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28/06/2016 | FRANCE | N°15PA03978

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 28 juin 2016, 15PA03978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté

du 25 février 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de changement de statut au regard du droit au séjour en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de se prononcer sur sa situation dans un délai de trois mois à compter

de la notification dudit jugement, et de mettre à la charge de l'Etat le versement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté

du 25 février 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de changement de statut au regard du droit au séjour en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de se prononcer sur sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement, et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1504977/2-2 du 28 septembre 2015 le Tribunal administratif de Paris faisant partiellement droit à la demande de M. A...B...a annulé l'arrêté du 25 février 2015, a enjoint au préfet de police de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur la situation de M. B...dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1504977/2-2 du 28 septembre 2015 du Tribunal administratif de Paris.

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant ledit tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa décision méconnaissait les stipulations de l'accord franco-tunisien.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2016, le M. A...B..., représenté par le cabinet Pierre Lumbroso, conclut à l'annulation du refus de titre de séjour du 25 février 2015, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard, subsidiairement de procéder au réexamen de son dossier dans le délai d'un mois, sous peine d'une astreinte de même montant, et enfin à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a annulé l'arrêté contesté qui contrevient à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Appèche a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que par la présente requête, le préfet de police doit être regardé comme relevant appel du jugement n° 1504977/2-2 du 28 septembre 2015 en tant que, par ce jugement le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à la demande de M. A...B...en annulant l'arrêté du 25 février 2015, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur la situation de M. B...dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement et en mettant à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) / g) Au ressortissant tunisien titulaire d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 5, 7 ter, ou 7 quater, qui justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France, sans préjudice de l'application de l'article 3 du présent Accord. " ; et qu'aux termes de l'article 7 quater de ce même accord : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ";

3. Considérant que M. B...est entré en France en 2003, pour y faire des études, sous couvert d'un visa de long séjour octroyé à cette fin et qu'il a été mis en possession en qualité d'étudiant de titres de séjour délivrés par le préfet des Hauts-de-Seine, puis le préfet de police, dont le dernier expirait le 31 octobre 2009 ; que, dépourvu après cette date de tout titre de séjour l'autorisant à se maintenir en France, M. B...s'est présenté à la préfecture de police en

octobre 2012 pour y solliciter un titre de séjour et ainsi que cela ressort de la fiche de salle remplie le 22 février 2013 dans les services de la préfecture, s'est prévalu de son mariage le

8 septembre 2012 à Paris avec une ressortissante française et a expressément indiqué que sa dernière entrée sur le territoire français était intervenue le 6 septembre 2009 ; qu'en sa qualité de conjoint de française, M. B... s'est vu délivrer sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un titre temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 22 février 2013 au 21 février 2014 ; que le

5 novembre 2013, M. B...s'est de nouveau présenté à la préfecture de police pour solliciter, comme cela ressort des mentions portées par lui sur le questionnaire qu'il a signé le 10 février 2014, un nouveau titre de séjour " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de français, cela alors même qu'il indiquait sur cette fiche être marié mais séparé de son épouse et précisait par ailleurs pour date de sa dernière entrée en France le 1er septembre 2003 ; que sur un autre questionnaire daté du 10 juin 2014, rempli dans les locaux de la préfecture de police, M. B...a porté, à la rubrique " Titre de séjour demandé " la mention " 10 ans de présence " tout en indiquant qu'il était marié, en précisant l'identité de son épouse, mais sans toutefois mentionner cette fois-ci, qu'il était séparé de celle-ci ;

4. Considérant que le préfet de police, dans l'arrêté contesté du 25 février 2015, a examiné la demande de titre de séjour dont il était saisi par M.B..., tant au regard des stipulations du a) de l'article 10.1 de l'accord franco-tunisien concernant les conditions de délivrance d'une carte de résident de dix ans aux tunisiens, conjoints de français que de celles de l'article 3 dudit accord concernant les conditions de délivrance d'un titre de séjour temporaire ou d'un titre de dix ans aux tunisiens désireux d'exercer une activité salariée en France ; qu'il a refusé l'octroi d'un titre sur le premier fondement en raison de l'absence de communauté de vie entre les époux et sur le second fondement, motif pris du défaut de présentation par M. B...d'un contrat de travail visé par les autorités administratives compétentes ; que le préfet de police a, en outre, indiqué dans son arrêté que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'octroi d'un titre de séjour salarié n'étaient pas applicables à l'intéressé et qu'au surplus, celui-ci ne justifiait d'aucun motif exceptionnel et qu'il n'existait pas d'adéquation entre le métier de chauffeur indiqué par l'intéressé dans la fiche susmentionnée remplie le 14 février 2014, et sa formation en gestion et comptabilité ;

5. Considérant qu'il ne résulte pas des éléments susrappelés, et notamment des informations portées par M. B...sur les fiches de renseignements complétées par lui au soutien de sa demande de titre de séjour, qu'il aurait entendu présenter cette demande sur le fondement des stipulations susénoncées du g) du 1. de l'article 10 de l'accord bilatéral susvisé ; que par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que les premiers juges ne pouvaient lui faire grief de ne pas avoir considéré la demande de M. B...comme présentée sur ce fondement ;

6. Considérant, en tout état de cause, que si le g) du point 1. de l'article 10 précité fait référence à une conditions de " cinq années de résidence régulière ininterrompue en France ", la résidence régulière au sens et pour l'application de ces stipulations, s'entend d'une résidence sous couvert de titres de séjour ou de récépissés de demandes de délivrance ou de renouvellement de titres et non d'une résidence irrégulière mais néanmoins habituelle ; que, comme cela ressort des circonstances analysées au point 3, M.B..., qui indiquait être entré en France en dernier lieu

le 6 septembre 2009, n'a bénéficié d'aucun titre l'autorisant à séjourner en France entre le mois novembre 2009 et le 22 février 2013, et ne justifiait ainsi pas, à la date de l'arrêté contesté, avoir résidé en France, muni de titres de séjour ou de récépissés l'y autorisant et de manière ininterrompue durant cinq années ; qu'il ne remplissait donc pas, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, les conditions posées par le g) du 1. de l'article 10. susénoncé ; que le préfet de police est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le refus de titre de séjour contesté avait pu méconnaître ces stipulations et a annulé pour ce motif son arrêté ;

7. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B...tant devant le tribunal administratif que devant elle ;

8. Considérant, qu'il résulte des circonstances relatées au point 3 que M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur de fait en examinant sa demande au regard des stipulation du a) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, alors même que l'une des fiches de renseignement qu'il a remplie, faisait état de sa séparation d'avec son épouse française ; que M.B..., qui n'a pas précisé le fondement de sa demande de titre mais a mentionné une durée de séjour de dix années, n'est pas davantage fondé à faire grief au préfet de police d'avoir, dans l'arrêté contesté, indiqué qu'il ne rentrait pas dans le champ des dispositions de l'article L. 313-14 relatives au titre de séjour mention " salarié " au motif que sa situation, à cet égard, était régie par l'accord franco-tunisien ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si M. B...a séjourné régulièrement en France entre 2003 et 2009, en qualité d'étudiant, ce séjour, durant lequel il n'a d'ailleurs, selon les affirmations du préfet de police non contestées, obtenu aucun diplôme, ne lui donnait pas vocation à s'établir sur le territoire français ; qu'il n'établit pas s'être maintenu en France de manière habituelle après 2009 et un tel maintien sur le territoire français, entre le mois de novembre 2009 et le

12 mars 2013, aurait, en tout état de cause, été en infraction aux dispositions régissant le séjour des étrangers ; que M. B...est séparé de son épouse française et est sans charge de famille en France ; qu'il est sans emploi et ne justifie pas d'attaches privées et familiales en France particulièrement étroites ni d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'il établisse sa résidence hors de France et notamment dans son pays, la Tunisie ; que par suite, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français opposés à M. B...n'ont pas porté, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par leur auteur, chargé de la police des étrangers et donc du respect des conditions auxquelles sont subordonnés leur entrée et leur séjour en France ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...devant le tribunal administratif ; que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...ainsi que celles à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, le présent arrêt n'appelant pas de mesure d'exécution ; qu'il en va de même de celles fondées sur l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504977/2-2 du Tribunal administratif de Paris du 28 septembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2016, où siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2016

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03978
Date de la décision : 28/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CABINET PIERRE LUMBROSO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-28;15pa03978 ?
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