Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Fiumarella a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le marché conclu le 17 décembre 2013 entre l'Office polynésien de l'habitat et la société Boyer au titre du lot n°5 " gros oeuvre, traitement anti-termites " pour la construction d'un ensemble de logements sur le territoire de la commune de Punaauia.
Par un jugement n° 1400366 du 10 mars 2015, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2015 et des mémoires enregistrés les 12 août 2015 et 19 avril 2016, la société Fiumarella, représentée par la SCP Boulloche, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler le marché conclu le 17 décembre 2013 entre l'Office polynésien de l'habitat et la société Boyer au titre du lot n°5 " Gros oeuvre, traitement anti-termites " ;
3°) de mettre à la charge de l'Office polynésien de l'habitat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la totalité des mémoires présentés en première instance par la société Fiumarella ; il est insuffisamment motivé en ce qu'il a omis de répondre à plusieurs moyens, notamment ceux tirés, d'une part, de l'absence de caractère exécutoire de l'arrêté du 27 janvier 2000 habilitant le directeur général de l'office à signer le marché et, d'autre part, de la méconnaissance du principe de transparence de la commande publique dont il résulte qu'une offre anormalement basse ne peut être rejetée sans que le candidat ait été mis à même de présenter ses observations ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le prix proposé au titre du traitement anti-termites n'était pas anormalement bas ; l'office a donc commis, sur ce point, une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2015, l'Office polynésien de l'habitat, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Fiumarella au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours engagé par la société est irrecevable en ce qu'il a été introduit tardivement ; compte tenu de la rédaction de l'article 25 du code des marchés publics dans sa version alors applicable en Polynésie française, aucune mesure de publicité entourant la signature du contrat n'était requise ; le délai d'un recours en contestation de la validité d'un marché courait donc à compter de l'information donnée aux concurrents évincés relative au rejet de leur offre ; compte tenu des autres recours formés par la société Fiumarella, celle-ci avait nécessairement connaissance de l'attribution du marché à la société Boyer ;
- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 23 mars 2016, la société Boyer, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Fiumarella au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable car manifestement tardive ;
- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 84-20 du 1er mars 1984 modifiée portant code des marchés publics de la Polynésie française et de ses établissements publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Petit, rapporteur,
- les observations de MeC..., pour la société Boyer.
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant que par un avis d'appel d'offres du 13 août 2012, l'Office polynésien de l'habitat a lancé une procédure de passation d'un marché de travaux pour la construction de 24 logements sur le territoire de la commune de Punaauia ; que, par lettre du 21 décembre 2012, la société Fiumarella a été informée du rejet de son offre présentée au titre du lot n°5 " gros oeuvre-traitement anti-termites " ; que, par lettre du 31 janvier 2013, reçue le 4 février 2013, l'office polynésien de l'habitat a informé la société Fiumarella que son offre avait été rejetée en raison du caractère anormalement bas du prix proposé au titre du traitement anti-termites ; que le marché a été conclu avec la société Boyer le 17 décembre 2013 ; que la société Fiumarella a formé un recours pour excès de pouvoir contre la décision du 31 janvier 2013 l'informant des motifs du rejet de son offre ainsi que contre la décision d'attribution du marché ; que ce recours a été rejeté par un jugement du Tribunal administratif de Polynésie française du 24 février 2015 ; que la société Fiumarella a ensuite demandé au tribunal administratif l'annulation du marché, en qualité de concurrente évincée ; que par un jugement du 10 mars 2015, ce recours a été rejeté ; que la société requérante fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement comporte l'analyse de l'ensemble des mémoires présentés par la société Fiumarella ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative manque dès lors en fait ;
3. Considérant, d'autre part, que dans ses écritures de première instance, la société Fiumarella a soulevé un moyen tiré de ce que l'acte autorisant le directeur général de l'office à signer les marchés n'était pas exécutoire faute d'avoir été transmis au haut-commissaire de la République conformément aux dispositions de l'article 173 de la loi organique du 27 février 2004 ; que le tribunal administratif a jugé que l'article 23 de l'arrêté du président du gouvernement du 27 janvier 2000 relatif à l'organisation de l'établissement public à caractère industriel et commercial dénommé " Office Polynésien de l'habitat ", régulièrement publié au Journal officiel de la Polynésie française, autorisait le directeur général de l'office à signer les marchés ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 173 de la loi organique du 27 février 2004 était inopérant, l'arrêté du 27 janvier 2000 étant antérieur à cette loi, et le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à ce moyen ; que, par ailleurs, le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de la méconnaissance des principes de transparence et de publicité ; qu'en estimant que le code des marchés publics alors en vigueur en Polynésie française n'imposait pas au pouvoir adjudicateur, avant de rejeter une offre en raison du caractère anormalement bas de celle-ci, de demander au soumissionnaire de justifier du prix proposé par celui-ci, il a nécessairement écarté le moyen tiré de ce que cette obligation s'imposait même sans texte, en vertu du principe de transparence applicable à la commande publique ;
Sur la validité du contrat :
4. Considérant qu'indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;
5. Considérant, d'une part, qu'à la date de signature du marché en litige, le code des marchés publics de la Polynésie française et de ses établissements publics n'imposait pas au pouvoir adjudicateur, avant de rejeter une offre comme anormalement basse, d'inviter le soumissionnaire à justifier le prix proposé ; qu'en admettant même qu'une telle obligation découle des principes généraux de publicité, de transparence et d'égalité d'accès à la commande publique, il résulte de l'instruction que le maître d'oeuvre, lors de l'analyse des offres, a invité le 12 octobre 2012 la société requérante à justifier que le prix du traitement anti-termites qu'elle proposait était conforme aux exigences du cahier des clauses techniques particulières et que celle-ci s'est bornée à répondre que son offre " était conforme au CCTP " ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'offre de la société Fiumarella a été rejetée en raison de son caractère anormalement bas sans que celle-ci ait été mise en mesure de présenter des justifications sur le prix demandé doit, en tout état de cause, être écarté ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le prix proposé par la société Fiumarella au titre du traitement anti-termites était inférieur des deux tiers à l'estimation du maître d'oeuvre et à la proposition de la société Boyer ; que si cet écart n'est pas, à lui seul, de nature à caractériser un prix anormalement bas, la société requérante n'a explicité ni devant le pouvoir adjudicateur, ni devant le tribunal administratif ni devant la Cour les raisons d'un tel écart et n'a fourni aucune précision sur le mode de détermination de son prix ; que, dans ces conditions, l'Office polynésien de l'habitat ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que cet élément du prix était anormalement bas et en rejetant, pour ce motif, l'offre de la société requérante ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, la société Fiumarella n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par l'Office polynésien de l'habitat et la société Boyer ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Fiumarella est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office polynésien de l'habitat et la société Boyer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fiumarella, à l'Office polynésien de l'habitat et à la société Boyer.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2016.
Le rapporteur,
V. PETITLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02198