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06/04/2016 | FRANCE | N°15PA00801

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 avril 2016, 15PA00801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle l'Université Paris-Est-Marne-la-Vallée a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner cette université à lui verser une indemnité de 170 311,16 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision d'exclusion dont elle a été l'objet et de la carence de l'administration à tirer toutes les conséquences de l'annulation de cette déci

sion.

Par un jugement n° 1310265 du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle l'Université Paris-Est-Marne-la-Vallée a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner cette université à lui verser une indemnité de 170 311,16 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision d'exclusion dont elle a été l'objet et de la carence de l'administration à tirer toutes les conséquences de l'annulation de cette décision.

Par un jugement n° 1310265 du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée à verser à Mme C...la somme de 2 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait de son exclusion, et 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 20 février, 15 mai et

23 novembre 2015, MmeC..., représentée par Me Philippe Rouquet, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1310265 du 16 décembre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'enjoindre à l'Université Paris Est - Marne-la-Vallée, subsidiairement au ministre de l'Education nationale, de lui verser la somme de 170 311,16 euros augmentée des intérêts au taux légal, au titre de son indemnisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors qu'ils ont jugé que les conclusions indemnitaires devaient être dirigées contre l'Etat et non contre l'université de Marne-la-Vallée ; que la responsabilité du conseil d'administration de l'université pouvait être engagée du fait de l'illégalité de sa décision ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'illégalité de la décision juridictionnelle rendue par le conseil d'administration de l'université, prononçant son exclusion, ne lui avait causé aucun préjudice matériel ;

- les premiers juges n'ont pas pris en compte la réalité de ses souffrances psychologiques et de ses angoisses liées à une affectation inadaptée et vécue comme dégradante, ce qu'elle établit pourtant à l'aide de documents ; les pièces produites au dossier illustrent la réalité du préjudice qu'elle a subi du fait de son exclusion illégale, notamment en raison de l'atteinte portée à sa carrière.

- une faute lourde a bien été commise à son encontre, dès lors que les faits lui ayant été reprochés dans la décision illégale prononçant sont exclusion étaient faux et que les accusations et reproches portés à son encontre étaient fantaisistes et mensongers ; elle a été victime d'une attitude délibérément défavorable de la part du personnel de l'université ;

- la décision juridictionnelle du conseil de l'administration a été délibérément prise au prix d'une violation manifeste des droits dont elle aurait dû bénéficier.

Par trois mémoires en défense enregistrés les 23 novembre 2015, 22 janvier 2016 et

18 mars 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

-les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat sont effectivement irrecevables car présentées pour la première fois en appel ;

- seule la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée à l'occasion de l'exercice, par l'université, de la fonction juridictionnelle ;

- seule une faute lourde est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat du fait de l'activité juridictionnelle, or il n'est pas démontré en l'espèce ni-même allégué par l'intéressée qu'une telle faute aurait été commise ; la circonstance qu'une sanction a été prononcée par l'instance disciplinaire de premier ressort avant d'être annulée en appel ne suffit pas à établir que les premiers juges auraient commis une faute lourde.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2015, l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée, représentée par son président M. B...D..., conclut à la confirmation du jugement, au rejet de la requête et à la condamnation de l'appelante aux entiers dépens.

Il soutient qu'aucun des moyens présentés par Mme C...devant la Cour n'est fondé.

Par lettre du 14 janvier 2016, les parties ont été informées, par application de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'Etat, représenté par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté la demande indemnitaire de MmeC..., lesquelles sont présentées pour la première fois en appel et constituent des conclusions nouvelles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;

- le décret n° 89-775 du 23 octobre 1989 relatif à la prime de recherche et d'enseignement supérieur des personnels de l'enseignement supérieur relevant du ministère chargé de l'enseignement supérieur ;

- le décret n° 93-461 du 25 mars 1993 relatif aux obligations de service des personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Philippe Rouquet, avocat de MmeC....

1. Considérant que Mme C..., professeure certifiée d'anglais, a été recrutée par l'Université Paris Est - Marne-la-Vallée à compter de la rentrée 2007 ; que, par un arrêté du

27 juin 2007, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a affectée sur l'emploi n° 0082 à compter du 1er septembre 2007 ; qu'elle a fait l'objet d'une décision d'exclusion de l'établissement, prononcée par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université, le 14 mai 2008 ; qu'en exécution de cette décision, le ministre de l'éducation nationale a pris un arrêté en date du 16 juillet 2008 réintégrant Mme C...dans l'enseignement du second degré à compter du 4 juin 2008, au sein de l'académie de Créteil ; que, par une décision du 16 décembre 2008, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a annulé la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'Université du 14 mai 2008, et a relaxé Mme C... des poursuites disciplinaires engagées à son encontre ; que Mme C...a été informée le 23 juillet 2009 de sa réintégration à l'université et de la proposition d'affectation sur un poste de professeur d'anglais rattaché au service commun des langues et affecté à l'IUT de Champs-sur-Marne ou à celui de Meaux ; que, par un arrêté du 7 septembre 2009, le ministre de l'éducation nationale a retiré son arrêté du 16 juillet 2008 et a affecté l'intéressée à l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée sur l'emploi n° 0186 ; que, par une décision n° 326876 du 15 janvier 2010, le Conseil d'Etat a annulé la décision du CNESER et lui a renvoyé l'affaire ; que, par une décision du 13 septembre 2010, le CNESER a réformé la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université et a sanctionné Mme C... d'un rappel à l'ordre ; que Mme C... a formé une réclamation préalable par courrier du 20 mars 2013 tendant notamment à sa réintégration dans son poste initial, à la reconstitution intégrale de sa carrière ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi ; qu'elle doit être regardée comme relevant appel du jugement n° 1310265 du 16 décembre 2014 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a que partiellement fait droit a sa demande tendant à la condamnation de l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée au versement des indemnités qu'elle estime lui être dues ;

Sur les préjudices résultant de la décision d'éviction de l'université prononcée le

14 mai 2008 par son conseil d'administration :

2. Considérant, en premier lieu, que, la sanction infligée le 14 mai 2008 à Mme C... a été prise par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'Université Paris Est - Marne-la-Vallée dans l'exercice des attributions juridictionnelles que la loi confère en premier ressort aux universités ; qu'ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la justice étant rendue de façon indivisible au nom de l'Etat, seule la responsabilité de ce dernier pourrait, le cas échéant, être engagée à l'égard de Mme C... du fait de cette décision juridictionnelle ; que la responsabilité de l'Université Paris Est-Marne-la-Vallée ne saurait être engagée à raison des fautes qu'aurait commises cette instance dans le cadre de cette mission juridictionnelle assurée sous le contrôle du juge ; que c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions susanalysées présentées par Mme C..., et qui étaient clairement, même si à tort, dirigées contre l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée ;

Sur les préjudices résultant de l'absence de réintégration dans le poste occupé initialement :

3. Considérant, que Mme C...estime qu'en la réintégrant sur un poste de professeur d'anglais rattaché administrativement au service commun des langues de l'université mais situé à l'IUT de Champs-sur-Marne, poste référencé n° 0186 au lieu de l'affecter sur le poste même qu'elle occupait à l'UFR de langues de l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée avant son éviction et référencé n° 0082, l'université a commis une faute qui a entraîné pour elle un préjudice financier et un préjudice moral ;

En ce qui concerne le préjudice financier et de carrière :

4. Considérant, d'une part, que l'affectation de Mme C...à l'Université de Paris-Est - Marne la vallée sur l'emploi PRC-CE n° 186 procède d'un arrêté du ministre de l'éduction nationale du 7 septembre 2009 dont Mme C...n'a d'ailleurs pas sollicité l'annulation ; que, d'autre part, le poste en cause était bien un poste relevant de l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée et correspondait bien à un poste de professeur certifié d'anglais et aux missions dévolues à un tel enseignant lorsqu'il est affecté dans l'enseignement supérieur ; qu'à supposer que ledit poste n'ait pas été équivalent à celui occupé, antérieurement à la mesure d'éviction prise à son encontre le 14 mai 2008, du seul fait qu'il suppose l'exercice de fonctions au sein de l'IUT de Champ-sur-Marne plutôt qu'au sein de l'UFR de langues de l'université, l'affectation sur ce poste de la requérante ne constituait, en tout état de cause, pas un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public auquel l'intéressée pouvait, sans méconnaître l'obligation d'obéissance à laquelle est soumis tout fonctionnaire, se soustraire ; qu'il est constant que Mme C...a refusé l'affectation sur le poste qui lui était assigné à l'IUT de Champs-sur-Marne et n'a pas exercé les fonctions y afférentes ; que ce comportement et non une quelconque décision de l'université est exclusivement à l'origine des préjudices qu'elle invoque et tenant, notamment, à la perte de traitement qu'elle a subie à compter du mois de septembre 2009 ;

5. Considérant que si Mme C...invoque le préjudice résultant pour elle d'une perte de chance d'être recrutée en qualité de maître de conférence, il ne résulte pas l'instruction, eu égard notamment à l'extrême sélectivité qui préside au recrutement des maîtres de conférences dans la discipline des langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes, qu'elle aurait eu des chances sérieuses d'accéder à un tel poste et qu'elle en aurait été privée du seul fait d'agissements fautifs de l'Université de Paris-Est - Marne-la-Vallée ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

6. Considérant, que Mme C...fait valoir qu'en évaluant son préjudice moral à hauteur de 2 000 euros, les premiers juges n'ont pas pris en compte la réalité de ses souffrances psychologiques et de ses angoisses liées à une affectation inadaptée et vécue comme dégradante ; que si, pour justifier l'étendue du préjudice moral allégué, Mme C...verse au dossier notamment des certificats médicaux et des attestations médicales, faisant état des problèmes dermatologiques liés à un état de stress et de dépression, elle n'établit pas de lien direct et certain entre ces pathologies et les agissements reprochés par elle à l'Université de Paris-Est - Marne-la-Vallée ; qu'enfin, si l'intéressée fait valoir qu'elle aurait été victime de harcèlement moral et aurait fait l'objet de mépris de la part des usagers, les éléments du dossier ne permettent en tout état de cause pas de faire présumer de l'existence de tels agissements et pas davantage de les considérer comme résultant de fautes imputables à l'université ; que, par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont sous évalué son préjudice moral ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

Sur les conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat :

8. Considérant que si Mme C...demande, à titre subsidiaire, dans le mémoire en réplique produit devant le Cour le 23 septembre 2015, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 170 311,16 euros, de telles conclusions, présentées pour la première fois en appel, doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Université Paris-Est - Marne-la-Vallée qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme en remboursement des frais exposés par Mme C...; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions de Mme C...présentées sur ce fondement à l'encontre de l'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., à l'Université Paris- Est - Marne-la-Vallée et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 6 avril 2016.

Le rapporteur,

S. APPECHE

Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne à la ministre de la décentralisation et de la fonction publique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00801
Date de la décision : 06/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : D4 Avocats Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-06;15pa00801 ?
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