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10/05/2016 | FRANCE | N°14PA03535

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 mai 2016, 14PA03535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Infrastructure Bâtiment Travaux Publics (IBTP) a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'université Paris Descartes à lui payer les sommes de 18 732,40 euros, 3 222,20 euros, 259,36 euros et 3 985,18 euros en exécution du marché conclu le 8 mars 2010 et de mettre à la charge de l'université Paris Descartes une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300986 du 27 mai 2014 le tribunal administrati

f a partiellement fait droit à sa demande et condamné l'université Paris Descar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Infrastructure Bâtiment Travaux Publics (IBTP) a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'université Paris Descartes à lui payer les sommes de 18 732,40 euros, 3 222,20 euros, 259,36 euros et 3 985,18 euros en exécution du marché conclu le 8 mars 2010 et de mettre à la charge de l'université Paris Descartes une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300986 du 27 mai 2014 le tribunal administratif a partiellement fait droit à sa demande et condamné l'université Paris Descartes à verser à la société IBTP une somme de 22 213,96 euros ;

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2014, l'université Paris Descartes représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant d'une part qu'il l'a condamnée au versement d'une somme de 259,36 euros à titre d'intérêts moratoires et d'autre part en tant qu'il a rejeté ses conclusions reconventionnelles ;

2°) de faire droit à ses conclusions reconventionnelles et de condamner la société IBTP à lui verser une somme de 62 133,21 euros TTC ;

3°) de mettre à la charge de la société IBTP une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- le tribunal a, à tort, rejeté comme irrecevables ses demandes reconventionnelles au motif que leur fondement juridique ne serait pas indiqué alors que l'université qui avait invoqué la grave faute contractuelle commise avait clairement entendu se fonder sur la responsabilité contractuelle de la société IBTP ;

- le tribunal a également commis une erreur de droit et une erreur de fait en jugeant qu'en tout état de cause ces conclusions devaient être rejetées faute de mise en demeure préalable en application de l'article 49 du CCAG Travaux alors que selon la jurisprudence le maitre d'oeuvre peut s'abstenir d'une telle mise en demeure lorsque la société cocontractante s'est elle-même sciemment mise dans l'impossibilité d'exécuter ses propres obligations contractuelles comme c'est le cas en l'espèce ;

- le tribunal l'a, à tort, condamnée à verser à la société IBTP une somme de

259,36 euros TTC au titre des intérêts moratoires arrêtés au 31 octobre 2012 alors d'une part que ce calcul inclut la TVA tandis que les intérêts moratoires n'y sont pas assujettis, et d'autre part que ce calcul inclut des intérêts moratoires sur les situations 22 et 23 et non exclusivement sur les situations 24 et 25 ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2014, la société IBTP demande à la Cour ;

1°) de confirmer en tous points le jugement du Tribunal administratif de Paris en condamnant l'université Paris Descartes à lui verser une somme totale de 22 213,96 euros avec intérêts moratoires à compter du 1er novembre 2O12, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

2°) de rejeter la demande reconventionnelle formée par l'université Paris Descartes devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'université Paris Descartes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mars 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour l'université Paris Descartes.

Une note en délibéré, enregistrée le 15 avril 2016, a été présentée par Me A...pour l'université Paris Descartes.

1. Considérant que dans le cadre de travaux de mise en sécurité en milieu occupé de la faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques sise 4 avenue de l'Observatoire à Paris 6ème, l'université Paris Descartes a attribué à la société IBTP le lot n° 2 relatif au gros oeuvre, à savoir " installation de chantier, démolition - gros oeuvre, maçonnerie, carrelage, faïence, cloisons, couverture, serrurerie, menuiserie extérieure, menuiserie intérieure, peinture, revêtement de sols souples et faux-plafonds " ; que conformément à un ordre de service de démarrage du 2 juin 2010 une période d'exécution de vingt-quatre mois était prévue, les travaux devant dès lors s'achever en juin 2012 ; que toutefois divers incidents se sont produits et que le chantier a pris du retard tandis que des opérations d'expertise étaient diligentées ; que dans ce contexte le 12 juillet 2012 la société IBTP a procédé unilatéralement à l'enlèvement des bungalows de chantiers alors que les travaux n'étaient pas terminés ; que la société IBTP a saisi le Tribunal administratif de Paris le 23 janvier 2013 d'une requête tendant à la condamnation de l'université Paris Descartes à lui verser une somme de 18 732,40 euros TTC au titre des installations de la " base-vie " pour la période du 1er juin au 12 juillet 2012, de 3 222,20 euros au titre d'intérêts moratoires arrêtés au 31 mars 2012, de 259,36 euros TTC au titre d'intérêts moratoires arrêtés au 31 octobre 2012 et de 3 985,18 euros à tire de " frais administratifs et de recouvrement " ; que l'université a dès lors présenté des conclusions reconventionnelles tendant au paiement d'une somme de 40 178,61 euros afin d'être indemnisée des frais engagés pour l'installation d'une nouvelle base-vie, après la décision de la société IBTP de démanteler la sienne ; que par jugement du 27 mai 2014 le tribunal administratif rejetait ces conclusions reconventionnelles, condamnait l'université Paris Descartes à verser à la société IBTP les sommes de 18 732,40 euros, 3 222,20 euros et 259,36 euros en relevant que l'université ne contestait pas devoir les deux premières d'entre elles, et il rejetait en revanche les conclusions de la société IBTP tendant au versement d'une somme de 3 985,18 euros demandée au titre des frais administratifs et de recouvrement ; que l'université interjette appel de ce jugement en tant d'une part qu'il a rejeté ses conclusions reconventionnelles et en tant d'autre part qu'il l'a condamnée au versement d'une somme de 259,36 euros à titre d'intérêts moratoires arrêtés au 31 octobre 2012 ; que la société IBTP, qui dans ses écritures en défense demande notamment à la Cour de " confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris le 27 mai 2014 " et de " rejeter la demande reconventionnelle formulée par l'université Paris Descartes ", doit être regardée comme demandant le rejet de la requête de l'université ;

Sur les intérêts moratoires :

2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa du I de l'article 5 du décret susvisé du 21 février 2002, applicable au marché en cause : " les intérêts moratoires ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée " ;

3. Considérant que pour condamner l'université à verser à la société IBTP une somme de 259,36 euros au titre d'intérêts moratoires arrêtés au 31 octobre 2012, le tribunal administratif a jugé que ladite société justifiait du bien - fondé de cette somme ; qu'il ressort pourtant du tableau de calcul joint à la facture n° 112906 ainsi que de celle-ci que cette somme inclut à tort l'application de la TVA au taux de 19,6%, soit une somme totale de 42,50 euros, en méconnaissance des dispositions précitées ; que l'université est par suite fondée à demander que le jugement soit réformé dans cette mesure ;

4. Considérant que l'université fait également valoir que la somme de 216,86 euros HT correspondant au montant des intérêts moratoires, issue du tableau de calcul sus évoqué inclut à tort la prise en compte des situations n°s 22 et 23 alors que seules auraient dû selon elle être prises en compte les situations n°s 24 et 25 ; que toutefois il ressort des écritures de première instance de la société IBTP que si celle-ci n'a entendu demander devant les premiers juges le règlement de ses prestations que pour la période du 1er juin au 12 juillet 2012, correspondant aux situations 24 et 25, elle a bien demandé le versement des intérêts moratoires pour la période allant du 1er avril 2012 au 31 octobre 2012, et incluant par conséquent les situations 22 et 23 correspondant à la période d'avril 2012 au 1er juin 2012 ; que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a retenu l'intégralité de la somme fixée dans le tableau de calcul produit prenant en compte les situations 22 à 25, soit une somme de 216,86 euros ;

Sur les conclusions reconventionnelles présentées par l'université devant le tribunal :

5. Considérant que s'il est vrai que dans son mémoire du 28 octobre 2013 produit devant le Tribunal administratif de Paris, l'université indiquait que " l'enlèvement unilatéral des bungalows par la société IBTP dans les conditions de soudaineté et de dangerosité susrappelées est donc constitutif d'une faute contractuelle caractérisée et d'une particulière gravité ", cette allégation n'était pas assortie de plus de précisions et n'était pas formulée à l'appui des demandes reconventionnelles de l'université, qui ne justifiait celles-ci qu'en indiquant que " compte tenu de ce que l'université a été contrainte de recourir à une nouvelle base-vie pour continuer le chantier, il y aura lieu de condamner reconventionnellement la société IBTP à payer à l'université la somme de 62 133,21 euros TTC " ; que l'université qui n'indiquait pas explicitement à l'appui de ces conclusions entendre mettre en cause la responsabilité contractuelle de la société IBTP n'indiquait pas non plus à laquelle de ses obligations contractuelles cette société aurait manqué et n'invoquait aucune stipulation du marché ; qu'elle ne précisait pas davantage le fondement juridique de son droit à obtenir le remboursement des frais engagés du fait d'une éventuelle faute contractuelle ; que de même dans son second mémoire en défense du 15 mars 2014, elle ne faisait état que de " l'inexécution contractuelle et (des) défaillance graves de la société IBTP " et seulement pour demander la jonction avec une autre instance mais sans évoquer sur ce point ses conclusions reconventionnelles ;

6. Considérant en tout état de cause qu'aux termes de l'article 49 du CCAG Travaux applicable en l'espèce : " 49.1. (...) lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. / 49.2 Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée ou la résiliation du marché peut être décidée. / 49.3. Pour établir la régie, laquelle peut n'être que partielle, il est procédé, l'entrepreneur étant présent ou ayant été dûment appelé, à la constatation des travaux exécutes et des approvisionnements existants, ainsi qu'à l'inventaire description du matériel de l'entrepreneur et à la remise à celui-ci de la partie de ce matériel qui n'est pas utile à l'achèvement des travaux poursuivis en régie. (...) Après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la décision de mise en régie, la résiliation du marché peut être décidée. (...) 49.5. L'entrepreneur dont les travaux sont mis en régie est autorisé à en suivre l'exécution sans pouvoir entraver les ordres du maître d'oeuvre et de ses représentants. Il en est de même en cas de nouveau marché passé à ses frais et risques (...) " ;

7. Considérant que le tribunal a à juste titre jugé que l'université Paris Descartes n'avait pas respecté les garanties prévues par ces stipulations dès lors notamment qu'elle n'avait pas mis la société IBTP en demeure de se conformer aux dispositions du marché relatives aux installations de chantier et à l'ordre de service n° 2.01 prolongeant la durée des travaux après le 31 mai 2012 ; que si l'université fait valoir que le maitre d'ouvrage pouvait s'abstenir de procéder à une telle mise en demeure dès lors que l'entreprise s'était elle-même placée dans l'impossibilité d'exécuter son contrat, il ne ressort pas en tout état de cause des pièces du dossier que tel serait le cas en l'espèce ; que l'université ne peut par ailleurs se prévaloir utilement de la mise en demeure adressée à la société IBTP en mars 2014, soit plus d'un an et demi après avoir recouru à une autre société pour installer une base-vie destinée à remplacer les installations enlevées par la société IBTP ; qu'elle n'est par suite pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a rejeté ses conclusions reconventionnelles ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'université Paris Descartes est fondée à demander l'annulation du jugement seulement en tant qu'il la condamne à verser à la société IBTP une somme de 259,36 euros au lieu d'une somme de 216,86 euros au titre d'intérêts moratoires arrêtés au 31 octobre 2012 ;

Sur les conclusions présentées devant la juridiction d 'appel par la société IBTP tendant à la prise de mesures d'exécution du jugement du tribunal administratif :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée condamne une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office (...) " ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet à la société IBTP en cas d'inexécution du jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 mai 2014 dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que l'université Paris Descartes est condamnée à lui verser par ce jugement, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées en appel par la société IBTP ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société IBTP le versement à l'université Paris Descartes de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge de l'université Paris Descartes le versement à la société IBTP de la somme qu'elle demande sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300986 du Tribunal administratif de Paris du 27 mai 2014 est réformé en tant qu'il a condamné l'université Paris Descartes à verser à la société IBTP une somme excédant 216,86 euros au titre d'intérêts moratoires arrêtés au 31 octobre 2012.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société IBTP est rejeté.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à l'université Paris Descartes et à la société IBTP.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2016.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLE

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03535
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Intérêts - Point de départ des intérêts - Intérêts moratoires dus à l'entrepreneur sur le solde du marché.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Conclusions - Conclusions irrecevables - Demandes reconventionnelles.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET HOUDART

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-10;14pa03535 ?
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