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29/07/2016 | FRANCE | N°15PA04242

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 29 juillet 2016, 15PA04242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 63 730 euros en réparation du préjudice financier et 20 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la régularisation tardive de sa situation par la signature d'un contrat à durée indéterminée et d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de lui verser l'indemnité de résidence due depuis la date de son recrutement.

Par jugement n° 1215681/5-4 du 25 juin 2013 le Tribun

al administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA03381 du 22 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 63 730 euros en réparation du préjudice financier et 20 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la régularisation tardive de sa situation par la signature d'un contrat à durée indéterminée et d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de lui verser l'indemnité de résidence due depuis la date de son recrutement.

Par jugement n° 1215681/5-4 du 25 juin 2013 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13PA03381 du 22 avril 2014, la Cour administrative d'appel de Paris, statuant sur l'appel de MmeB..., a annulé le jugement du tribunal en tant qu'il statue sur l'exception de prescription quadriennale opposée aux conclusions de l'intéressée tendant à l'indemnisation de son préjudice moral, après évocation, a rejeté ses conclusions puis a rejeté le surplus de la requête.

Par une décision n° 381628 du 9 novembre 2015, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de MmeB..., annulé l'arrêt de la Cour en tant qu'il statue sur les conclusions de l'intéressée relatives à son préjudice moral ainsi que sur ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et renvoyé à la Cour le jugement de ces conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 26 août 2013, et après cassation, le 16 mars 2016, MmeB..., représentée par Me A...D..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1215681/5-4 du 25 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 560 euros en réparation du préjudice moral résultant du statut de vacataire dans lequel elle a été irrégulièrement placée de la date de son recrutement à la date de régularisation de sa situation administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne ses conclusions restant en litige après cassation, que :

- elle a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence en raison de la précarité organisée et continue résultant du statut de vacataire dans lequel elle a été illégalement placée pendant plus de vingt-cinq ans ;

- du fait de sa qualité de vacataire, elle n'a pu voter aux élections des représentants du personnel, ni bénéficier de certains congés ou d'autorisations d'absence afin d'organiser sa vie personnelle et familiale, ni bénéficier des prestations de l'action sociale du ministère, ni des congés de formation professionnelle ;

- le préjudice fera l'objet d'une juste appréciation à hauteur 7 560 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 février 2014 et, après cassation, le 15 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique concluent à ce que l'indemnisation de Mme B...n'excède pas l'euro symbolique et au rejet du surplus de la requête.

Ils soutiennent que :

- le préjudice moral invoqué ne peut être évalué qu'au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 16 août 2009 dès lors que Mme B...s'est bornée à demander au juge de cassation l'annulation de l'arrêt d'appel du 22 avril 2014 en tant que le juge d'appel a considéré que sa créance était prescrite au titre des années 2008 et 2009 ;

- le préjudice moral invoqué ne peut être évalué qu'au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 16 août 2009 dès lors qu'il s'agit de la période pour laquelle la requérante a demandé au juge de cassation l'annulation de l'arrêt d'appel du 22 avril 2014 ;

- l'évaluation du préjudice moral ne saurait excéder l'euro symbolique dans la mesure où Mme B...a indiqué ignorer la possibilité de bénéficier d'un contrat public avant l'année 2007, d'une part, et qu'elle était placée dans une situation comparable à celle d'un agent contractuel de niveau A, d'autre part ;

- le montant réclamé n'est nullement justifié.

Par ordonnance du 15 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier :

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-589 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que Mme B...a exercé, entre le 1er mars 1988 et le 16 août 2009, date de la signature du contrat qui a régularisé sa situation administrative, les fonctions de médecin de prévention des services déconcentrés des ministères économiques et financiers en qualité de vacataire ; que la Cour administrative d'appel de Paris, par un arrêt n° 13PA03381 du 22 avril 2014, a annulé le jugement du tribunal en tant qu'il statue sur l'exception de prescription quadriennale opposée aux conclusions de l'intéressée tendant à l'indemnisation de son préjudice moral, après évocation, a rejeté ses conclusions puis a rejeté le surplus de la requête ; que, par une décision n° 381628 du 9 novembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme B...relatives à son préjudice moral ainsi que sur ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et renvoyé l'affaire à la Cour dans cette mesure ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; que le délai de prescription quadriennale de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation ;

3. Considérant qu'en maintenant irrégulièrement Mme B...pendant plus de vingt ans dans la situation d'un agent vacataire, les ministres économiques et financiers ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité ; que Mme B...demande la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence causés par la précarité de ce statut qui l'a privée du bénéfice des droits reconnus aux agents non titulaires de la fonction publique de l'Etat notamment la participation aux élections professionnelles, les prestations sociales accordées par les ministères financiers et de la formation professionnelle ainsi que le droit à des congés personnels motifs pris que cela a rendu plus difficile l'organisation de sa vie personnelle et familiale ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le délai de prescription de la créance liée au préjudice moral et aux troubles dans les conditions d'existence dont se prévaut Mme B... du fait de l'intervention tardive du contrat à durée indéterminée régularisant sa situation, signé le 16 août 2009, a commencé à courir le 1er janvier 2010 ; que, par suite, la créance relative à ces préjudices n'était pas prescrite lors de sa demande préalable intervenue en 2012 ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, il ressort de la décision du 9 novembre 2015 du Conseil d'Etat que si Mme B...a soutenu en cassation que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant que son préjudice moral subi depuis le 1er janvier 2008 était atteint par la prescription quadriennale, elle n'a pas pour autant limité ses conclusions indemnitaires en la matière à la période courant du 1er janvier 2008 au 16 août 2009, date de la signature du contrat régularisant sa situation administrative ; qu'il sera fait une juste évaluation des préjudices subis par Mme B...pendant plus de vingt ans du fait de la précarité de son statut et de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de bénéficier des droits énumérés ci-dessus reconnus aux agents non titulaires de la fonction publique de l'Etat en lui accordant une indemnité d'un montant de 4 200 euros, en dépit des circonstances que, comme le fait valoir l'administration, Mme B...aurait été placée dans une situation comparable à celle d'un agent contractuel de niveau A, qu'elle a accepté les conditions d'emploi en cause et qu'elle a admis avoir ignoré la possibilité de bénéficier d'un contrat avant l'année 2007 ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 4 200 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis du fait de la régularisation tardive de sa situation ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme B...la somme de 4 200 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Article 2 : Le jugement n° 1215681/5-4 du 25 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme B...relatives à son préjudice moral.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 29 juillet 2016.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA04242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04242
Date de la décision : 29/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : CABINET WANSANGA-ALLEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-29;15pa04242 ?
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