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11/10/2016 | FRANCE | N°16PA01214

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 11 octobre 2016, 16PA01214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 28 septembre 2015 par lequel le préfet de police a refusé sa demande de renouvellement de titre de séjour autorisant l'exercice d'une activité commerciale industrielle ou artisanale et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par jugement n° 1517637/5-2 du 10 mars 2016 le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du

28 septembre 2015 et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 28 septembre 2015 par lequel le préfet de police a refusé sa demande de renouvellement de titre de séjour autorisant l'exercice d'une activité commerciale industrielle ou artisanale et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par jugement n° 1517637/5-2 du 10 mars 2016 le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 septembre 2015 et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " commerçant ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1517637/5-2 du 10 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- sa décision refusant de renouveler le titre de séjour en qualité de commerçante sollicité par Mme A...pour la gérance d'un nouveau salon de beauté, de massages et de soins esthétiques n'est pas entachée d'erreur de fait et ne méconnait pas les dispositions du 2° de l'article

L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisque Mme A...ne justifie ni d'un diplôme d'esthéticienne, ni d'une expérience dans le métier de l'esthétisme de plus de trois ans pour être autorisée à gérer un tel établissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2016, MmeA..., représentée par Me Lepage-Roussel, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les arguments évoqués par le préfet de police dans sa requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat et notamment son article 16 ;

- le décret n° 98-246 du 2 avril 1998 modifié relatif à la qualification professionnelle exigée pour l'exercice des activités prévues à l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Lepage-Roussel, avocat de MmeA....

1. Considérant que MmeA..., née le 19 janvier 1983 à Liaoning, de nationalité chinoise, entrée en France le 9 mars 2010 sous couvert d'un visa de long séjour pour études, a bénéficié à partir du 16 juin 2012 d'une carte de séjour en qualité de commerçante pour assurer la gérance de la Sarl " Zen attitude ", spécialisée dans les massages ; qu'en juin 2015, Mme A...a demandé le renouvellement de son titre en indiquant que la société " Zen attitude " avait été dissoute le

1er août 2014 et remplacée en octobre 2014 par la Sarl " A...Chang Rong " immatriculée au Registre du commerce et des sociétés en tant qu'institut de beauté ; que, par un arrêté du 28 septembre 2015 le préfet de police a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité de commerçante présentée par MmeA... ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1517637/5-2 du 10 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " commerçant " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...) 2° A l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer. (...) " ; qu'aux termes de l'article

R. 313-16-1 du même code : " L'étranger qui envisage de créer une activité ou une entreprise doit présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique du projet. / L'étranger qui envisage de participer à une activité ou une entreprise existante doit présenter les justificatifs permettant de s'assurer de son effectivité et d'apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. / Dans tous les cas, l'étranger doit justifier qu'il respecte la réglementation en vigueur dans le domaine d'activité en cause. / Un arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé des finances fixe la liste des pièces justificatives que l'étranger doit produire " ; qu'aux termes de l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 modifiée : " I - Quels que soient le statut juridique et les caractéristiques de l'entreprise, ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci les activités suivantes : (...) - les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale. On entend par modelage toute manoeuvre superficielle externe réalisée sur la peau du visage et du corps humain dans un but exclusivement esthétique et de confort, à l'exclusion de toute finalité médicale et thérapeutique. Cette manoeuvre peut être soit manuelle, éventuellement pour assurer la pénétration d'un produit cosmétique, soit facilitée par un appareil à visée esthétique ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 98-246 du 2 avril 1998 modifié : " Les personnes qui exercent l'une des activités mentionnées au I de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 susvisée ou qui en contrôlent l'exercice par des personnes non qualifiées doivent être titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle ou d'un brevet d'études professionnelles ou d'un diplôme ou d'un titre de niveau égal ou supérieur homologué ou enregistré lors de sa délivrance au répertoire national des certifications professionnelles institué par l'article L. 335-6 du code de l'éducation et délivré pour l'exercice de l'un des métiers prévus dans la liste annexée au présent décret. A défaut de diplômes ou de titres mentionnés au premier alinéa, ces personnes doivent justifier d'une expérience professionnelle de trois années effectives sur le territoire de l'Union européenne ou un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen acquise en qualité de dirigeant d'entreprise, de travailleur indépendant ou de salarié dans l'exercice de l'un des métiers prévus dans la liste susmentionnée (...) " ;

3. Considérant que le préfet de police fait valoir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté de refus de renouvellement de titre de séjour, les premiers juges ont estimé que Mme A...justifiait avoir exercé les fonctions d'esthéticienne depuis plus de trois ans ; qu'il soutient que Mme A...ne justifie pas d'un diplôme d'esthéticienne, qu'elle s'est prévalue lors de sa première délivrance de titre de séjour en qualité de commerçante de ses qualifications et expériences professionnelles en qualité de masseuse afin de gérer la société " Zen Attitude " enregistrée au Registre du commerce et des sociétés comme institut de massage, que l'attestation de la société " Oriental Healing " du 11 février 2008 certifiant qu'elle a travaillé en Angleterre en tant qu'esthéticienne d'octobre 2005 à décembre 2007 n'est corroborée par aucun document de nature à attester l'exercice effectif de cette activité professionnelle au Royaume-Uni autre que l'attestation fiscale, qui n'attestant que d'une base imposable doit être regardée elle-même comme insuffisante, et que son expérience sur le territoire français en qualité d'esthéticienne ne représente, au vu des justificatifs produits, qu'une durée de dix huit mois, laquelle, cumulée aux onze mois d'exercice de fait au sein de la société " A...Chang Rong ", est insuffisante ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni l'attestation fiscale du

15 avril 2007 délivrée en Angleterre, pour le motif mentionné au point 3, ni l'attestation de la société " Oriental Healing ", dissoute en 2012, certifiant que Mme A...a travaillé en tant qu'esthéticienne, ne mentionnent l'activité de ladite société en tant qu'institut de beauté pratiquant des soins esthétiques ; que si Mme A...a suivi en 2014 plusieurs formations en soins esthétiques dispensées par le centre de formation Leca, elle ne démontre pas être titulaire d'un CAP de ce secteur d'activité ; que les feuilles de paie produites en tant que salariée esthéticienne auprès de la société " TPC Soleil " entre avril et novembre 2010, puis auprès de la société " Zen Attitude " de décembre 2010 à octobre 2011 représentent une durée cumulée de dix huit mois ; que l'activité de la société " Zen Attitude ", dont Mme A...a repris la gérance le 27 juillet 2010, a été déclarée en tant qu'institut de massage et l'intéressée n'a fait, lors de ses démarches en préfecture, état d'aucune compétence en matière de soins esthétiques ; qu'ainsi, et quand bien même elle justifie avoir exercé cette activité entre octobre 2014 et septembre 2015, Mme A... ne remplissait pas, à la date de l'arrêté contesté, les conditions prévues à l'article 1er du décret n° 98-246 du 2 avril 1998 modifié selon lesquelles une personne non titulaire d'un CAP, d'un BEP ou d'un diplôme ou d'un titre de niveau égal ou supérieur homologué ou enregistré lors de sa délivrance au répertoire national des certifications professionnelles, doit justifier d'une expérience professionnelle, appréciée au regard du métier exercé, d'une durée de trois années effectives sur le territoire de l'union européenne pour être, en l'espèce, autorisée à prodiguer des soins esthétiques à la personne au sein d'un institut de beauté ; que par suite, et nonobstant la circonstance que l'activité de la société " A...Chang Rong " soit économiquement viable, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 septembre 2015 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

6. Considérant, en premier lieu, que, ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme A...n'a pas démontré avoir exercé dans les conditions réglementaires, sous la responsabilité d'un professionnel de l'esthétique, les trois années d'expérience professionnelle requises pour la gérance de son nouveau salon de beauté et soins esthétiques ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de commerçante au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions de l'article 1er du décret

n° 98-246 du 2 avril 1998 modifié, le préfet de police a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; que les circonstances que la société soit économiquement viable et qu'un salarié ait été recruté dès le lancement de l'activité sont sans incidence sur la légalité du refus ;

7. Considérant, en second lieu, que les moyens soulevés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français en conséquence de l'illégalité de cette décision de refus ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 septembre 2015 et lui a enjoint de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " commerçant " ; que, par voie de conséquence, la demande formée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1517637/5-2 du 10 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique le 11 octobre 2016.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA01214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01214
Date de la décision : 11/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : LEPAGE-ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-11;16pa01214 ?
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