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06/04/2016 | FRANCE | N°15PA02024

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 avril 2016, 15PA02024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de les décharger des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1411258/2-3 du 2 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête présentée par Me E...F...et deux mémoires complémentaires présentés par Me C...A..., enregistrés respectivement les

22 mai 2015, 3 décembre 2015 et 4 mars 2016, M. et Mme B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de les décharger des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1411258/2-3 du 2 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête présentée par Me E...F...et deux mémoires complémentaires présentés par Me C...A..., enregistrés respectivement les 22 mai 2015, 3 décembre 2015 et 4 mars 2016, M. et Mme B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1411258/2-3 du 2 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les sommes imposées comme revenus d'origine indéterminée correspondent, pour certaines à des remboursements opérés par l'employeur de M. B...de dépenses supportées par ce dernier, en qualité de chef-cuisinier salarié, pour l'achat de denrées destinées aux cuisines des résidences privées de son employeur, et pour les autres, à des sommes provenant de comptes courants ouverts à son nom dans des sociétés ; qu'il justifie de l'origine et de la nature desdites sommes ;

- les pénalités pour manquement délibéré qui ont été appliquées ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 1er février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut à ce que la Cour prononce un non-lieu partiel à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejette le surplus de la requête ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable au regard des exigences de motivation posées par l'article

R. 411-1 du code de justice administrative ;

- par une décision du 12 novembre 2015, l'administration fiscale a accordé à M. et

Mme B...des dégrèvements partiels, et par ailleurs, le caractère non imposable d'une nouvelle somme de 3 000 euros ayant été démontré un nouveau dégrèvement devrait intervenir ; à hauteur des dégrèvements prononcés, il n'y a plus lieu, pour la Cour, de statuer, sur les conclusions de la requête ;

- pour le surplus, les demandes des requérants ne sont pas fondées. .

Par une ordonnance du 2 février 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.

1. Considérant que M. et MmeB..., après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris de les décharger des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008, relèvent appel du jugement n° 1411258/2-3 du 2 avril 2015 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ;

3. Considérant que la requête présentée par M. et Mme B...satisfait aux exigences de motivation imposées par les dispositions susénoncées et n'est pas la simple reproduction littérale de leurs écritures de première instance ; que la fin de non recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics, fondée sur ces dispositions, doit donc être écartée ;

Sur l'étendue du litige devant la Cour :

4. Considérant que par deux décisions du 12 novembre 2015, l'administration fiscale a accordé à M. et Mme B...des dégrèvements en droits et pénalités, d'un montant de 12 483 euros au titre de l'année 2007 et de 16 293 euros au titre de l'année 2005 concernant l'impôt sur le revenu et de 7 065 euros pour 2007 et 6 570 euros pour 2008 concernant les contributions sociales ; que dans cette mesure, il n'y a plus lieu, pour la Cour, de statuer sur les conclusions de la présente requête ;

Sur la charge de la preuve :

5. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales: " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L 16 " ;

6. Considérant qu'il est constant que M et Mme B...ont fait l'objet d'une procédure de taxation d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; qu'en conséquence, ils supportent la charge de prouver le caractère exagéré des impositions litigieuses ;

Sur le montant des impositions :

7. Considérant que l'administration a imposé, comme revenus d'origine indéterminée, divers crédits portés sur les comptes bancaires de M. et Mme B...au cours des années 2007 et 2008 ; que les requérants contestent, comme ils le faisaient en première instance, le caractère imposable de ces sommes, au motif qu'il s'agissait, d'une part, de remboursements par l'employeur de M.B..., de dépenses supportées pour lui par ce dernier, dans le cadre de son emploi de chef-cuisinier et d'autre part, de transferts de sommes provenant des comptes courants ouverts au nom de M. B...dans les sociétés SGRGA et SGRGR ;

S'agissant des " remboursements de frais " allégués :

8. Considérant qu'ont été taxées comme revenus d'origine indéterminée, des sommes créditées en 2007 et 2008 à hauteur de 41 700 euros et 20 000 euros par remise de chèques ou d'espèces sur le compte bancaire détenu par M. B...auprès de la banque Lazard Frères, ainsi qu'une somme de 5 000 euros créditée le 21 août 2008 par remise de chèque sur le compte détenu par M. B...au Crédit Mutuel ;

9. Considérant, d'une part, que les requérants établissent devant la Cour, par la production notamment de copie des chèques, des relevés bancaires faisant apparaître les crédits correspondant auxdits chèques identifiés par leur numéro, que les sommes correspondant à des remises de chèques ont été versées par la personne qui employait M. B...en qualité de chef cuisinier, à l'occasion des dîners et réceptions qu'elle donnait dans ses résidences notamment à Paris et au Cap d'Antibes ; que les requérants soutiennent que l'ensemble de ces versements par chèques correspondent au remboursement d'achats, essentiellement de denrées alimentaires, effectués pour le compte et pour les besoins domestiques de son employeur par M.B... ; que les pièces produites en première instance et celles versées pour la première fois au dossier de la Cour et constituées de la copie des chèques et des relevés de comptes bancaires concernés et de justificatifs provenant des fournisseurs, permettent, en effet, de considérer que les requérants justifient à hauteur de 40 000 euros en 2007 et 20 000 euros en 2008, de l'o rigine et de la nature non imposable des crédits portés sur leur compte à la Banque Lazard Frères suite à des remises de chèques ;

10. Considérant, d'autre part, qu'en ce qui concerne le crédit de 5 000 euros porté en 2008 sur la compte de M. B...au Crédit Mutuel, les requérants démontrent qu'il correspond à un chèque établi au profit de M. B...par son employeur ; qu'ils versent par ailleurs au dossier des justificatifs et notamment le relevé des paiements opérés au moyen de la carte bancaire associée audit compte, qui permettent de corroborer les allégations selon lesquelles cette somme a été utilisée pour des achats de denrées et ingrédients effectués par M.B..., pour les besoins domestiques de son employeur et destinés aux cuisines privées de ce dernier, dans lesquelles M. B...travaillait comme chef cuisinier salarié ; que dans ces conditions, et alors qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est au demeurant pas contesté que les salaires versés à M. B...par son employeur faisaient l'objet de virements réguliers et clairement identifiés sur ledit compte, M. et Mme B...doivent être regardés comme démontrant que le chèque de 5 000 euros susmentionné constituait un remboursement des dépenses effectuées par M.B... pour son employeur et que cette somme n'était pas imposable à l'impôt sur le revenu ;

11 . Considérant, en revanche, que M. et Mme B...n'apportent pas la preuve de l'origine et du caractère non imposable des dépôts d'espèces d'un montant total de 1 700 euros opérés en 2007 sur le compte susmentionné ouvert à la Banque Lazard Frères ; qu'ils ne justifient pas non plus que les dépôts d'espèces effectués sur le compte au Crédit Mutuel susmentionné, pour un montant de 1 600 euros en 2007 et de 7 200 euros en 2008 proviendraient, ainsi qu'ils le soutiennent, pour le premier de la société Arymis et pour le reste de l'employeur de M. B...et auraient été imposés à tort ; que les requérants ne démontrent pas davantage le caractère non imposable du crédit de 600 euros porté le 29 décembre 2007 sur le compte tenu par la Caisse d'Epargne, à la suite d'un dépôt d'espèces, en se bornant à alléguer qu'il correspondait à un cadeau de fin d'année ;

S'agissant des transferts de compte à compte allégués :

12. Considérant que l'administration a abandonné, au vu des justificatifs probants fournis par les requérants, l'ensemble des rectifications opérées tant pour l'année 2007 que pour l'année 2008 au titre des crédits bancaires provenant des sociétés SGRGA et SGRGR à l'exception d'un crédit d'un montant de 3 000 euros porté le 5 mars 2007 sur le compte susmentionné détenu à la Caisse d'Epargne ; que les requérants démontrent, comme l'admet l'administration dans son dernier mémoire, que cette somme correspond à un chèque bancaire dont ils produisent la copie devant la Cour, établi le 28 février 2007 par la société SGRGR au bénéfice de M.B... et que ce chèque a donné lieu à un débit inscrit au compte courant ouvert au nom de M. B...dans la comptabilité de cette société ; qu'ainsi, ils sont fondés à soutenir que cette somme a été imposée à tort ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que l'administration a inclus à tort dans leur base d'imposition comme revenus d'origine indéterminée, des montants en base de 43 000 euros au titre de l'année 2007 et de 25 000 euros au titre de l'année de 2008 ;

Sur les pénalités :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40% en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration " ;

15. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance délibérée par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que, pour établir le caractère délibéré du manquement, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ; que, pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ;

16. Considérant que pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré, l'administration se prévaut de l'importance des sommes d'origine indéterminée imposées d'office et de l'insuffisance des justifications fournies par les contribuables ; que toutefois, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à l'importance des redressements abandonnés par l'administration au vu des justificatifs probants fournis par M. et MmeB..., et à ce qui a été dit ci-dessus notamment aux points 9 à 13, le caractère délibéré des manquements reprochés à ceux-ci ne peut être tenu pour établi ; que par suite, M et Mme B...sont également fondés à demander la décharge des pénalités appliquées aux suppléments d'impositions restant à leur charge ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à obtenir la décharge à hauteur des montants en base de 43 000 euros au titre de l'année 2007 et de 25 000 euros au titre de l'année de 2008 des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités y afférentes, ainsi que la décharge des pénalités pour manquement délibéré appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales maintenus à leur charge au titre de ces années ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et MmeB..., à hauteur des dégrèvements prononcés le 12 novembre 2015.

Article 2 : M. et Mme B...sont déchargés, en conséquence d'une réduction de leurs bases imposables de 43 000 euros au titre de l'année 2007 et de 25 000 euros au titre de l'année de 2008, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de ces années ainsi que des pénalités y afférentes .

Article 3 : M. et Mme B...sont déchargés de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts appliquée aux suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales maintenus à leur charge au titre des années 2007 et 2008.

Article 4 : Le jugement n° 1411258/2-3 du 2 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. et Mme B...au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 6 avril 2016.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I . BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02024
Date de la décision : 06/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : BRUCK

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-06;15pa02024 ?
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