Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du président de l'université de Nouvelle-Calédonie du 18 juin 2014 refusant de le réintégrer dans son emploi à la suite d'une mise en disponibilité pour convenances personnelles.
Par un jugement n° 1400276 du 13 mai 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 août 2015, l'université de Nouvelle-Calédonie demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 13 mai 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le motif tiré de l'absence de poste vacant justifie légalement la décision contestée de refus de réintégration ; en outre, cette réintégration pouvait être refusée pour un motif d'intérêt général tiré des conséquences de la condamnation pénale de M. B...sur le bon fonctionnement du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, M. A... B..., représenté par la Selarl Royanez, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'université de Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- la décision de refus de réintégration anticipée est également entachée de détournement de pouvoir.
Par ordonnance du 25 février 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2016.
Vu le jugement attaqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Petit, rapporteur,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., professeur d'université en histoire moderne et contemporaine à l'université de Nouvelle-Calédonie, a fait l'objet en 2008 d'une sanction de révocation par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université, en raison de la parution sur un site internet d'images pornographiques le mettant en scène, avec une autre personne, dans les locaux de l'université ; que le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a toutefois substitué à cette sanction, le 10 mars 2009, celle de l'exclusion de toutes fonctions d'enseignement et de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée de 5 ans à compter du 29 février 2008, soit jusqu'au 1er mars 2013 ; que le 14 février 2013, M. B...a sollicité sa mise en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er mars 2013 ; qu'il a été fait droit à cette demande par une décision du 4 mars 2013 ; que pour tirer les conséquences de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de l'intéressé, le ministre chargé de l'enseignement supérieur a radié M. B...du corps des professeurs des universités, par décision du 8 mars 2013, au motif que les mentions alors inscrites au casier judiciaire étaient incompatibles avec le maintien de l'intéressé dans ce corps ; que le ministre a ensuite retiré cette décision ; que le Conseil d'Etat a prononcé, le 26 mars 2014, un non-lieu à statuer sur le recours formé par M. B...contre cette décision de radiation des cadres ; que par un courrier du 12 mai 2014 M. B...a notamment sollicité sa réintégration au sein de l'université à compter du mois de mai 2014; que le 18 juin 2014, l'université a refusé de faire droit à cette demande, au motif qu'une nouvelle procédure disciplinaire était en cours ; que par un jugement du 13 mars 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision du 18 juin 2014, en estimant que le motif de refus était illégal au regard des dispositions de l'article 47 du décret du 16 septembre 1985 et que la substitution de motifs sollicitée par l'université, tirée de l'absence de poste vacant, ne pouvait être accueillie ; que l'université de Nouvelle-Calédonie fait appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 44 du décret du 16 septembre 1985 susvisé : " La mise en disponibilité sur demande de l'intéressé peut être accordée, sous réserve des nécessités du service, dans les cas suivants : " ...b) Pour convenances personnelles : la durée de la disponibilité ne peut, dans ce cas, excéder trois années ; elle est renouvelable mais la durée de la disponibilité ne peut excéder au total dix années pour l'ensemble de la carrière " ; que selon l'article 49 du même décret : " Le fonctionnaire mis en disponibilité au titre du cinquième alinéa de l'article 47 du présent décret est, à l'issue de la période de disponibilité ou avant cette date s'il sollicite sa réintégration anticipée, réintégré et réaffecté dans son emploi antérieur./Dans tous les autres cas de disponibilité, la réintégration est subordonnée à la vérification par un médecin agréé et, éventuellement, par le comité médical compétent, saisi dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur, de l'aptitude physique du fonctionnaire à l'exercice des fonctions afférentes à son grade./Trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité, le fonctionnaire fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son corps d'origine. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa du présent article et du respect par l'intéressé, pendant la période de mise en disponibilité, des obligations qui s'imposent à un fonctionnaire même en dehors du service, la réintégration est de droit./A l'issue de sa disponibilité, l'une des trois premières vacances dans son grade doit être proposée au fonctionnaire. S'il refuse successivement trois postes qui lui sont proposés, il peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire ..." ;
3. Considérant que dans ses écritures d'appel, l'université de Nouvelle-Calédonie admet l'illégalité du motif de refus, tiré de l'engagement d'une procédure disciplinaire, qu'elle avait opposé initialement à la demande de réintégration de M. B...dans sa décision du 18 juin 2014, et demande à la Cour de procéder à une substitution de motif ;
4. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
5. Considérant que l'université a soutenu en première instance comme en appel qu'elle ne pouvait procéder à la réintégration de M.B..., faute de poste vacant disponible ; que, toutefois, si elle fait valoir qu'à la date de la réintégration demandée, les services d'enseignement avaient déjà été attribués aux différents enseignants-chercheurs, en application du décret
n° 84-431 du 6 juin 1984, elle ne produit, en tout état de cause, aucun élément relatif à la discipline " histoire moderne et contemporaine " de nature à établir l'impossibilité de confier à nouveau à M. B...des fonctions d'enseignement et de recherche dans cette discipline, au plus tard lors de la prochaine rentrée universitaire, ou, à tout le moins, des fonctions administratives, comme l'avait proposé l'intéressé ; que, dans ces conditions, le motif tiré de l'absence de poste vacant ne peut être substitué au motif initialement retenu par l'université ;
6. Considérant, toutefois que l'université soutient également, pour la première fois en appel, que la réintégration de M. B...aurait porté atteinte à l'intérêt du service ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 49 du décret du 16 septembre 1985 que la réintégration de plein droit de l'agent à l'une des trois premières vacances est subordonnée au respect des obligations qui s'imposent à un fonctionnaire, même en dehors du service ; que si les manquements de M. B...aux obligations déontologiques qui étaient les siennes ont été commis antérieurement à sa mise en disponibilité pour convenances personnelles, il ressort des pièces du dossier que compte tenu de la nature et de la notoriété de ces faits au sein de l'université, la réintégration de M. B...présentait un risque de troubles au bon fonctionnement de l'université ; que l'intérêt du service justifiait dès lors légalement le refus de réintégration ; qu'il ressort des pièces du dossier que le président de l'université aurait pris la même décision en se fondant sur ce motif ; que la substitution de motifs demandée par l'université ne prive M. B...d'aucune garantie ; que, par suite, il y a lieu de faire droit à cette nouvelle demande de substitution de motifs ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé l'annulation de la décision en litige en se fondant sur l'illégalité du motif initial de refus de réintégration ;
7. Considérant toutefois qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M.B... ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de tout ce qui a été dit au point 6 ci-dessus que l'université pouvait, pour un motif légal, refuser de faire droit à la demande de réintégration de M.B... ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de réintégration étant légalement fondé sur l'intérêt du service, le moyen tiré de ce que l'université aurait commis un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'université de Nouvelle-Calédonie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du 18 juin 2014 en tant qu'elle a rejeté la demande de réintégration de M.B... ; que les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; que l'université de Nouvelle-Calédonie n'ayant pas été représentée par un avocat dans la présente instance et ne justifiant pas des frais qu'elle invoque, ses conclusions présentées au titre des mêmes dispositions doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400276 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 13 mai 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'université de Nouvelle-Calédonie et à M. A...B....
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 septembre 2016.
Le rapporteur,
V. PETIT Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,
A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03325