Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer, d'une part la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007 pour un montant de 84 969 euros en droits, 10 197 euros d'intérêts de retard et 5 035 euros de majoration, d'autre part, le sursis de paiement des impositions contestées.
Par un jugement n° 1306616/7 du 19 février 2015, le Tribunal administratif de Melun, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de sursis de paiement, a prononcé la décharge des impositions en litige.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 21 mai 2015 et 22 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1306616/7 du 19 février 2015 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Melun a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2007 ;
2°) de rétablir les impositions en litige.
Il soutient que :
- l'analyse qui sous-tend le jugement attaqué et qui résulte de l'avis du Conseil d'Etat n° 253223 du 23 mai 2003 ne porte que sur la notification des actes de procédure en cas de mandataire désigné par le contribuable au cours du contrôle, et non les actes adressés au contribuable avant la présentation du mandat ; qu'elle ne vise en conséquence que les actes adressés au contribuable après la présentation du mandat, alors même que le mandat emportant élection de domicile auprès du mandataire a été porté à la connaissance de l'administration ;
- en l'espèce, le mandat n'a pas été présenté préalablement à l'envoi des pièces de procédure mais postérieurement ;
- l'administration n'était tenue d'adresser les actes de procédure au mandataire qu'à compter du 10 février 2011 ;
- le mandat ne produit ses effets à l'égard des tiers, dont l'administration fiscale, qu'à compter de la date à laquelle il a effectivement été porté à leur connaissance ;
- les actes ne sont notifiés de nouveau au mandataire, en cas de non retrait des plis par le contribuable, que dans les cas où la notification au domicile du contribuable a été faite alors que l'administration était déjà informée de la désignation du mandataire ;
- l'administration n'était pas tenue de procéder à une nouvelle notification au mandataire dès lors qu'elle n'avait pas été informée lors de l'envoi de la proposition de rectification, ni même dans le délai de réponse de trente jours, de l'ordonnance de placement sous sauvegarde de justice et de la désignation d'un mandataire spécial.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2015, présenté par MeA..., M. B... conclut au rejet du recours du ministre des finances et des comptes publics.
M. B... fait valoir qu'aucun des moyens du recours du ministre des finances et des comptes publics n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de procédure civile ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel des rehaussements lui ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales à raison d'une plus-value de cession de 314 700 euros réalisée en 2007 lors de la cession de 30 parts sociales de la SCI Ferengio ; que les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales mises à la charge de M. B... au titre de l'année 2007, mises en recouvrement respectivement les 27 avril et 23 juin 2011, s'élèvent à 84 969 euros en droits, 10 197 euros d'intérêts de retard et 5 035 euros de majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement n° 1306616/7 du 19 février 2015 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Melun a déchargé M. B... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2007 ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) " ; qu'aux termes de l'article R*. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 425 du code civil : " Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. / S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions " ; qu'aux termes de l'article 433 du même code : " Le juge peut placer sous sauvegarde de justice la personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, a besoin d'une protection juridique temporaire ou d'être représentée pour l'accomplissement de certains actes déterminés (...) " ; qu'aux termes de l'article 435 dudit code : " La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l'article 437 (...) " ; qu'aux termes de l'article 437 de ce code : " Le juge peut désigner un mandataire spécial, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 445 et 448 à 451, à l'effet d'accomplir un ou plusieurs actes déterminés, même de disposition, rendus nécessaires par la gestion du patrimoine de la personne protégée. Le mandataire peut, notamment, recevoir mission d'exercer les actions prévues à l'article 435 (...) " ; qu'aux termes de l'article 514 du code de procédure civile : " L'exécution provisoire ne peut pas être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit. / Sont notamment exécutoires de droit à titre provisoire les ordonnances de référé, les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l'instance, celles qui ordonnent des mesures conservatoires ainsi que les ordonnances du juge de la mise en état qui accordent une provision au créancier " ; qu'aux termes de l'article 1249 de ce code : " La décision par laquelle le juge des tutelles place un majeur sous sauvegarde de justice en application de l'article 433 du code civil est notifiée au requérant et au majeur protégé et est transmise au procureur de la République. Celui-ci en avise, le cas échéant, le procureur de la République du lieu de la résidence habituelle de l'intéressé ou du lieu de traitement. / Ce placement ne peut faire l'objet d'aucun recours " ;
4. Considérant qu'il est constant que M. B... a été placé, par ordonnance du juge des tutelles du 16 décembre 2010 prise en application du 1er alinéa de l'article 433 précité du code civil, sous sauvegarde de justice avec désignation d'un mandataire spécial en la personne de M. C... D..., lequel avait notamment pour mission de recevoir tout courrier de l'intéressé même en la forme recommandée ;
5. Considérant qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que la proposition de rectification du 20 décembre 2010 a été adressée par courrier recommandé au domicile de M. B... le 23 décembre suivant, le courrier ayant été retourné au service avec la mention " non réclamé, absent avisé le 23/12 " ; que M. D..., mandataire spécial de M. B..., a adressé à l'administration fiscale, par courrier du 9 février 2011 réceptionné le 10, une copie de l'ordonnance du 16 décembre 2010 en lui demandant, en sa qualité de mandataire spécial, un état récapitulatif des sommes dues par M. B... ; qu'en outre, par courrier du 22 février 2011 reçu le 24, M. D... a demandé à l'administration de lui faire parvenir tous courriers ou documents concernant M. B... ; que les impositions supplémentaires en litige, mises à la charge de M. B... par la proposition de rectification susvisée, ont été mises en recouvrement par avis d'imposition des 27 avril et 23 juin 2011 ;
6. Considérant qu'en application de l'article 425 précité du code civil, la mesure dont M. B... a fait l'objet est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci ; que dès lors qu'elle ne peut faire l'objet d'aucun recours en application de l'article 1249, alinéa 2, du code de procédure civile et qu'elle ne fait pas grief au majeur qu'elle est destinée à protéger, elle est exécutoire de plein droit dès son prononcé, soit le 16 décembre 2010, nonobstant son absence de notification ; que, dans ces conditions, eu égard à son objet, cette mesure était opposable à l'administration fiscale, quand bien même elle n'aurait été informée que le 10 février 2011 de la désignation de M. D... comme mandataire spécial de M. B... en application du 1er alinéa de l'article 433 précité du code civil, notamment aux fins de réceptionner tout son courrier, même en la forme recommandée ; que dès lors qu'en application de l'article 435 précité du code civil la personne placée sous sauvegarde de justice, laquelle conserve l'exercice de ses droits, ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné, seul M. D... était habilité à accuser réception de tout courrier adressé à M. B..., et ce à compter du 16 décembre 2010, la proposition de rectification critiquée étant datée du 20 décembre 2010 ; que, dans ces conditions, alors même qu'elle a été informée de la désignation de M. D... comme mandataire spécial de M. B... au-delà du délai de trente jours dont dispose le contribuable pour répondre à la proposition de rectification qui lui est adressée, délai pouvant d'ailleurs être prorogé de trente jours sur demande du contribuable, l'administration fiscale était tenue de tirer toutes les conséquences de ce que le pli adressant la proposition de rectification le 20 décembre 2010, au surplus retourné au service avec la mention " non réclamé, absent avisé le 23/12 ", n'avait pas été notifié à M. D..., mandataire spécial de M. B... ; que l'administration était par suite tenue de procéder, à l'égard de M. D..., à une nouvelle notification de l'ensemble des actes de procédure relatifs à M. B..., notamment la proposition de rectification du 20 décembre 2010 ; qu'il est constant que l'administration n'a satisfait à cette obligation qu'à compter du 29 août 2011, soit après la mise en recouvrement des suppléments litigieux d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, respectivement les 27 avril et 23 juin 2011 ; que, dans ces conditions, la notification de la proposition de rectification est irrégulière, ce qui vicie la procédure d'imposition et entraîne la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à la charge de M. B... ; qu'au surplus, l'erreur sur le destinataire de ladite notification a eu nécessairement pour effet de priver le requérant du bénéfice du délai de trente jours, prorogeable d'autant, dont il disposait aux termes de l'article R*. 57-1 du livre des procédures fiscales, par l'intermédiaire de son mandataire spécial, pour faire parvenir son acceptation ou ses observations sur les redressements envisagés ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a déchargé en totalité les impositions supplémentaires mises à la charge de M. B... au titre de l'année 2007 ; que les conclusions de son recours tendant au rétablissement des impositions en litige ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal Paris Centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 12 avril 2016 à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 10 mai 2016.
Le rapporteur,
A. MIELNIK-MEDDAH
Le président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre des finances publics et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02015