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24/05/2016 | FRANCE | N°15PA02683

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 24 mai 2016, 15PA02683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée MGC Distribution a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités y afférents, mis à sa charge au titre de la période courue du 1er septembre 2010 au 31 juillet 2012 par avis de mise en recouvrement n° M0001 rendu exécutoire le 14 janvier 2014.

Par un jugement n° 1414893/1-1 du 3 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée MGC Distribution a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités y afférents, mis à sa charge au titre de la période courue du 1er septembre 2010 au 31 juillet 2012 par avis de mise en recouvrement n° M0001 rendu exécutoire le 14 janvier 2014.

Par un jugement n° 1414893/1-1 du 3 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juillet, 27 octobre et 8 décembre 2015, complétés par des pièces enregistrées le 10 décembre 2015, la société MGC Distribution, représentée par MeE..., MeB..., Me A...et Me C...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1414893/1-1 du 3 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des intérêts de retard et des majorations y afférents, mis à sa charge au titre de la période courue du 1er septembre 2010 au 31 juillet 2012 par avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 14 janvier 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat dans le dernier état de ses écritures, une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière pour violation du débat oral et contradictoire, méconnaissance de l'obligation de loyauté et des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales faute de communication par le service des documents demandés et délivrance d'informations contradictoires quant à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que le comité de l'abus de droit fiscal ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont mal fondés au motif que la déduction de la taxe d'amont ne pouvait lui être refusée ni sur le fondement du 3 de l'article 272 du code général des impôts dès lors qu'elle n'avait pas connaissance de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle se livraient certains de ses fournisseurs, ni au regard de la doctrine 3 A-7-07 du 3 novembre 2007, dont la substance a été reprise au BOFIP du 12 septembre 2012, le juge pénal ayant en outre déclaré ses dirigeants non coupables des chefs de la poursuite, y compris de celui de fraude à la TVA.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 septembre et 13 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Un nouveau mémoire, enregistré le 7 janvier 2016, a été présenté par le ministre des finances et des comptes publics.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la directive CE n° 2006-112 du Conseil du 28 novembre 2006 et, notamment, son article 273 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray ;

- les conclusions de M.D... ;

- et les observations de Me E...et MeC..., pour la société MGC Distribution.

1. Considérant que la société par actions simplifiée MGC Distribution, qui a pour objet l'achat, la vente, l'importation, l'exportation, le courtage et le négoce de tous biens manufacturés et, notamment, de téléphones, téléviseurs et consoles de jeux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a, sur le fondement du 3 de l'article 272 du code général des impôts, remis en cause son droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les achats qu'elle avait effectués auprès de quatre de ses fournisseurs se rapportant à la période courue du 1er septembre 2010 au 31 juillet 2012 au motif qu'elle ne pouvait ignorer que, par ces opérations, elle participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le bien-fondé de la remise en cause du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 272 du code général des impôts : " (...) 3. La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le bénéfice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que celui-ci savait ou aurait dû savoir que l'opération invoquée pour fonder son droit à déduction était impliquée dans une fraude commise par le fournisseur ou un autre opérateur intervenant en amont dans la chaîne de prestations ;

3. Considérant, d'une part, que l'administration soutient qu'au cours de la période vérifiée, quatre des fournisseurs de la société MGC Distribution, que sont les sociétés VB Star, My System, Honoré Trade Développement et Alecton, ont, pour les trois premières, omis de déposer leurs déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et, pour la dernière, satisfait à cette obligation déclarative au titre du seul mois de mai 2012, pour un montant 739 325 euros alors que les encaissements bancaires sur le compte de cette société se sont élevés à plus de 10 millions d'euros en 2012 ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apporter la preuve, dont la charge lui incombe, que la société MGC Distribution savait ou ne pouvait ignorer qu'elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle se livraient les sociétés mentionnées au point précédent, l'administration a relevé que l'intéressée s'était approvisionnée auprès de ces quatre sociétés de manière significative, représentant 13% du total de ses achats en 2011, puis 46% au cours de la période courue du 1er janvier au 31 juillet 2012, que ces quatre fournisseurs, auxquels elle a fait successivement appel sur de brèves périodes mais pour des volumes significatifs, ne disposaient pas de moyens matériels ni humains et n'ont joué aucun rôle dans la réception ou la livraison des marchandises, leurs sièges sociaux étant par ailleurs tous établis auprès de sociétés de domiciliation ; que le ministre des finances et des comptes publics relève, en outre, que, durant la période vérifiée, les marchandises acquises auprès des quatre fournisseurs litigieux provenaient en réalité de plateformes logistiques connues pour recevoir des composants en provenance d'autres pays de l'Union européenne où se situent des entreprises auprès desquelles, dans le même temps, la société MGC Distribution se fournissait directement, de sorte que l'interposition de ces quatre sociétés ne présentait aucun intérêt économique, alors surtout, d'une part, que ces quatre fournisseurs ne jouaient pas de rôle dans la livraison des marchandises qu'ils vendaient, d'autre part, que l'intéressée, qui s'approvisionnait en 2011 auprès de la société PB Trade, s'est fournie, à partir de 2012, auprès de la société VB Star et que le service établit que cette dernière entité s'approvisionnait elle-même auprès de PB Trade, un courriel en date du 26 janvier 2012 du représentant légal de la société MGC Distribution étant regardé par l'administration comme établissant qu'il avait pris conscience de la " confusion " existant entre ces deux sociétés, d'autant que l'émission, par les sociétés My System et VB Star, de factures strictement identiques en la forme, deux d'entre elles étant d'ailleurs annexées à la proposition de rectification du 26 août 2013, ne pouvait pas être ignorée de la société requérante, au nom de laquelle elles étaient établies ; que, dans ces conditions, l'administration soutient que la circonstance que ces quatre fournisseurs pratiquaient des prix compétitifs eût dû permettre à la société requérante d'en déduire que cette situation était révélatrice d'un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;

5. Considérant que, pour combattre ces arguments, la société MGC Distribution fait valoir qu'aucun lien personnel n'existait entre elle et les quatre fournisseurs en cause, qu'elle soutient avoir rencontrés lors de la tenue de salons de professionnels à Berlin ou à Monaco, que le volume de son approvisionnement, loin d'être suspect, correspondait à celui des commandes que lui passaient ses clients, qu'au cours de la période litigieuse, elle a recouru, comme il est constant, à près de 40 fournisseurs, que le fait qu'aucune de ces quatre sociétés n'intervenait dans la réception ou la livraison des marchandises s'explique par le rôle joué par les plateformes logistiques dans un schéma d'achats dits " à l'arrivée ", qui permet d'optimiser les coûts, ce que n'exclut pas l'approvisionnement auprès de sociétés françaises, lesquelles se sont révélées compétitives, sans toutefois que les prix pratiqués fussent inférieurs à ceux du marché, la société requérante établissant même, en cause d'appel, que le prix de certains articles vendus par les sociétés My System et Alecton était légèrement supérieur à celui pratiqué par d'autres opérateurs ; qu'enfin, la société MGC Distribution, qui relève que l'activité d'achat-revente exercée dans les conditions susdites ne nécessitait pas d'importants moyens matériels ou humains, fait valoir qu'elle s'est montrée vigilante en s'assurant du respect de leurs obligations fiscales par les quatre sociétés dont s'agit en s'enquérant de leur situation auprès de l'administration qui lui a délivré des certificats de régularité fiscale les concernant ;

6. Considérant que si, s'agissant de ces certificats de régularité fiscale, l'administration relève qu'ils ont été délivrés avant les échéances déclaratives des fournisseurs en cause et uniquement pour trois d'entre eux, seule une attestation de sa qualité d'assujetti étant produite pour la société Alecton, il résulte de l'instruction que le certificat de régularité fiscale concernant la société Honoré Trade Développement est daté du 6 octobre 2011 pour une relation commerciale ayant commencé dès le 15 mars 2011, celui relatif à la société My System a été délivré le 24 juillet 2012 pour une relation commerciale entretenue du 15 mars au 27 juillet 2012, celui concernant la société VB Star est daté du 1er mars 2012 et l'attestation de la qualité d'assujetti de la société Alecton a été établi le 3 septembre 2012, étant rappelé que la période en litige s'étend du 1er septembre 2010 au 31 juillet 2012 ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que le service ne conteste pas la réalité de la livraison des marchandises que l'intéressée a achetées auprès des quatre fournisseurs en cause, qu'elle réglait par virement bancaire et après réception des articles, lesquels ne lui étaient payés par ses propres clients finals qu'après vérification, laquelle était assurée par le factor à qui elle avait cédé, par convention conclue le 29 octobre 2010 et produite en cause d'appel, les factures qu'elle émettait ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que la société MGC Distribution savait ou, à tout le moins, aurait dû savoir qu'en se fournissant auprès de ces quatre sociétés, elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, d'ailleurs, par jugement du 2 novembre 2015 dont la requérante soutient, sans être contredite, qu'il est devenu définitif, le Tribunal de grande instance de Paris a prononcé la relaxe de ses deux dirigeants successifs prévenus de fraude fiscale notamment pour imputation indue de TVA déductible ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société MGC Distribution est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à être déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période courue du 1er septembre 2010 au 31 juillet 2012 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société MGC Distribution à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1414893/1-1 en date du 3 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La société MGC Distribution est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période courue du 1er septembre 2010 au 31 juillet 2012.

Article 3 : L'Etat versera à la société MGC Distribution une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée MGC Distribution et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 mai 2016.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULICLe greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02683
Date de la décision : 24/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : L.L. FORSTER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-24;15pa02683 ?
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