Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Le Vigilant a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie, à titre principal, d'annuler le contrat par lequel la chambre de commerce et d'industrie de la Nouvelle Calédonie (CCI - NC) a attribué à la société Espace Surveillance le marché à bons de commande de prestations de services de surveillance, de gardiennage et de sécurité de l'aéroport de la Tontouta, à titre subsidiaire, de résilier ce marché et de dire et juger que cette résiliation interviendra dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, d'annuler la décision de la CCI-NC du 24 avril 2014 rejetant son offre et de condamner la CCI - NC à lui verser la somme de 800 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1400210 du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a annulé le marché à bons de commande de prestations de services de surveillance, de gardiennage et de sécurité de l'aéroport de la Tontouta, la décision du 24 avril 2014 rejetant l'offre de la SAS Le Vigilant et a condamné la CCI-NC à verser à cette société la somme de 150 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 17 avril et 6 mai 2015, la société Espace surveillance, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie n° 1400210 du 16 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de la SAS le Vigilant devant le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie ;
3°) de mettre à la charge de la SAS le Vigilant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de la SAS le Vigilant devant les premiers juges était irrecevable à défaut pour cette société de se prévaloir d'une lésion de ses intérêts suffisamment directe et certaine ;
- la procédure de détermination des critères de choix telle qu'elle figure dans le règlement particulier d'appel d'offres est régulière dans la mesure où la CCI-NC n'était pas tenue de retenir les six critères figurant dans l'article 27-2 de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics dans sa version applicable à la date des faits ; le marché a été attribué dans le respect des règles de la commande publique après publicité et mise en concurrence.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 août 2015, la SAS Le Vigilant, représentée par MeA..., demande à la Cour :
- de rejeter la requête en appel présentée par la CCI - NC ;
- de condamner la société Espace Surveillance à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
Un moyen d'ordre public a été adressé aux parties le 23 juin 2016, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, précisant que la Cour était susceptible, de retenir l'irrecevabilité des conclusions de la société Le Vigilant tendant à l'annulation de l'acte détachable, révélé par la lettre du 24 avril 2014, par lequel la chambre consulaire a informé cette société du rejet de son offre, dès lors que le concurrent évincé dispose d'un recours spécial en contestation de la validité du contrat signé.
Une réponse au moyen d'ordre public a été enregistrée le 26 juin 2016 pour la SAS le Vigilant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 136 du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics en Nouvelle-Calédonie ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeB...,
- les conclusions de M. Cantié, rapporteur public,
- et les observations de Me Especel, avocat de la SAS Le Vigilant.
Une note en délibéré présentée pour la SAS Le Vigilant a été enregistrée le 30 juin 2016.
1. Considérant que, par un avis du 25 février 2014, la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie (CCI-NC), a attribué à la société Espace Surveillance le marché à bons de commande de prestations de services de surveillance, de gardiennage et de sécurité de l'aéroport de la Tontouta ; que, par une lettre du 3 mars 2014, la CCI - NC a informé la SAS Le Vigilant que son offre déposée en vue de l'obtention de ce marché n'était pas retenue ; que la SAS Le Vigilant a adressé le 31 mars 2014 à la CCI - NC un recours gracieux tendant à ce que la procédure de passation du marché soit déclarée sans suite et à ce qu'un nouvel appel d'offres soit lancé ; que, par une lettre du 24 avril 2014, la CCI-NC a refusé de déclarer sans suite ladite procédure et a informé la SAS Le vigilant que son offre présentée pour ce marché n'était pas retenue au motif que l'offre de la société Espace Surveillance avait été déclarée " mieux disante " tant sur le plan technique qu'au regard du prix proposé ; que, par un jugement n° 1400210 du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a annulé le marché à bons de commande de prestations de services de surveillance, de gardiennage et de sécurité de l'aéroport de la Tontouta, ainsi que la décision du 24 avril 2014 rejetant l'offre de la SAS Le Vigilant et a condamné la CCI-NC à verser à cette société la somme de 150 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la société Espace Surveillance relève appel de ce jugement ;
Sur la validité du contrat :
2. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l'Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : (...) 17° Règles relatives à la commande publique, dans le respect des principes de liberté d' accès, d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics (...) ; que, pour assurer le respect de ces principes, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 27-2 de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée, dans sa version applicable au marché en litige : " La commission d'appel d'offres arrête la liste des soumissionnaires admis à concourir, élimine les offres inappropriées ou inacceptables, procède au classement des offres par ordre décroissant et propose d' attribuer le marché au candidat dont l'offre correspond le mieux aux besoins exprimés, en tenant compte des critères suivants : - prix des prestations ; - coût d'utilisation ; - valeur technique ; - références et garanties professionnelles et financières du candidat ; - délai d'exécution ; - conditions du recours à la sous-traitance et ceux stipulés dans le règlement particulier d'appel d'offre " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en Nouvelle-Calédonie, la réglementation des marchés publics prévoit l'application d'au moins six critères pour la sélection des offres ;
5. Considérant que l'article 3-2 du règlement particulier d'appel d'offres correspondant au marché en cause dispose que : " Pour ce marché, le maître d'ouvrage choisit l'offre, jugée conforme, économiquement la plus avantageuse, au vu des critères hiérarchisés dans l'ordre décroissant ci-dessous : qualité des prestations jugée à partir de l'effectif prévu, du mémoire justificatif et de la simulation de planification demandés à l'article 3-2 du présent RPAO, prix des prestations, références professionnelles du candidat " ; que, par suite, en ne retenant que trois critères sur les six fixés par l'article 27-2 précité, le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions de la délibération 136/CP du 1er mars 1967 susvisée ; qu'il a ainsi directement violé les règles de la commande publique alors applicable sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie et vicié la procédure d'attribution du marché public en litige ; que, par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu ce moyen, qui n'est pas inopérant, pour proclamer l'irrégularité de la procédure d'attribution du marché public en litige ;
Sur les conséquences à tirer du vice affectant la validité du contrat :
6. Considérant que, saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ; qu'ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat ; qu'en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci ;
7. Considérant que l'absence d'indication, dans le RPAO, de l'ensemble des critères de jugement des offres, a été susceptible d'affecter les modalités d'élaboration et de présentation des offres des candidats ; qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction qu'eu égard à l'objet du marché, l'interruption de son exécution emporterait des conséquences excessives sur l'intérêt général ; que, dès lors, compte tenu du vice relevé au point 5 ci-dessus, dont la nature n'impose pas l'annulation du contrat, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de résilier ce marché à compter de la date du présent arrêt ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Espace Surveillance est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé l'annulation du marché en litige et à demander l'annulation de ce jugement pour ce motif ; qu'il y a lieu de résilier ce marché à la date du présent arrêt ;
Sur la décision du 24 avril 2014 :
9. Considérant qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours défini au point 2 ci-dessus, le concurrent évincé n'est pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;
10. Considérant que le contrat en litige ayant été conclu le 25 février 2014 et la SAS Le Vigilant disposant du recours défini au point 2 ci-dessus, cette société n'était pas recevable à demander l'annulation de la lettre du 24 avril 2014 rejetant son offre et révélant la décision d'attribution du marché de prestations de services de surveillance, de gardiennage et de sécurité de l'aéroport de la Tontouta à la société Espace Surveillance ; que, par suite, c'est à tort, que les premiers juges ont fait droit aux conclusions de la SAS le Vigilant tendant à l'annulation de cette décision ; qu'il appartient à la Cour, saisie de ces conclusions par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur ce point ;
11. Considérant que les conclusions tendant à l'annulation de l'acte révélé par la lettre du 24 avril 2014 étant irrecevables, la société Espace Surveillance est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'a annulé ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Le Vigilant, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée par la société Espace Surveillance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Espace Surveillance la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Le Vigilant et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1400210 du
16 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : Le marché à bons de commande de prestations de services de surveillance, de gardiennage et de sécurité de l'aéroport de la Tontouta conclu le 25 février 2014 est résilié à la date du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Espace Surveillance, à la SAS Le Vigilant et à la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie (CCI-NC).
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Bernard Even, président de chambre,
-,M. Jean-Claude Privesse, premier conseiller,
- Mme Lorraine d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVEN
Le greffier,
A-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au ministre des Outre mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01630