Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Tyrrhénienne de Taxis a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et en 2010, d'autre part, de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 1409976/1-3 du 24 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2015, la société Tyrrhénienne de Taxis, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement n° 1409976/1-3 du 24 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la vérification de comptabilité a porté sur des exercices prescrits et en outre déjà contrôlés ;
- les impositions contestées sont mal fondées dès lors que c'est à tort que le service a rejeté sa comptabilité, la méthode de reconstitution de ses recettes est dénuée de pertinence et les écritures de tiers sont justifiées tant dans leur principe que dans leurs montants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen d'appel n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray ;
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période " ; qu'aux termes de l'article L. 169 du même livre : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; qu'aux termes de l'article L. 176 de ce livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration fiscale est en droit de procéder à des contrôles ou de demander des pièces justificatives portant sur des écritures comptables et, notamment, des écritures de tiers trouvant leur origine dans des opérations pourtant réalisées au cours de périodes ou d'exercices prescrits, dès lors que ces écritures concourent à la formation des bases imposables se rapportant à des périodes ou à des exercices non prescrits et ce, alors même que ces écritures auraient déjà été soumises à une précédente vérification, à la condition toutefois que ce contrôle ait pour objet d'établir des impositions relatives à une autre période ; qu'ainsi, la circonstance que les dettes de 51 000 et 18 590 euros aient été portées au passif du bilan de la société requérante au cours de l'exercice clos en 2005, qui était prescrit, et n'auraient, en outre, pas été remises en cause par le service lors d'un précédent contrôle, ce que le ministre conteste d'ailleurs en relevant que le précédent contrôle a porté, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2003 et en 2004 et non sur celui clos en 2005, n'interdisait en tout état de cause pas à l'administration de demander à la contribuable de justifier du maintien de ces deux dettes au passif de son bilan en vue d'établir son imposition au titre de l'exercice clos en 2009 ; que, pour les mêmes raisons, le service était également fondé à demander à la société Tyrrhénienne de Taxis des justifications quant à une somme de 42 396 euros qu'elle avait inscrite en créance en 2005 et que, l'estimant irrécouvrable, elle a passée en perte au cours de l'exercice clos en 2009 ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Tyrrhénienne de Taxis qui, en toute hypothèse, ne peut utilement se prévaloir, en matière de délai de reprise par l'administration fiscale, de la loi susvisée du 17 juin 2008 qui prévoit d'ailleurs une prescription de droit commun de cinq ans, n'est fondée à soutenir ni que le service aurait procédé à une nouvelle vérification de sa comptabilité en méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, ni qu'il aurait exercé son droit de reprise au-delà des délais prévus par les articles L. 169 et L. 176 du même livre, dès lors que la proposition de rectification relative aux impositions contestées a été notifiée le 12 juin 2012 ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les motifs retenus par les premiers juges qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, c'est à juste titre que, contrairement à ce que soutient la société Tyrrhénienne de Taxis, le vérificateur a rejeté sa comptabilité comme irrégulière et dépourvue de valeur probante au titre des exercices clos en 2009 et en 2010 ;
3. Considérant, en troisième lieu, que la société Tyrrhénienne de Taxis conteste la pertinence de la méthode à laquelle le vérificateur a recouru pour procéder à la reconstitution de ses recettes ; que les impositions en résultant ayant été établies conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 28 mars 2013, il incombe à l'intéressée, en vertu des dispositions de l'article L. 192 du live des procédures fiscales, de démontrer soit que cette méthode est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit de proposer une méthode de reconstitution plus adaptée ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification du 12 juin 2012 que, pour reconstituer les recettes de la société Tyrrhénienne de Taxis, le vérificateur a pris en compte le kilométrage parcouru annuellement par les deux véhicules de la contribuable, qu'il a évalué comme étant égal à la moyenne des kilométrages relevés sur les factures d'entretien de ces véhicules et ceux relevés par la préfecture de police, dont il a retiré 10 000 kilomètres pour chacun des véhicules au titre d'un usage non professionnel ; que le vérificateur a alors estimé que les deux tiers du kilométrage restant avaient été effectués " en charge ", auxquels il a appliqué, sur une fraction égale à 65 %, le tarif kilométrique le plus faible, dit " A ", et sur celle égale à 35 %, le tarif dit " B ", sans faire application du tarif le plus élevé, dit " C ", et a ajouté aux résultats ainsi obtenus les recettes provenant des taxis relais auxquels la requérante a eu recours, les recettes issues de la prise en charge des clients en fonction du nombre de sorties déterminé à partir du registre d'inscriptions, les recettes résultant de la facturation des heures d'attente à raison d'une heure par sortie au tarif le plus bas ainsi que les recettes accessoires estimées à 6 % du chiffre d'affaires, que la contribuable avaient spontanément retenues à hauteur de 5 % ;
5. Considérant que, pour critiquer la méthode de reconstitution utilisée, la société Tyrrhénienne de Taxis soutient, d'une part, que le kilométrage parcouru n'est pas significatif des recettes réalisées, alléguant ainsi que ses deux véhicules accuseraient un kilométrage variant du simple au double pour des recettes d'un niveau comparable, d'autre part, que le vérificateur a significativement rehaussé les recettes sans majorer les charges d'exploitation, alors que les charges salariales représentent, à elles seules, 60 % de son chiffre d'affaires et que les dépenses de carburant sont également proportionnelles à ses recettes ;
6. Considérant, toutefois, que la société Tyrrhénienne de Taxis, qui ne propose pas de méthode alternative, n'établit pas que ses recettes ne seraient pas, pour l'essentiel, fonction du kilométrage parcouru par ses deux véhicules, ni que l'un des véhicules serait à l'origine du même chiffre d'affaires que l'autre tout en ayant roulé deux fois plus, le ministre des finances et des comptes publics relevant à cet égard que seul l'un d'entre eux, de marque Opel, a été régulièrement utilisé en " doublage ", c'est-à-dire par roulement de deux chauffeurs, le jour et la nuit ; que, s'agissant des charges, la requérante n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe de le faire, la réalité des dépenses supplémentaires dont elle demande la prise en compte, faute de produire des éléments en justifiant, étant précisé que les charges de carburant déclarées ont doublé en 2010 par rapport à 2009 tandis que l'intéressée a déclaré des recettes et des salaires comparables au titre de ces deux exercices ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que la méthode de reconstitution utilisée par le service ait, s'agissant de 2011, abouti à des recettes légèrement inférieures à celles qu'elle avait déclarées, loin d'établir son caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire, tend au contraire à en démontrer la pertinence ; que, dès lors, la société Tyrrhénienne de Taxis, qui n'établit pas l'exagération des rehaussements de ses bases imposables, n'est pas fondée à demander la décharge ou la réduction des suppléments d'imposition en résultant ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances de tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes du 4 bis de l'article précité : " (...) l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou une surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit (...) " ;
8. Considérant que le vérificateur a procédé à la réintégration, dans le résultat imposable de la société Tyrrhénienne de Taxis au titre de l'exercice 2009, d'un passif de 51 000 euros ; que si l'intéressée soutient que cette dette correspond à un dépôt de garantie au titre d'une promesse de vente portant sur la cession, par ses soins, d'une autorisation de stationnement, il n'est pas contesté que la transaction a eu lieu en 2005 ; que, par suite, c'est à juste titre que le service a regardé ce passif comme étant injustifié et l'a réintégré au résultat de 2009, premier exercice non prescrit, ce qui faisait obstacle à ce qu'il fût procédé à la correction symétrique du bilan d'ouverture de cet exercice, étant en outre précisé que la dette en cause ne figurant au bilan de la société Tyrrhénienne de Taxis que depuis 2005, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts ; que la circonstance, invoquée par la requérante, tirée de ce que le paiement de l'autorisation de stationnement, acquise par certains de ses propres associés, s'est effectué, d'ailleurs à hauteur de 40 000 euros, par réduction de son capital social, est sans incidence sur le bien-fondé du supplément d'imposition résultant de la rectification en cause, de même que la circonstance que son comptable a procédé à la régularisation de cette écriture de tiers au titre de l'exercice clos en 2011, sur lequel la vérification de comptabilité n'a au surplus pas porté en matière d'impôt sur les sociétés ;
9. Considérant que le service a également réintégré au résultat imposable de la société des dettes, d'un montant global de 18 580 euros, dont la contribuable soutient qu'elles correspondent à des prêts que trois sociétés lui auraient accordés au cours de l'année 2005 ; qu'en se bornant à produire ses propres relevés de comptes faisant état de la remise de plusieurs chèques dont le montant total ne s'élève d'ailleurs qu'à 17 100 euros et qui, en outre, ont été portés au crédit de son compte non pas au cours de l'année 2005, mais au cours des années 2006 et 2007, la société Tyrrhénienne de Taxis n'établit pas la réalité des dettes en cause ; que, dès lors, le service était fondé, en application du 2 et du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, à en réintégrer le montant dans son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2009, premier exercice non prescrit ;
10. Considérant que le vérificateur a, en outre, constaté que la requérante avait comptabilisé, au compte " fournisseurs divers " de l'exercice clos en 2009, des dettes d'un montant total de 13 061 euros correspondant, selon l'intéressée, à une facture de réparation de l'un de ses véhicules ; que la seule production d'une facture d'un montant TTC de 9 333,30 euros émise par un réparateur automobile le 14 septembre 2009 ne suffit pas à démontrer, fût-ce à hauteur de cette facture, le solde de 3 728 euros ayant, selon la requérante, été réglé par la compagnie d'assurance, la réalité de la dette en cause au 31 décembre 2009 ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° les frais généraux de toute nature (...) " ;
12. Considérant que le vérificateur a constaté que la société Tyrrhénienne de Taxis avait, à la clôture de l'exercice 2009, inscrit en charges une somme de 42 396 euros correspondant, selon l'intéressée, à des créances restées impayées depuis la vente à ses associés, en 2005, d'autorisations de stationnement au prix de 51 000 euros ; qu'en se bornant à soutenir que la somme litigieuse a été compensée par une réduction de son capital social décidée au cours de l'exercice clos en 2011, la requérante n'établit pas le caractère irrécouvrable de la somme en cause qu'elle a traitée en 2009 comme une perte pour créance irrécouvrable ;
13. Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, le sursis de paiement accordé par l'administration fiscale n'a de portée que pendant la durée de l'instruction de la réclamation et de l'instance devant le tribunal administratif ; qu'aucune disposition légale n'a prévu une telle procédure de sursis pendant l'instance devant la cour administrative d'appel ; que, dès lors, les conclusions de la société Tyrrhénienne de Taxis tendant au bénéfice du sursis de paiement ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Tyrrhénienne de Taxis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande, dont la Cour est saisie ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée Tyrrhénienne de Taxis est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tyrrhénienne de Taxis et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris Centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 29 juin 2016 à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 juillet 2016.
L'assesseur le plus ancien,
A. MIELNIK-MEDDAH
Le président-rapporteur,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02753