour réparer les omissions et insuffisances constatées dans l'assiette ou la liquidation de l'impôt sur les transactions au titre des années 2006 à 2007 avait, en application des dispositions précitées de l'article 451-1, expiré lorsque l'administration a remis en cause l'imputation du crédit d'impôt par une notification de redressements du 1er décembre 2011 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a accordé la décharge des impositions supplémentaires au titre des années 2006 et 2007 et des pénalités dont elles étaient assorties ; que partie perdante pour l'essentiel en première instance, elle n'est pas non plus fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Polynésie française a mis à sa charge le paiement des frais engagés par la partie adverse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SNC Aline Bernard et Cie , qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Polynésie française demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme que la SNC Aline Bernard et Cie demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Polynésie française est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SNC Aline Bernard et Cie sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à la SNC Aline Bernard et Cie.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 novembre 2016.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURT Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01554
Date de la décision : 18/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: Mme Geneviève MOSSER
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : FROMENT-MEURICE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-18;15pa01554 ?
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