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29/07/2016 | FRANCE | N°15PA03808

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 29 juillet 2016, 15PA03808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 68 172,48 euros en réparation du préjudice financier et 25 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la régularisation tardive de sa situation par la signature d'un contrat à durée indéterminée et d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de lui verser l'indemnité de résidence due depuis la date de son recrutement.

Par un jugement n° 1215649/5-4 du 25 juin 2013, le

Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 13PA03379 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 68 172,48 euros en réparation du préjudice financier et 25 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la régularisation tardive de sa situation par la signature d'un contrat à durée indéterminée et d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de lui verser l'indemnité de résidence due depuis la date de son recrutement.

Par un jugement n° 1215649/5-4 du 25 juin 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 13PA03379 du 22 avril 2014, la Cour administrative d'appel de Paris, statuant sur l'appel de MmeC..., a annulé le jugement du tribunal en tant qu'il statue sur l'exception de prescription quadriennale opposée aux conclusions de la requérante tendant à l'indemnisation de son préjudice moral, après évocation, a rejeté ses conclusions puis a rejeté le surplus de la requête.

Par une décision n° 381627 du 7 octobre 2015, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de Mme C..., annulé l'arrêt de la Cour en tant qu'il statue sur les conclusions de l'intéressée relatives à son préjudice moral et à son préjudice né de la perte de l'indemnité de résidence jusqu'au 1er août 1987 ainsi que sur ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et renvoyé à la Cour le jugement de ces conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 26 août 2013, et après cassation, les 15 mars et 23 mars 2016, MmeC..., représentée par Me A...D..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1215649/5-4 du 25 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 24 900 euros en réparation du préjudice moral résultant du statut de vacataire dans lequel elle a été irrégulièrement placée du 11 décembre 1989 au 23 novembre 2009 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser l'indemnité de résidence non perçue du 1er février 1983 au 1er août 1987 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne ses conclusions restant en litige après cassation, que :

- elle a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence en raison de la précarité organisée et continue résultant du statut de vacataire dans lequel elle a été illégalement placée pendant plus de 25 ans ;

- du fait de sa qualité de vacataire, elle n'a pu voter aux élections des représentants du personnel, ni bénéficier de certains congés ou d'autorisations d'absence afin d'organiser sa vie personnelle et familiale, ni bénéficier des prestations de l'action sociale du ministère, ni des congés de formation professionnelle ;

- le préjudice fera l'objet d'une juste appréciation à hauteur de 24 900 euros ;

- elle a été privée de l'indemnité de résidence.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 mars 2014 et, après cassation, le 15 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique concluent à ce que l'indemnisation de Mme C...n'excède pas l'euro symbolique et au rejet du surplus de la requête.

Ils soutiennent que :

- le préjudice moral invoqué ne peut être évalué qu'au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 14 décembre 2009 dès lors que Mme C...s'est bornée à demander au juge de cassation l'annulation de l'arrêt d'appel du 22 avril 2014 en tant que le juge d'appel a considéré que sa créance était prescrite au titre des années 2008 et 2009 ;

- l'évaluation du préjudice moral ne saurait excéder l'euro symbolique dans la mesure où Mme C...a indiqué ignorer la possibilité de bénéficier d'un contrat public avant l'année 2007, d'une part, et qu'elle était placée dans une situation comparable à celle d'un agent contractuel de niveau A, d'autre part ;

- le montant réclamé n'est nullement justifié ;

- la demande indemnitaire de Mme C...au titre de l'indemnité de résidence ne saurait aboutir dès lors que les textes désormais en vigueur ne permettent plus aux agents contractuels de l'Etat de bénéficier de l'indemnité de résidence.

Par ordonnance du 15 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 74-652 du 19 juillet 1974 ;

- le décret n° 78-1308 du 13 décembre 1978 ;

- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;

- le décret n° 87-589 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que Mme C...a exercé, entre le 1er février 1983 et le 14 décembre 2009, date de la signature du contrat qui a régularisé sa situation administrative, les fonctions de médecin de prévention des services déconcentrés des ministères économique et financier en qualité de vacataire ; que la Cour administrative d'appel de Paris, par un arrêt n° 13PA03379 du 22 avril 2014, a annulé le jugement du tribunal en tant qu'il statue sur l'exception de prescription quadriennale opposée aux conclusions de la requérante tendant à l'indemnisation de son préjudice moral, après évocation, a rejeté ses conclusions puis a rejeté le surplus de la requête ; que, par une décision n° 381627 du 7 octobre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme C... relatives à son préjudice moral et à son préjudice né de la perte de l'indemnisation de résidence jusqu'au 1er août 1987 ainsi que sur ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et renvoyé l'affaire à la Cour dans cette mesure ;

Sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; que le délai de prescription quadriennale de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation ;

3. Considérant qu'en maintenant irrégulièrement Mme C...pendant plus de

vingt-six ans dans la situation d'un agent vacataire, les ministres économiques et financiers ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité ; que Mme C...demande la réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence causés par la précarité de ce statut qui l'a privée du bénéfice des droits reconnus aux agents non titulaires de la fonction publique de l'Etat notamment la participation aux élections professionnelles, les prestations sociales accordées par les ministères financiers et de la formation professionnelle ainsi que le droit à des congés personnels motifs pris que cela a rendu plus difficile l'organisation de sa vie personnelle et familiale ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le délai de prescription de la créance liée au préjudice moral et aux troubles dans les conditions d'existence dont se prévaut Mme C...du fait de l'intervention tardive du contrat à durée indéterminée régularisant sa situation, signé le 14 décembre 2009, a commencé à courir le 1er janvier 2010 ; que, par suite, la créance relative à ces préjudices n'était pas prescrite lors de sa demande préalable intervenue en 2012 ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, il ressort de la décision du 7 octobre 2015 du Conseil d'Etat que si Mme C...a soutenu en cassation que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant que son préjudice moral subi depuis le 1er janvier 2008 était atteint par la prescription quadriennale, elle n'a pas pour autant limité ses conclusions indemnitaires en la matière à la période courant du 1er janvier 2008 au 14 décembre 2009, date de la signature du contrat régularisant sa situation administrative ; qu'il sera fait une juste évaluation des préjudices subis par Mme C...pendant plus de vingt-six ans du fait de la précarité de son statut et de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de bénéficier des droits énumérés ci-dessus reconnus aux agents non titulaires de la fonction publique de l'Etat en lui accordant une indemnité d'un montant de 5 200 euros, en dépit des circonstances que, comme le fait valoir l'administration, Mme C...aurait été placée dans une situation comparable à celle d'un agent contractuel de niveau A, qu'elle a accepté les conditions d'emploi en cause et qu'elle a admis avoir ignoré la possibilité de bénéficier d'un contrat avant l'année 2007 ;

Sur la perte de l'indemnité de résidence :

4. Considérant que, jusqu'à l'intervention du décret du 30 juillet 1987 modifiant l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation, l'indemnité de résidence était due aux agents contractuels de l'Etat, à l'exception de ceux rémunérés sur la base des salaires pratiqués dans le commerce et l'industrie ; qu'antérieurement au décret du 24 octobre 1985, l'indemnité de résidence était régie par les dispositions de l'article 9 du décret du 19 juillet 1974 susvisé ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'administration, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des indemnités non destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions et dont l'intéressée avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier ; que dès lors qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'application du décret du 13 décembre 1978 susvisé, que Mme C...n'a pas été rémunérée sur la base des salaires pratiqués dans le commerce et l'industrie, elle aurait bénéficié, si elle avait été placée en situation régulière dès son recrutement le 1er février 1983, de l'indemnité de résidence sur le fondement de l'article 9 du décret

n° 74-652 du 19 juillet 1974 susvisé puis de l'article 9 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 30 juillet 1987 ; qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à Mme C...l'indemnité de résidence entre la date de son recrutement effectif le 1er février 1983 et le 31 juillet 1987, date d'entrée en vigueur du décret du 30 juillet 1987 ; que les éléments nécessaires à la liquidation de la somme due à Mme C...à ce titre ne figurent pas au dossier, notamment la zone territoriale d'abattement de salaire dont dépendait MmeC... ; qu'il y a lieu de renvoyer l'intéressée devant l'administration aux fins de liquidation de cette créance dans la limite de 87 972,48 euros, soit le montant total des conclusions indemnitaires diminué de l'indemnité telle que fixée au point 3 ci-dessus ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 5 200 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis du fait de la régularisation tardive de sa situation ainsi que l'indemnité de résidence dans les conditions mentionnées au point 5 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme C...la somme de 5 200 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Article 2 : Mme C...est renvoyée devant le ministre des finances et des comptes publics à fin de liquidation, sur les bases indiquées dans le présent arrêt, de l'indemnité de résidence.

Article 3 : Le jugement n° 1215649/5-4 du 25 juin 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme C...relatives à son préjudice moral et à son préjudice né de la perte de l'indemnité de résidence jusqu'au 1er août 1987.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C...la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2016 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 29 juillet 2016.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

B. AUVRAY Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03808
Date de la décision : 29/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : CABINET WANSANGA-ALLEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-29;15pa03808 ?
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