Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 12 août 2014 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1417810/6-3 du 8 octobre 2015 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 novembre 2015, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1417810/6-3 du 8 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du 12 août 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me C...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé sur le moyen tiré de ce que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à la notion d'exceptionnelle gravité ;
- en écartant comme inopérante la référence à l'instruction interministérielle du 10 mars 2014, le tribunal s'est abstenu de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste quant à la notion d'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de soins alors qu'il a démontré que le risque d'une altération significative de la marche existe ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement attaqué est entaché de dénaturation des faits en ce que les certificats médicaux dont il se prévaut sont suffisamment précis et circonstanciés pour remettre en cause l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police du 25 mars 2014 ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure en violation de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 dès lors que l'avis médical du 25 mars 2014 n'a pas été transmis au préfet de police sous couvert du directeur régional de l'agence régionale de santé, ce qui l'a privé d'une garantie substantielle pour la prise en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles attachées à sa situation.
La requête a été communiquée le 30 novembre 2015 au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que M. A..., ressortissant tunisien, né le 7 mai 1981 à El Hamma, entré en France le 14 janvier 2009 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales ; que, par un arrêté du 12 août 2014, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ; que, M. A... relève appel du jugement n° 1417810/6-3 du 8 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué et, notamment, des points 6 et 7, que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à chacun des arguments développés par le requérant à l'appui des moyens de la requête, ont suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation de la notion d'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de soins ainsi qu'au moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;
3. Considérant que le requérant ne peut utilement invoquer ni l'erreur de droit, ni la dénaturation des pièces du dossier qu'auraient commises les premiers juges pour contester la régularité de leur jugement, laquelle ne dépend pas du caractère fondé ou non des motifs pour lesquels ont été écartés ses moyens ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'à la suite d'un accident de travail, M. A... a été opéré le 13 mai 2013 pour une fracture énucléation de l'astragale gauche associée à une fracture de la malléole interne et, le 14 mars 2014, a subi une nouvelle opération chirurgicale de correction afin de repositionner son articulation ; que, par avis du 25 mars 2014, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié en Tunisie, son pays d'origine ; qu'en appel, M. A... soutient que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il risque une altération significative de la marche et fait valoir que trois certificats médicaux en date des 25 novembre et 27 décembre 2013 et du 24 juillet 2014 attestent de l'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de soins et indiquent qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les certificats médicaux des 25 novembre et 27 décembre 2013, antérieurs à la seconde opération chirurgicale du 14 mars 2014, laquelle est elle-même antérieure à l'arrêté contesté, ne sont plus pertinents ; que le certificat médical du 24 juillet 2014, rédigé par le docteur Combourieu du Centre hospitalier universitaire Poincaré indique que : " devant l'hyperspécialisation que nécessite sa prise en charge des conséquences médicales, fonctionnelles d'une exceptionnelle gravité, nous préconisons de le surveiller en centre hospitalier à l'hôpital Raymond Poincaré car il est possible que nous ayons à réaliser une nouvelle intervention chirurgicale afin de potentialiser son effet au cours des prochaines années " ; qu'à supposer que ce certificat établisse que le défaut de surveillance est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'indique pas que la surveillance à laquelle doit se soumettre M. A..., ne pourrait pas être effectuée en Tunisie, pays dont il est originaire, et où il existe des services spécialisés en chirurgie orthopédique ; que, dans ces conditions, et alors même que le préfet de police n'a pas produit devant le Tribunal de documentation particulière sur l'existence de centres de soins, ce certificat médical qui se borne à prescrire une surveillance en vue d'une éventuelle opération non programmée ne suffit pas à remettre en cause l'avis du médecin, chef du service médical de l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ; que la circonstance que son état de santé résulte d'un accident du travail pris en charge par la sécurité sociale est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé." ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin (...) émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. (...) Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, [le médecin de l'agence régionale de santé] peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ; qu'aux termes de l'article 6 du même arrêté : " A Paris, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier visé à l'article 1er adresse son rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin désigné par le préfet de police. Celui-ci émet l'avis comportant l'ensemble des précisions mentionnées à l'article 4 ci-dessus et le transmet au préfet de police. Il conserve le rapport médical pour une durée de cinq ans. Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à sa connaissance des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet de police saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. (...) " ;
8. Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'article 6 de l'arrêté du 9 novembre 2011 précité, qu'à Paris, le médecin chef du service médical de la préfecture de police transmet au préfet de police son avis sur l'état de santé des étrangers malades sans qu'intervienne le directeur de l'agence régionale de santé ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision est entachée d'un vice de procédure en ce que l'avis du médecin chef du service médical de l'administration n'a pas été transmis au préfet de police sous couvert du directeur de l'agence régionale de santé ; qu'en tout état de cause, la circonstance que son état de santé résulte d'un accident de travail pris en charge par la sécurité sociale et qu'il pourrait obtenir une rente d'accident de travail après consolidation ne suffit pas à constituer une circonstance humanitaire exceptionnelle susceptible de lui ouvrir un droit au séjour ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le défaut de consultation du directeur général de l'agence régionale de la santé l'aurait privé d'une garantie substantielle dont la méconnaissance entacherait l'arrêté contesté de vice de procédure ; qu'enfin, l'argumentation selon laquelle il pourrait bénéficier d'un titre de séjour en application des dispositions du 9° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écartée, dès lors qu'à la date de l'arrêté contesté il ne justifiait d'aucune rente d'accident de travail ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2016 à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 10 mai 2016.
Le rapporteur,
A. MIELNIK-MEDDAH
Le président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04114