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24/05/2016 | FRANCE | N°15PA01586

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 24 mai 2016, 15PA01586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bihua Group a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 533 000,96 euros en réparation du préjudice subi du fait de la suppression de la sanction prévue pour les automobilistes en cas de défaut de possession d'un éthylotest.

Par un jugement n° 1404088/3-3 du 17 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 avril 2015, la société Bihua G

roup, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bihua Group a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 533 000,96 euros en réparation du préjudice subi du fait de la suppression de la sanction prévue pour les automobilistes en cas de défaut de possession d'un éthylotest.

Par un jugement n° 1404088/3-3 du 17 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 avril 2015, la société Bihua Group, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1404088/3-3 du 17 février 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 5 533 000,96 euros, à parfaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée, le pouvoir réglementaire étant tenu, pour des motifs de sécurité juridique, de prévoir les mesures transitoires exigées par la nouvelle réglementation sur les éthylotests ;

- l'article R. 233-1 du code de la route instaurant l'obligation de présenter un éthylotest est bien entré en vigueur, à travers la publication des décrets n° 2012-284 du 28 février 2012 et n° 2012-1197 du 29 octobre 2012, provoquant une rupture des stocks ;

- le décret du 28 février 2013 supprimant cette sanction, sans disposition transitoire, a été publié le jour où celle-ci entrait en vigueur et a donc, de facto, modifié la réglementation existante et porté atteinte au principe de sécurité juridique, ainsi qu'à ses intérêts ;

- les déclarations du Gouvernement, qui a reporté au 1er mars 2013 l'entrée en vigueur du dispositif face aux difficultés d'approvisionnement, ont conforté la confiance dans le maintien de cette sanction ;

- la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée compte tenu de la disparition de la sanction pour non présentation d'un éthylotest, qui a rendu sa possession inutile bien qu'obligatoire ;

- qu'elle a subi un préjudice anormal et spécial lié à une baisse drastique de ses commandes de la part des distributeurs, aucun autre marché ne pouvant absorber les mêmes quantités de ce produit à durée de vie limitée ;

- elle ne pouvait anticiper le changement de réglementation ;

Par un mémoire enregistré le 1er février 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

La société Bihua Group a produit un nouveau mémoire le 6 mai et des pièces le 9 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- le décret n° 2012-284 du 28 février 2012 relatif à la possession obligatoire d'un éthylotest par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ;

- le décret n° 2012-1197 du 29 octobre 2012 relatif à la possession obligatoire d'un éthylotest par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ;

- le décret n° 2013-180 du 28 février 2013 modifiant l'article R. 233-1 du code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- les conclusions de M. Cantié, rapporteur public.

1. Considérant que le décret n° 2012-284 du 28 février 2012 a fixé au 1er juillet 2012 l'entrée en vigueur de l'obligation, instaurée par l'article L. 234-14 du code de la route, pour tout conducteur de véhicule automobile, de justifier de la possession d'un éthylotest, et a assorti cette obligation d'une amende de 11 euros en cas de contravention ; que la date d'entrée en vigueur de cette sanction, initialement prévue par ce décret au 1er novembre 2012, a été ensuite reportée par un décret n° 2012-1197 du 29 octobre 2012 au 1er mars 2013 ; qu'enfin, par un décret n° 2013-180 du 28 février 2013, modifiant l'article R. 233-1 du code de la route, cette sanction a été supprimée ; que la société Bihua Group fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette suppression ;

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

2. Considérant qu'il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle ;

3. Considérant que le décret du 28 février 2013 par lequel l'amende sanctionnant la contravention à l'obligation de justifier de la possession d'un éthylotest a été supprimée, ne constitue pas une réglementation nouvelle impliquant des mesures transitoires, les automobilistes visés par cette obligation pouvant s'y conformer sans délai et sans frais ; qu'au surplus, l'édiction de mesures transitoires aurait eu des effets contraires à l'objectif d'amélioration de la sécurité routière attaché à l'obligation, qui demeure en vigueur, pour tout conducteur de véhicule automobile de disposer de tels éthylotests et par suite à un intérêt public ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'application immédiate de ce décret aurait porté une atteinte excessive aux intérêts des fabricants de ces dispositifs, qui au demeurant n'étaient pas directement visés par ce décret ;

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :

4. Considérant qu'il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat que les mesures légalement prises, dans l'intérêt général, par les autorités de police peuvent ouvrir droit à réparation au profit des personnes qui, du fait de leur application, subissent un préjudice anormal, grave et spécial et ne sauraient, dès lors, être regardées comme une charge incombant normalement aux intéressés ;

5. Considérant que si la suppression, à compter du 1er mars 2013, soit avant même son entrée en vigueur effective, de l'amende prévue en cas de contravention l'obligation pour tout conducteur de véhicule automobile de justifier de la possession d'un éthylotest a eu pour effet de diminuer la demande pour ces produits, elle n'a toutefois pas eu pour conséquence d'interdire ou d'en empêcher la vente en France, où l'obligation de possession instaurée par l'article L. 234-14 du code de la route n'a pas été abrogée, ni sur d'autres marchés ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que les difficultés rencontrées par la société requérante pour vendre les éthylotests qu'elle a fabriqués, outre qu'elles résultent également des quantités très importantes mises en production, malgré un premier report de la date d'entrée en vigueur de l'amende en cause et des débats publics sur les difficultés de sa mise en application, ne sont pas spécifiques à cette société mais touchent l'ensemble des fabricants, ainsi que les distributeurs de ces produits ; que, dans ces conditions, la suppression de cette amende par le décret précité du 28 février 2013 n'a pas causé à la requérante un préjudice à caractère anormal et spécial excédant ceux qui peuvent résulter des aléas auxquels toute activité commerciale est, par nature, soumise ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bigua Group n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Bihua Group est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bihua Group et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2016.

Le président rapporteur,

B. EVENL'assesseur le plus ancien,

E. DELLEVEDOVE

Le greffier,

A-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01586


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01586
Date de la décision : 24/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60 Responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. CANTIE
Avocat(s) : CABINET WOOG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-24;15pa01586 ?
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