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08/07/2016 | FRANCE | N°16PA00425

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 juillet 2016, 16PA00425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du

2 décembre 2015 par lesquels le préfet de la Somme a, d'une part, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé son pays de destination, et, d'autre part, a décidé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1519836/8 du 5 décembre 2015, le magistrat désigné du Trib

unal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de la Somme du 2 décembre 2015 en tan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du

2 décembre 2015 par lesquels le préfet de la Somme a, d'une part, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé son pays de destination, et, d'autre part, a décidé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1519836/8 du 5 décembre 2015, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de la Somme du 2 décembre 2015 en tant qu'il refuse un délai de départ volontaire, et, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour décidant le placement en rétention.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2016, le préfet de la Somme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1519836/8 du 5 décembre 2015 en tant qu'il a annulé, d'une part, son arrêté du 2 décembre 2015 refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M.A..., et, d'autre part, son arrêté du 2 décembre 2015 le plaçant en rétention administrative ;

2°) de rejeter l'ensemble de la demande présentée par M. B... A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que la décision refusant un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A...dès lors que, lors de son audition par les services de police à la suite de son interpellation, l'intéressé n'a fait état ni de l'état de santé de son fils, ni d'une quelconque hospitalisation, qu'il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils et que, à la date de l'arrêté litigieux, le fils de l'intéressé était sorti depuis plusieurs semaines du service de néonatologie du centre hospitalier d'Abbeville.

La requête a été communiquée à M. A... et une mise en demeure lui a été adressée le

25 avril 2016.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant tunisien, né le 22 mars 1991, a déclaré être entré en France en 2011 ; qu'après avoir été interpellé le 1er décembre 2015 par les services de police d'Abbeville pour vol, utilisation frauduleuse de carte bancaire et escroquerie, le préfet de la Somme a constaté que M. A...avait déjà fait l'objet de treize interpellations depuis le 25 novembre 2011 sous couvert de nombreuses identités différentes ; que, par deux arrêtés du 2 décembre 2015, le préfet de la Somme a, d'une part, refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé son pays de destination, et, d'autre part, a décidé son placement au centre de rétention administrative de Paris-Vincennes ; que le préfet de la Somme fait appel du jugement du 5 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 décembre 2015 en tant qu'il refuse d'accorder un délai de départ volontaire à l'intéressé, et, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour décidant le placement en rétention de l'intéressé ;

Sur l'appel du préfet de police :

2. Considérant que s'il est constant que M. A...est le père d'un enfant né le 19 octobre 2015 qui a été, à la suite de sa naissance, hospitalisé en service de néonatologie, il ressort toutefois des pièces du dossier, et l'intéressé l'a d'ailleurs reconnu lors de ses auditions auprès des services de police, que cet enfant est à la charge exclusive de sa mère et qu'il était " en bonne santé " à la date des arrêtés contestés ; que, dans ces conditions, compte tenu des circonstances de l'espèce, la décision par laquelle le préfet de la Somme a refusé d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire n'est entachée d'aucune erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce motif pour annuler cette décision et, par voie de conséquence, l'arrêté de placement en rétention administrative ;

3. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris à l'encontre de la décision lui refusant un délai de départ volontaire et de l'arrêté le plaçant en rétention administrative ;

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

4. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M.A..., la décision contestée comporte l'exposé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et

L. 561-2. (...) " ;

6. Considérant, d'une part, que M. A...a dissimulé plusieurs fois son identité à l'occasion de différentes interpellations, notamment pour infraction aux conditions générales d'entrée et de séjour ; que, d'autre part, il ne justifie ni être régulièrement sur le territoire français, ni être pourvu de document d'identité ; que, dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'il n'existerait pas un risque de fuite au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'arrêté portant placement en rétention administrative :

7. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M.A..., l'arrêté contesté comporte l'exposé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la circonstance que cet arrêté ne vise pas l'un des cas énumérés par les dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative permettant à l'autorité administrative de placer un étranger en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire est sans incidence, dans la mesure où le préfet de la Somme a clairement indiqué que l'intéressé entrait dans le champ d'application du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence de tout élément nouveau de droit ou de fait produit en appel, les moyens exposés en première instance dirigés contre de la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français, tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, du défaut d'examen de sa situation et de la méconnaissance des articles L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 24 de la loi du 12 avril 2000, 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et du principe général des droits de la défense, ne peuvent qu'être écartés par voie d'adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge ; que, dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté litigieux par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé. " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il ne se soustraie à cette obligation (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 15 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " A moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, ne puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite ou, b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement (...) " ; qu'aux termes des paragraphes 16 et 17 du préambule de cette directive : " Le recours à la rétention aux fins d'éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas (...) " ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles doivent être combinées avec celles, relatives à l'assignation à résidence, de l'article L. 561-2 du même code, ne sont pas incompatibles avec l'article 15 de la directive du 16 décembre 2008 dès lors que, contrairement à ce que soutient l'appelant, les cas dans lesquels l'assignation à résidence a vocation à se substituer au placement en rétention administrative ne sont pas exagérément restrictifs au regard de l'objectif poursuivi : que, si M. A...soutient que la décision de le placer en rétention administrative serait contraire aux objectifs de la directive du 16 décembre 2008 en ce qu'elle méconnaîtrait le principe de proportionnalité, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a pas de résidence stable, a été interpellé à de multiples reprises sous couvert de plusieurs identités, qu'il est démuni de document de voyage en cours de validité, ne peut justifier être entré régulièrement en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de la directive du 16 décembre 2008 et des articles précités L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 2 décembre 2015 en tant qu'il a refusé d'accorder à M. A...un délai de départ volontaire, et, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris n°1519836/8 du 5 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation des arrêtés du 2 décembre 2015 refusant de lui accorder un délai de départ de volontaire et ordonnant son placement en rétention administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- M. Privesse, premier conseiller,

- Mme Lorraine d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEU

Le président,

B. EVEN

Le greffier,

A-L. CALVAIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA00425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00425
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: M. CANTIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-08;16pa00425 ?
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