Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 5 octobre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de le licencier, ensemble la décision par laquelle le ministre chargé du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail.
Par un jugement n° 1303846/9 du 4 février 2015, le Tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2015 et le 9 juin 2016, la Société Europ'Air, devenue Société Guinier génie climatique, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1303846/9 en date du 4 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. B...A...en annulant la décision du 5 octobre 2012 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de ce dernier ainsi que la décision implicite née du silence du ministre du travail portant rejet du recours hiérarchique reçu le 19 novembre 2012 contre ladite décision de l'inspecteur du travail ;
2°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions du ministre et de l'inspecteur du travail ne sont entachées d'aucun défaut de motivation ;
- l'erreur commise dans sa décision par l'inspecteur du travail quant à la date à laquelle il fallait déterminer le périmètre de la société et ses difficultés économiques n'est qu'une erreur matérielle et non une erreur de droit, puisque celui-ci a porté son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur que la société en cause ;
- qu'en tout état de cause le périmètre du secteur d'activité, à savoir la branche Samsic métiers techniques, n'a pas été modifié entre la première réunion du Comité d'entreprise en date du 28 mars 2012 et la date à laquelle l'inspecteur du travail a statué ;
- la baisse d'activité de la Société Europ'Air ainsi que celles de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité justifiaient la mesure de licenciement autorisée ;
- la réalité de la suppression de poste de M. A...est établie, tous les postes du service plomberie ayant été supprimés et aucune embauche n'étant intervenue depuis son licenciement ;
- les recherches de reclassement avant de procéder au licenciement de M. A...ont été faites conformément aux prescriptions législatives, tant au sein de la société qu'à celui du groupe ;
- la demande d'autorisation de licenciement n'a pas de lien avec les mandats de M. A... ;
- aucun motif d'intérêt général ne s'oppose au licenciement de M.A....
Par des mémoires enregistrés le 10 juin 2015 et le 10 juin 2016, M.A..., représenté par Me E..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la Société Europ'Air la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision ministérielle est entachée d'un défaut de motivation, tout comme la décision de l'inspecteur du travail, les raisons pour lesquelles il n'y aurait pas de lien entre le licenciement et les fonctions représentatives qu'il exerce n'étant pas évoquées ;
- la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'une erreur de droit puisqu'il ressort de ses termes mêmes que celui-ci a fait porter son examen du motif économique sur le périmètre et la situation du secteur d'activité du groupe auquel appartenait la Société Europ'Air à la date du 28 mars 2012 et non à la date de la décision ;
- les difficultés économiques alléguées par l'entreprise ne sont pas établies au regard du secteur d'activité du groupe, qui correspond à " SAMSIC facility " et non " SAMSIC métiers techniques " ;
- la suppression de l'activité plomberie et des postes de plombiers au sein de l'entreprise n'est pas établie, puisqu'il restait un certain nombre de chantiers en cours comprenant des lots de plomberie ;
- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée, ni au sein de l'entreprise, ni au sein du groupe ;
- le licenciement autorisé est lié, sans aucun doute, à ses mandats de représentant du personnel, étant donné ses nombreuses oppositions à la direction ;
- il existe un motif d'intérêt général s'opposant à son licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2016, le ministre chargé du travail conclut aux mêmes fins que la requête de la Société société Guinier génie climatique.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
-le code du travail ;
-le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique:
- le rapport de M. Polizzi,
- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,
- les observations de Me C...pour la société Guinier génie climatique et de Me E... pour M.A....
1. Considérant que M.A..., délégué syndical et membre de la délégation unique du personnel, a été embauché le 1er janvier 1997 en qualité de plombier par la Société Clim Conseil qui a depuis transféré son contrat à la société Europ'Air ; que le 6 août 2012 la société Europ'Air a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. A...pour motif économique ; que par une décision du 5 octobre 2012 l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation ; que le ministre en charge du travail a implicitement rejeté le recours hiérarchique dirigé contre cette décision ; que la Société Europ'Air, devenue société Guinier génie climatique, relève appel du jugement du 4 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions précitées autorisant le licenciement pour motif économique de M.A... ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que les salariés légalement investis de fonctions représentatives, bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
3. Considérant que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause sans qu'il y ait lieu de borner cet examen à celles d'entre elles ayant leur siège social en France ni aux établissements de ce groupe situés en France ; que la réalité du motif économique invoqué par l'employeur doit être appréciée à la date à laquelle l'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation de licenciement ;
4. Considérant que, même si la décision litigieuse vise des éléments postérieurs, il ressort des motifs de celle-ci que pour apprécier, à l'appui de sa demande de licenciement de M. A..., la réalité des motifs économiques invoqués par la société Europ'Air dans le cadre de son périmètre d'activité, l'inspecteur du travail s'est placé à la date de la consultation du comité d'entreprise du 28 mars 2012, et non à celle où il a autorisé le licenciement de M.A... ; qu'aucun autre motif de sa décision ne révèle qu'il ait pris en compte comme il le devait l'extension du secteur d'activité du groupe SAMSIC réalisé par deux achats de sociétés en juillet et août 2012 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a annulé pour ce motif la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement pour motif économique de M. A... ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Guinier génie climatique demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Guinier génie climatique une somme de 2 000 euros à verser à M. A...sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Guinier génie climatique est rejetée.
Article 2 : La société Guinier génie climatique versera à M. A...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guinier génie climatique, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. B...A....
Délibéré après l'audience du 16 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- MmeD..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
Le rapporteur,
F. POLIZZILe président,
M. BOULEAULe greffier,
N. ADOUANE La République mande et ordonne au la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA01405