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30/03/2016 | FRANCE | N°15PA01945

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 30 mars 2016, 15PA01945


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 juin 2014 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de commerçant sur le fondement des articles L. 313-10.2° et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1424807 du 9 avril 2015, le Tribunal a

dministratif de Paris a annulé la décision attaquée et enjoint au préfet de police d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 juin 2014 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de commerçant sur le fondement des articles L. 313-10.2° et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1424807 du 9 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision attaquée et enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-10 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mai 2015 le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....

Il soutient que :

- M. A...n'a demandé à l'expiration de son dernier titre de séjour " étudiant " un titre sur le fondement de l'article L. 313-10 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'après le rejet de sa demande de titre en tant que salarié sur le fondement de l'article L. 313-10 1° ;

- l'administration dans sa décision n'a pas entendu lui opposer l'absence d'activité effective de son entreprise depuis 2012 mais l'absence d'éléments suffisants pour apprécier la viabilité économique de son entreprise et la possibilité d'en tirer un revenu suffisant, en application des articles L. 313-10 2° et R. 313-16 1° ;

- à supposer que la décision attaquée puisse être regardée comme étant exclusivement fondée sur l'absence d'activité effective de l'entreprise depuis 2012, une substitution de motifs est demandée pour substituer à ce motif celui tiré du défaut de justification de la viabilité économique de l'entreprise ;

- l'ensemble des moyens soulevés en défense en première instance est maintenu.

La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes du 21 septembre 1992 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Labetoulle a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant ivoirien né le 21 mai 1984, est entré en France le 16 octobre 2009 muni d'un visa long séjour mention " étudiant " ; qu'il a poursuivi ses études sous couvert de titres de séjour " étudiant " régulièrement renouvelés jusqu'en décembre 2013 ; qu'après avoir validé un diplôme de Master II, il a sollicité un changement de statut sur le fondement de l'article L. 313-10 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin d'obtenir une carte de séjour " salarié " ; que, toutefois, par décision du 10 février 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France a rejeté sa demande d'autorisation de travail ; que M. A... a alors sollicité la délivrance d'une carte de séjour en qualité de commerçant, sur le fondement de l'article L. 313-10 2° du même code ; que par arrêté du 16 juin 2014, le préfet de police a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours ; que saisi par M.A..., le Tribunal administratif de Paris a d'une part annulé cet arrêté au motif que le préfet de police, en se fondant exclusivement sur l'absence d'activité effective de l'entreprise depuis 2012 avait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 313-10.2° et d'autre part a enjoint au préfet de police de délivrer à l'intéressé la carte de séjour temporaire prévue par ces dispositions dans un délai de trois mois ; que par la présente requête le préfet de police interjette appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

3. Considérant que l'arrêté attaqué rejette la demande de titre de séjour de M. A...au motif qu'il ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 313-10 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il résulte des déclarations trimestrielles de chiffres d'affaires auprès de l'URSSAF que son auto-entreprise n'a eu aucune activité depuis sa création le 19 décembre 2012 ; que la circonstance ainsi relevée ne permettait pas à elle seule d'établir que l'activité de cette entreprise n'était pas économiquement viable, comme l'impose l'article L. 313-10 2° précité ; qu'ainsi le motif retenu dans l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit ;

4. Considérant toutefois que pour établir que la décision attaquée était légale, le préfet de police invoque, dans sa requête d'appel communiquée à M. A...le motif tiré de ce que ce dernier ne justifiait pas, à la date de cette décision, de la viabilité de son entreprise ni de ce que l'activité de celle-ci serait de nature à lui procurer le niveau de ressources visé à l'article

R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant que M.A..., qui ne défend pas dans la présente instance devant la Cour, produisait principalement devant le Tribunal des justificatifs de son affiliation au régime social des indépendants, et de l'ouverture d'un compte bancaire d'auto-entrepreneur, des contrats signés par son entreprise avec deux prestataires et des récapitulatifs de commandes réceptionnées en mai et juin 2014 ; qu'il ne justifie pas par la production de ces seules pièces que son entreprise serait économiquement viable et de nature à lui assurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein, en application des dispositions susmentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de police aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif ; qu'il a lieu dès lors de procéder à la substitution de motifs demandée qui ne prive M. A...d'aucune garantie procédurale ;

6. Considérant que saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés dans le cadre de la première instance ;

7. Considérant que l'arrêté attaqué vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle les différents titres de séjour accordés à M. A...et ceux qu'il a sollicités, avant de retenir qu'il ne remplit pas les conditions visées par l'article

L. 313-10 2° dudit code dès lors que ses déclarations trimestrielles de chiffres d'affaires auprès de l'Urssaf démontraient que son auto-entreprise n'avait aucune activité depuis sa création, le 19 décembre 2012, avant d'indiquer qu'il ne pouvait plus se prévaloir d'un statut étudiant, que le refus de titre ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale en rappelant sa situation de famille ; que cet arrêté contient ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde et est par suite suffisamment motivé alors même qu'il ne vise pas l'accord franco-ivoirien signé à Abidjan le 21 septembre 1992 ;

8. Considérant que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants ivoiriens, l'article 14 de la convention conclue le 21 septembre 1992 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire sur la circulation et le séjour des personnes stipule : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États. " ; que l'article 10 stipule : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants ivoiriens doivent posséder un titre de séjour. Pour tout séjour sur le territoire de la Côte d'Ivoire devant excéder trois mois, les ressortissants français doivent posséder un titre de séjour. Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil. " ; qu'il résulte de ces stipulations que la convention franco-ivoirienne renvoie, par son article 10, à la législation nationale pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour ; que son article 6 se borne à régir les conditions d'entrée sur le territoire de l'un des deux Etats de ceux des ressortissants de l'autre Etat qui souhaitent y exercer une activité professionnelle, industrielle, commerciale ou artisanale ; qu'ainsi, les ressortissants ivoiriens souhaitant exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale en France doivent solliciter un titre de séjour en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de police en se fondant sur les dispositions de ce code plutôt que sur celles de la convention franco-ivoirienne signée le 21 septembre 1992 ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il appartenait à l'intéressé de fournir toutes pièces de nature à établir la viabilité de son entreprise et qu'en ne l'invitant pas à les produire le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la demande du requérant ;

10. Considérant que l'arrêté litigieux ayant pour objet de rejeter la demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non plus comme antérieurement sur celles du 1° du même article le requérant ne peut utilement invoquer l'erreur manifeste d'appréciation qui aurait été commise dans l'application des dispositions du 1° de cet article ;

11. Considérant que contrairement à ce qu'il soutient M. A...ne justifie pas, par les éléments produits, de la viabilité de son entreprise ni par suite de ce qu'il entrerait dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 313-10 2° du code susvisé ;

12. Considérant que M. A...ne conteste pas que, comme le relève le préfet dans l'arrêté attaqué, il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans dans son pays d'origine où réside son père et où il n'est pas dépourvu d'attaches familiales et qu'il n'a pas par ailleurs de charges familiales en France ; que dès lors s'il fait état de ce qu'il serait bien intégré en France où il vivait depuis cinq ans à la date d'intervention de l'arrêté attaqué, et de ce qu'il entretient une relation avec une ressortissante française qu'il envisage d'épouser, de telles circonstances ne suffisent pas en tout état de cause, à établir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et qu'il méconnaitrait ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est pas davantage établi qu'il serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision de refus de séjour contestée n'est pas entachée d'illégalité ; que M. A...n'est par suite pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

14. Considérant que pour les motifs susénoncés au point 12 cette seconde décision n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 16 juin 2014 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de commerçant sur le fondement des articles

L. 313-10 2° et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fins d'annulation présentées par M. A...n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fins d'injonction présentées sous astreinte ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant les premiers juges :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamné à verser à M. A...la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme demandée par l'Etat sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1424807 du 9 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La requête de M. A...présentée devant le tribunal est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le préfet de police sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mars 2016

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLELe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01945


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01945
Date de la décision : 30/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-30;15pa01945 ?
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