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08/07/2016 | FRANCE | N°16PA00863

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 juillet 2016, 16PA00863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1517508/1-3 du 5 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2016, le préfet de police demande à la Cour :r>
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1517508/1-3 du 5 février 2016 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1517508/1-3 du 5 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1517508/1-3 du 5 février 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 2 juin 2015 lui a bien été notifiée le 10 juin 2015, ainsi que l'atteste l'accusé réception du pli recommandé.

La requête a été communiquée à M. A..., et une mise en demeure lui a été adressée le 25 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant togolais, né le 11 mars 1971, a déclaré être entré en France le 20 février 2013 ; qu'il a sollicité, le 22 juillet 2013, la délivrance d'une carte de séjour au titre de l'asile ; que, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juin 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 2 juin 2015, la qualité de réfugié lui a été refusée ; que, par un arrêté du 17 juillet 2015, le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police fait appel du jugement du 5 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'office. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre, jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'en cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour ;

3. Considérant qu'il ressort de l'avis de réception de la lettre recommandée adressée par la CNDA, produit par le préfet pour la première fois en appel, que sa décision du 2 juin 2015 refusant de reconnaître la qualité de réfugié à M. A...a été remise le 10 juin suivant ; que, par suite, le préfet doit être regardé comme rapportant la preuve que la décision de la CNDA a été régulièrement notifiée à l'intéressé ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif qu'il n'aurait pas respecté les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...à l'encontre de l'arrêté litigieux du 17 juillet 2015 ;

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé pour le préfet de police par M. François Lematre, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 10ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature donnée par un arrêté du 16 février 2015, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 24 février suivant ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté comporte l'exposé des motifs de droit et de fait qui en constitue son fondement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables au présent litige, issues de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui a procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger relevant d'une catégorie visée par ce texte lorsque notamment la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité lui a été refusé ou que ce titre lui a été retiré ;

8. Considérant que, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt C 383/13 du 10 septembre 2013, les auteurs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la charte des droits fondamentaux ; que, si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des États membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des États tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

9. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, cependant, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un tel titre ; que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger ne peut ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation utile ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

10. Considérant en l'espèce que M. A...n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il aurait été empêché de présenter des observations orales ou écrites préalablement au refus de séjour qui lui a été opposé ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu aurait été méconnu ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

12. Considérant que si M. A...fait valoir qu'il a tissé un réseau amical et social depuis son arrivée sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier que, à la date de l'arrêté litigieux, il résidait en France depuis au moins deux ans et est célibataire et sans charge famille ; qu'il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante et un ans ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A... ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

14. Considérant que si M. A...fait valoir qu'en cas de retour dans son pays d'origine il serait exposé à des persécutions et menaces graves, sans toutefois en préciser la nature, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il serait personnellement exposé à de telles menaces, ou persécutions, alors, par ailleurs, que sa demande de séjour au titre de l'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA confirmée par la CNDA ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux, en tant qu'il fixe le Togo comme pays de destination, méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme manquant en fait ;

15. Considérant, en sixième lieu, que M.A..., qui n'a pas obtenu le statut de réfugié, ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que l'arrêté litigieux méconnaîtrait l'article 33 de la convention de Genève ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 juillet 2015 ; que, par suite, ce jugement doit être annulé et la demande de M. A...déposée devant le Tribunal administratif de Paris rejetée ; que le présent arrêt, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A...ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n°1517508/1-3 du 5 février 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller,

- M. Privesse, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEU

Le président,

B. EVEN

Le greffier,

A-L. CALVAIRE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA00863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00863
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: M. CANTIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-08;16pa00863 ?
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