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19/10/2016 | FRANCE | N°15PA03271

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 octobre 2016, 15PA03271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Lebovics a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre des affaires étrangères et du développement international a rejeté son recours gracieux du 5 mars 2014, tendant à la réparation du préjudice résultant de l'absence de reconstitution de sa carrière et du blocage de son avancement hiérarchique, ainsi que son recours gracieux du 5 juin 2014, tendant à l'admission de ses droits à la retraite en qualité de ministre plénipotentiaire

de 2ème classe, au 2ème ou 3ème échelon.

Par un jugement nos 1411359/5-1, 142...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Lebovics a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre des affaires étrangères et du développement international a rejeté son recours gracieux du 5 mars 2014, tendant à la réparation du préjudice résultant de l'absence de reconstitution de sa carrière et du blocage de son avancement hiérarchique, ainsi que son recours gracieux du 5 juin 2014, tendant à l'admission de ses droits à la retraite en qualité de ministre plénipotentiaire de 2ème classe, au 2ème ou 3ème échelon.

Par un jugement nos 1411359/5-1, 1421646/5-1 du 11 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2015, M. Lebovics, représenté par la société d'avocats Hincker et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1411359/5-1, 1421646/5-1 du 11 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le ministre des affaires étrangères et du développement international a rejeté son recours gracieux du 5 mars 2014, tendant à la réparation du préjudice résultant de l'absence de reconstitution de sa carrière et du blocage de son avancement hiérarchique, ainsi que son recours gracieux du 5 juin 2014, tendant à l'admission de ses droits à la retraite en qualité de ministre plénipotentiaire de 2ème classe, au 2ème ou 3ème échelon ;

3°) d'enjoindre au ministre de lui verser la somme de 200 000 euros au titre de la réparation pécuniaire du préjudice matériel subi et de lui verser la somme de 20 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral subi ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner l'État aux entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu irrégulièrement au regard des dispositions de l'article

R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- lors de sa titularisation dans le corps des secrétaires des affaires étrangères, il n'a bénéficié d'aucune reprise d'ancienneté au regard des 17 ans de carrière dont il pouvait se prévaloir en qualité de professeur agrégé, alors que le décret n° 99-153 du 29 décembre 1999 modifiant le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires a prévu, sous certaines conditions, la prise en compte des services antérieurs accomplis par les agents recrutés par la voie du concours interne ;

- ce décret est illégal car il méconnait le principe d'égalité des agents appartenant à un même corps en ce qu'il a réservé la possibilité de reprise d'ancienneté à certains agents mais a exclu du dispositif des agents qui, comme lui, étaient déjà en poste et déjà plus avancés dans leur carrière ;

- les premiers juges ne pouvaient se fonder sur l'absence de principe général prévoyant qu'un agent titularisé dans un corps de la fonction publique doive y être nommé dans des conditions tenant compte de l'ancienneté de service qu'il a pu acquérir dans des emplois publics antérieurement occupés, dès lors que, si cette absence est opposée aux agents ayant exercé antérieurement des fonctions en qualité de contractuel, elle ne pouvait lui être opposée, dans la mesure où il justifiait, antérieurement à son intégration dans le corps des conseillers des affaires étrangères, de services en qualité non de contractuel mais de fonctionnaire de l'Etat ;

- l'administration n'apporte aucun élément ayant trait à l'intérêt du service pour justifier la différence de traitement dont il a fait l'objet ;

- c'est au prix d'une erreur d'appréciation que les premiers juges ont considéré que l'application du décret du 29 septembre 1999 ne lui avait pas causé de préjudice motif pris du versement d'une indemnité compensatrice ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il démontre avoir fait l'objet d'un blocage injustifié et illégal dans l'avancement de sa carrière ;

- pour ces motifs, les deux décisions litigeuses prises par l'administration sont illégales car elles méconnaissent le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires d'un même corps et contreviennent aux stipulations de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le ministre des affaires étrangères et du développement international n'est pas fondé à opposer la prescription quadriennale dès lors que le délai de prescription doit être calculé à compter de la décision implicite attaquée portant rejet de sa demande formée par courrier du 5 mars 2014 et non de la décision du 26 juillet 2000 invoquée par le ministre ;

- son préjudice financier est certain ; en effet, son traitement indiciaire de base en qualité de conseiller des affaires étrangères n'a pas encore rattrapé son niveau de salaire de professeur agrégé de 1990.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la prescription quadriennale est opposée à la demande d'indemnisation du préjudice correspondant à la perte de rémunération, alléguée par M. Lebovics, résultant de l'illégalité de la décision du 26 juillet 2000 par laquelle il a été refusé de reconstituer sa carrière au regard de son ancienneté acquise dans ses fonctions précédant sa titularisation dans le corps des secrétaires et conseillers des affaires étrangères cadre d'Orient le 17 mars 1992 ; le délai de prescription ayant commencé à courir à compter du 1er janvier 2001, la prescription a été acquise au

31 décembre 2005 ;

- aucun des moyens de la requête de M. Lebovics n'est fondé ;

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2016, par une ordonnance du

11 janvier 2016 prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention,

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 47-1457 du 4 août 1947 ;

- le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 ;

- le décret n° 99-1153 du 29 décembre 1999 ;

- le code de justice administrative.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de Me Hincker, avocat de M. Lebovics ;

1. Considérant que, par un arrêté du 8 avril 2014 du ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Lebovics, conseiller des affaires étrangères de 1ère classe classé au 11ème échelon depuis le 14 mars 2007, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2014 ; que, par courrier du 5 mars 2014, M. Lebovics a saisi le directeur général de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères et du développement international d'une demande tendant à obtenir un reclassement sur la base d'une reprise des dix-sept ans d'ancienneté dans la fonction publique dont il entendait se prévaloir à la date de sa titularisation dans le corps des secrétaires des affaires étrangères et un nouveau calcul de sa pension de retraite ; que, par courrier du 5 juin 2014, il a de nouveau saisi le ministre des affaires étrangères et du développement international d'une demande tendant à bénéficier d'une promotion dans le corps des ministres plénipotentiaires de 2ème classe, au 2ème ou au 3ème échelon, à compter du 1er mars 2014, et à obtenir le versement d'une indemnité de 200 000 euros en réparation de la perte de rémunération et de droits à pension résultant, selon lui, de l'absence de reprise des dix-sept ans d'ancienneté dans la fonction publique avant son intégration dans le corps des conseillers des affaires étrangères et de l'absence injustifiée d'avancement dans sa carrière depuis 2007 ; que deux décisions implicites de rejet de ces demandes étant nées du silence gardé par le ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Lebovics a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de ces décisions et la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 200 000 euros et

20 000 euros en réparation respectivement des préjudices financier et moral qu'il estime avoir

subis ; que le tribunal administratif a rejeté ces demandes, par un jugement du 11 juin 2015 dont M. Lebovics relève régulièrement appel ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) " ; que dans le cadre de l'instruction de la demande de M. Lebovics enregistrée sous le n° 1411359/5-1, le tribunal administratif a pris une mesure par laquelle il a demandé à l'administration de verser au dossier un document retraçant la carrière de celui-ci ainsi que toute information relative aux états de service de l'un de ses collègues ; que contrairement à ce que soutient M. Lebovics, les dispositions susmentionnées n'imposaient pas que, dans un tel cas, le jugement, qui comporte notamment le visa des mémoires produits par les parties et celui des " autres pièces du dossier ", fasse état dans le détail des pièces produites par l'administration en réponse à cette mesure d'instruction ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susénoncées doit être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du même code : " Les jugements sont motivés " ; que le jugement attaqué, qui écarte le motif invoqué par M. Lebovics et tiré de ce que le dispositif transitoire de reprise d'ancienneté institué par le décret susvisé du

29 décembre 1999 serait discriminatoire et contreviendrait au principe d'égalité de traitement des fonctionnaires appartenant à un même corps, comporte, contrairement à ce que soutient le requérant, une motivation suffisante pour satisfaire à l'exigence posée par les dispositions susrappelées ;

Sur la légalité des décisions contestées :

4. Considérant que le décret susvisé du 29 décembre 1999 modifiant le décret du

6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires a instauré un dispositif de reprise de l'ancienneté antérieurement acquise par les agents nommés conseillers des affaires étrangères de 2ème classe du cadre général et du cadre d'Orient recrutés par la voie du concours interne et du troisième concours de l'Ecole nationale d'administration et du concours interne du cadre d'Orient ; qu'aux termes de l'article 11 du décret du 6 mars 1969, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret du 29 décembre 1999 : " V - Les conseillers des affaires étrangères de 2e classe (cadre d'Orient) recrutés dans les conditions prévues au présent article sont nommés en qualité de stagiaire par arrêté du ministre des affaires étrangères pour une durée d'un an. (...) / Toutefois, si l'indice qu'ils détiennent dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine est supérieur à celui correspondant au 1er échelon du grade de base, les conseillers des affaires étrangères du cadre d'Orient recrutés par la voie du concours interne sont placés à l'échelon du grade de conseiller des affaires étrangères de 2e classe comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine pour les agents non titulaires. / Dans la limite de l'ancienneté exigée au premier alinéa de l'article 17 pour une promotion à l'échelon supérieur, ils conservent l'ancienneté d'échelon acquise dans leur précédent grade ou classe lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure à celle qui résulterait d'un avancement d'échelon dans leur ancienne situation. / Les agents nommés alors qu'ils avaient atteint l'échelon le plus élevé dans leur précédent grade ou classe conservent leur ancienneté d'échelon dans les mêmes conditions et limites, lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure à celle résultant d'un avancement à ce dernier échelon. (...) " ; qu'aux termes des dispositions transitoires prévues par l'article 25 dudit décret du 29 décembre 1999 : " Les conseillers des affaires étrangères du cadre général et du cadre d'Orient issus du concours interne nommés dans le corps avant la publication du présent décret et classés, à ce jour, au plus au 6e échelon de la 2e classe peuvent demander, dans un délai de six mois, à bénéficier des conditions de classement dans le corps des conseillers des affaires étrangères prévues à l'article 10 du décret du 6 mars 1969 susvisé tel qu'il résulte de l'article 3 du présent décret. Il en est de même de ceux issus du troisième concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration classés au plus au 5e échelon de la 2e classe " ; qu'aux termes, enfin, de l'article 10 du décret du 6 mars 1969 susvisé dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret du

29 décembre 1999 : " Les conseillers des affaires étrangères de 2e classe du cadre général sont recrutés parmi les anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration ; ils sont nommés et titularisés en cette qualité à compter du lendemain du dernier jour de leur scolarité à l'école./- Pour tenir compte de leur scolarité à l'Ecole nationale d'administration, quelle qu'en soit la durée, ils sont nommés directement au 3e échelon./- Toutefois, si l'indice qu'ils détiennent dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine est supérieur à celui correspondant au 3e échelon de la

2e classe, les conseillers des affaires étrangères du cadre général recrutés par la voie du concours interne de cette école sont placés à l'échelon du grade de conseiller des affaires étrangères de

2e classe comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine pour les agents non titulaires.(... ) " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, M. Lebovics excipe de l'illégalité des dispositions réglementaires rappelées ci-dessus en ce qu'elles réservent le bénéfice de la reprise de l'ancienneté acquise dans la fonction, aux agents recrutés, par la voie du concours interne et du troisième concours de l'Ecole nationale d'administration et du concours interne du cadre d'Orient, après sa date de publication ainsi qu'à titre transitoire, aux conseillers des affaires étrangères issus du concours interne nommés dans le corps avant la publication du présent décret et classés, à ce jour, au plus au 6ème échelon de la 2ème classe et aux conseillers des affaires étrangères du cadre général et du cadre d'Orient issus du troisième concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration classés au plus au 5ème échelon de la 2ème classe ; que ce faisant, ces dispositions méconnaitraient, selon M. Lebovics, le principe d'égalité des agents publics appartenant à un même corps ainsi que l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international " ;

6. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité entre agents d'un même corps pour des motifs d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit ; qu'en outre, une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

7. Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient M. Lebovics, il ne résulte d'aucun principe général du droit qu'un agent titularisé dans un corps de la fonction publique doive être nommé dans des conditions tenant compte de l'ancienneté de services qu'il a pu acquérir dans des emplois publics antérieurement occupés par lui, y compris en qualité de fonctionnaire titulaire appartenant à un autre corps ;

8. Considérant, d'autre part, qu'une réforme statutaire visant à permettre une reprise d'ancienneté peut, sans créer une discrimination contraire au principe de l'égalité de traitement entre fonctionnaires d'un même corps, ne pas comporter d'effet rétroactif et limiter le bénéfice de cette reprise aux agents nommés dans le corps à compter de la date de la réforme statutaire ; qu'en effet, les agents déjà en fonctions ne se trouvent pas dans la même situation que ceux titularisés après cette date ;

9. Considérant, par ailleurs, que si le pouvoir réglementaire peut prévoir qu'une modification statutaire destinée à permettre une prise en compte de l'ancienneté acquise avant leur entrée dans le corps par les fonctionnaires recrutés, s'appliquera aux fonctionnaires déjà en fonctions, l'application de telles dispositions ne saurait conduire, sans méconnaître le principe d'égalité entre les fonctionnaires d'un même corps, à inverser l'ordre d'ancienneté entre les fonctionnaires déjà en fonctions ;

10. Considérant que les dispositions susénoncées étendent aux conseillers des affaires étrangères ayant atteint, au plus le 6ème échelon de la 2ème classe s'ils sont issus du concours interne et au plus le 5ème échelon de ladite casse s'ils sont issus du troisième concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration, le bénéfice d'une reprise d'ancienneté ; que cette reprise d'ancienneté, qui permettait seulement aux intéressés d'accéder à un échelon supérieur de la 2ème classe, qui en comportait alors sept, n'a pu avoir pour effet de les placer, dans l'ordre d'ancienneté, avant des conseillers également en poste mais ayant, comme le requérant, déjà atteint le 7ème et dernier échelon de ladite classe ;

11. Considérant qu'il suit de là que, dans ces conditions, M. Lebovics n'est pas fondé à soutenir que le dispositif de reprise d'ancienneté susdécrit méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires d'un même corps non plus que l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'exception d'illégalité du décret du 29 décembre 1999, soulevée par le requérant doit donc être écartée ;

12. Considérant que, s'il est constant que M. Lebovics n'a pu bénéficier de ce dispositif transitoire de reclassement dès lors qu'à la date de publication dudit décret, il était classé au

7ème échelon de la 2ème classe du grade de conseiller des affaires étrangères, l'administration n'a, pour autant, pas commis une illégalité constitutive d'une faute en refusant, sur le fondement du décret du 29 décembre 1999, dont elle a fait une exacte application, de le reclasser sur la base d'une reprise des dix-sept ans d'ancienneté dans la fonction publique dont il justifiait à la date de sa titularisation dans le corps des secrétaires des affaires étrangères ; que dès lors, en l'absence de faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, M. Lebovics ne peut prétendre à être indemnisé au titre des pertes de rémunérations et de droits à pension résultant d'une absence de reclassement ;

13. Considérant, en second lieu, que M. Lebovics soutient, comme il le faisait en première instance, avoir été illégalement privé d'un avancement au choix auquel il pouvait légitimement prétendre eu égard à la qualité de ses services, et demande, à ce titre, à être indemnisé ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " (...) l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires : " Le corps des conseillers des affaires étrangères du cadre général et du cadre d'Orient comprend le grade de conseiller des affaires étrangères, qui comporte onze échelons, et le grade de conseiller des affaires étrangères hors classe, qui comporte quatre

échelons " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 15 du même décret : " Les conseillers des affaires étrangères hors classe sont choisis parmi les conseillers des affaires étrangères parvenus au 10e échelon de ce grade et justifiant de quatre ans de services effectifs dans le corps " ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même décret : " Les ministres plénipotentiaires de 2e classe sont choisis parmi les conseillers des affaires étrangères hors classe (cadre général et cadre d'Orient) parvenus au 2e échelon de ce grade et justifiant de seize ans de services dans le corps ou, en cas d'intégration prévue à l'article 13, dans un corps recruté par la voie de l'école nationale d'administration " ;

15. Considérant que M. Lebovics, qui soutient qu'il a fait l'objet d'un " blocage " dans l'avancement de sa carrière, fait valoir qu'il est resté classé au 11ème échelon de son grade de conseiller des affaires étrangères de 1ère classe depuis le 14 mars 2007 alors qu'il pouvait prétendre, depuis 8 ans, à une promotion dans le grade de conseiller hors classe et qu'il n'a pas bénéficié d'un avancement correspondant à ses qualités professionnelles, en dépit des demandes formées par les ambassadeurs de France en République Tchèque par courriers des 26 mars et 22 septembre 1997 en vue de sa promotion dans le grade des conseillers de 2ème classe, et d'une fiche de proposition à l'avancement établie par son supérieur hiérarchique le 11 octobre 2010 ; qu'eu égard à ses très bons états de service attestés par les feuilles annuelles d'évaluation et de notations au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que par un rapport de mission d'inspection établi alors qu'il était en poste au Turkménistan en 2011, l'administration a, selon lui, commis une illégalité en s'abstenant de lui accorder une de ces promotions ;

16. Considérant, toutefois, qu'il résulte des dispositions rappelées au point 14 que, d'une part, les fonctionnaires, même s'ils remplissent les conditions statutaires requises pour bénéficier d'une promotion au choix, ne détiennent aucun droit à être inscrits sur un tableau d'avancement, et que, d'autre part, l'avancement des agents dépend du seul critère de leur valeur professionnelle, l'ancienneté ne pouvant être prise en compte que de manière subsidiaire, en vue de départager les candidats dont les mérites seraient identiques ; que M. Lebovics, en se bornant à se prévaloir de bons états de service et d'appréciations favorables de la part de sa hiérarchie, n'établit pas que l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne le promouvant pas dans le corps des conseillers des affaires étrangères hors classe dès lors, notamment, qu'il ne résulte pas de l'instruction que des conseillers des affaires étrangères ayant atteint le 10ème échelon de son grade en même temps que lui auraient été promus alors qu'ils auraient disposé d'états de service sensiblement moins favorables que les siens ; qu'en l'absence d'illégalité fautive commise par l'administration, M. Lebovics ne justifie d'aucun droit à voir sa carrière reconstituée sur la base de la moyenne des avancements obtenus par ses collègues ;

17. Considérant qu'en l'absence d'illégalité fautive entachant les décisions litigieuses, M. Lebovics, n'est pas fondé à demander leur annulation et à obtenir l'indemnisation du préjudice financier et du préjudice moral qu'il estime avoir subis ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre des affaires étrangères et du développement international, que M. Lebovics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions aux fins d'annulation, d'injonction et d'indemnisation présentées devant lui ; que les conclusions de la requête d'appel tendant à l'annulation du jugement et des décisions litigeuses et à la condamnation de l'Etat au versement d'indemnités doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées par le requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ; qu'en l'absence de dépens, il ne saurait être fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 dudit code ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Lebovics est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... Lebovics et au ministre des affaires étrangères et du développement international.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller

Lu en audience publique, le 19 octobre 2016

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des affaires étrangères et du développement international en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03271

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03271
Date de la décision : 19/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : HINCKER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-19;15pa03271 ?
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