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15/04/2016 | FRANCE | N°15PA03976

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 avril 2016, 15PA03976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office passé ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans dans un délai de trois

mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office passé ce délai, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1508511/3-3 du 29 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de MmeB..., en annulant l'arrêté préfectoral du 22 janvier 2015, en faisant injonction au préfet de police de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence valable dix ans et en mettant à la charge de l'Etat le versement de 1 000 euros au titre de articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1508511/3-3 du 29 septembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort qu'eu égard, d'une part, aux conditions frauduleuses dans lesquelles M. et Mme B...ont tenté d'obtenir l'autorisation de regroupement familial, qui leur a pour ce motif été retirée, et d'autre part, du caractère récent de la présence en France de MmeB..., que le tribunal administratif a estimé que son arrêté du 22 janvier 2015 portait au droit de

Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte telle, qu'il contrevenait aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la circonstance que l'ainée de ses enfants, entrée en France avec elle en 2013 soit handicapée depuis sa naissance en 2001 en Algérie où lui a été délivrée une carte de handicapée, ne peut suffire à constituer une telle atteinte ;

- la demande de titre de séjour présentée par Mme B...au titre du seul regroupement familial, a été à bon droit rejetée dès lors que l'autorisation de regroupement a été retirée ;

- le retrait de l'autorisation de regroupement familial étant devenu définitif,

Mme B...n'est pas recevable à exciper de son illégalité pour contester l'arrêté du

22 janvier 2015 pris à son encontre ;

- en tout état de cause, ce retrait était justifié et est intervenu légalement ;

- le préfet de police, s'agissant des autres moyens invoqués par Mme B...devant le tribunal administratif, entend se référer à ses écritures produites devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2016, MmeB..., représentée par Me Camus, conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

- la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche

- et les observations de Me Camus, avocat de Mme A...B....

1. Considérant que le préfet de police a, par arrêté du 22 janvier 2015, refusé de délivrer à Mme B...un titre de séjour, a fait obligation à celle-ci de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office passé ce délai ; que par un jugement n° 1508511/3-3 du 29 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de MmeB..., annulé ledit arrêté, fait injonction au préfet de police de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence valable dix ans et a mis à la charge de l'Etat le versement de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat ; que le préfet de police relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que M. B...a sollicité l'autorisation de regroupement familial pour son épouse et ses enfants mineurs ; qu'ayant justifié que la famille disposerait, dans le département de la Seine-Saint-Denis, d'un logement répondant aux conditions notamment de surface exigées en la matière, cette autorisation lui a été octroyée le 16 juillet 2012, et son épouse MmeB..., ressortissante algérienne née le 23 janvier 1973, est entrée en France le 11 mars 2013 sous couvert d'un visa long séjour délivré au titre du regroupement familial, accompagnée de ses trois enfants mineurs ; que Mme B...s'est présentée à Paris à la préfecture de police, le 21 mai 2013, afin de solliciter la délivrance en qualité de bénéficiaire du regroupement familial, d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis d) de l'accord franco-algérien ; que, toutefois, le préfet de police a alors constaté que la famille B...n'habitait pas le logement au vu duquel le regroupement familial avait été accordé, mais vivait dans le logement sis à Paris, occupé en qualité de locataire par M. B...depuis 2007 soit avant l'entrée de sa famille sur le territoire français et ne satisfaisant pas aux exigences requises pour l'accueil de celle-ci au titre du regroupement familial ; que l'administration a procédé au retrait de l'autorisation de regroupement familial, estimant que celle-ci avait été obtenue frauduleusement, le prétendu déménagement de

M. B...dans le département de la Seine Saint Denis ayant eu pour seul but d'égarer les services préfectoraux, en vue de l'obtention, de manière abusive, d'une autorisation de regroupement familial ; qu'à la date de l'arrêté contesté, MmeB..., et ses trois enfants, entrés en France dans les conditions susanalysées, n'étaient présents sur le territoire français que depuis moins de 22 mois et avaient jusqu'alors vécu dans leur pays en Algérie où ils sont nés et où l'ainée des enfants, née en 2001 et atteinte d'un handicap remontant à sa naissance, s'est vu délivrer en 2005 par les autorités sanitaires algériennes, une carte de handicapée portant ouverture des droits y attachés ; que le refus de titre de séjour opposé à Mme B...n'implique pas sa séparation d'avec ses enfants, ceux-ci pouvant retourner vivre avec elle en Algérie, comme ils l'ont fait jusqu'en 2013 et y poursuivre leur scolarité ; que si M.B..., qui vit en France depuis 1987, est titulaire d'un certificat de résident, ce certificat l'autorise à résider sur le territoire français mais ne s'oppose pas à ce que, le cas échéant, n'ayant pas d'activité professionnelle en France, il fasse le choix de retourner vivre auprès de sa famille dans son pays, où les intéressés ont gardé des attaches fortes ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, Mme B...ne justifiait pas en France, de liens privés et familiaux d'une ancienneté et d'une intensité telles que le refus de titre de séjour litigieux pût être regardé comme ayant porté, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale chargée du respect des règles régissant l'entrée et le séjour des étrangers en France, en vue d'assurer le contrôle des flux migratoires et l'intégration au sein de la société française et dans des conditions acceptables des étrangers autorisés à y résider ; qu'il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que son arrêté méconnaissait les stipulations rappelées ci-dessus ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B...tant dans ses écritures de première instance qu'en appel ;

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 22 janvier 2015 énonce les circonstances de fait et de droit sur lesquelles se fonde son auteur et est ainsi suffisamment motivé ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est au demeurant pas contesté, que la décision susmentionnée de retrait de l'autorisation de regroupement familial, laquelle comportait l'indication des voies et délais de recours, a été portée à la connaissance de Mme B...au plus tard le 21 mai 2014 et n'a pas fait l'objet de recours ; que par suite, MmeB..., pour contester l'arrêté du 22 janvier 2015 pris à son encontre, n'était plus recevable à exciper, dans ses écritures produites devant le tribunal administratif, de l'illégalité de ce retrait, qui était devenu définitif ; qu'elle n'est a fortiori pas davantage recevable à le faire devant la Cour ;

7. Considérant en troisième lieu, qu'eu égard à l'ensemble des circonstances analysées ci-dessus au point 3, le refus de titre de séjour contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que Mme B...n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord bilatéral susmentionné, ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait méconnu ces stipulations ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que contrairement à ce que soutient MmeB..., il ressort des pièces du dossier que, si elle a manifesté l'intention de demander une autorisation de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, au motif que sa fille ainée est handicapée et peut être suivie médicalement en France, une telle demande n'avait pas été formalisée le

22 janvier 2015, date de l'arrêté litigieux, Mme B...étant attendue le 22 février 2015 à la préfecture de police, munie des pièces justificatives nécessaires, en vue d'y déposer une telle demande ; que par suite, l'arrêté préfectoral litigieux, comme d'ailleurs ses termes l'indiquent, refuse la délivrance d'un certificat de résidence au titre du regroupement familial, mais ne porte aucunement refus d'une autorisation de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade ; que Mme B...n'est, pas suite, pas fondée à prétendre que par l'arrêté contesté, le préfet de police lui aurait illégalement refusé une telle autorisation ;

10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions· publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté litigieux n'implique pas, par lui-même, la séparation de Mme B...d'avec ses enfants ni l'impossibilité pour ces derniers de continuer à entretenir des relations avec leur père et d'être scolarisés dans leur pays ; que si Mme B...fait valoir que la prise en charge éducative de sa fille ainée en France, dans un institut médico-éducatif, est de meilleure qualité que celle dont elle pourrait bénéficier en Algérie, cette circonstance ne saurait suffire à faire regarder l'arrêté préfectoral contesté comme pris en violation des stipulations susénoncées ;

11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus notamment aux points 3 et 10, l'obligation de quitter le territoire français ne contrevient pas aux stipulations l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, non plus qu'à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure d'éloignement sur la situation personnelle de MmeB... ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de MmeB... et à demander l'annulation dudit jugement ; que les conclusions présentées par MmeB... devant le tribunal administratif et devant la Cour, doivent être rejetées, y compris celles à fin d'injonction sous astreinte, le présent arrêt n'appelant pas de mesure d'exécution et celles présentées sur le fondement l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2016, où siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 avril 2016.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03976
Date de la décision : 15/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CAMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-15;15pa03976 ?
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