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03/02/2016 | FRANCE | N°15PA03132

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 03 février 2016, 15PA03132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Infolex a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, à titre principal, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er décembre 2009 au 31 décembre 2010, à titre subsidiaire, des supp

léments d'impositions litigieuses résultant de la réintégration des charges pour lesqu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Infolex a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, à titre principal, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er décembre 2009 au 31 décembre 2010, à titre subsidiaire, des suppléments d'impositions litigieuses résultant de la réintégration des charges pour lesquelles des justificatifs étaient apportés, ainsi que des pénalités pour manoeuvres frauduleuses.

Par un jugement n° 1407955 du 9 juin 2015 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2015, la société Infolex, représentée par Me B...A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n 1407955 du 9 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme dont le montant sera indiqué au cours de l'instruction.

Elle soutient que :

- elle a été privée des garanties du débat oral et contradictoire ;

- en rejetant les factures émanant de son fournisseur marocain, l'administration s'est fondée sur un prétendu abus de droit, sans mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, prévue dans un tel cas et privant ainsi la société de la possibilité de saisir le Comité de l'abus de droit ;

- l'administration a refusé à tort d'admettre la déductibilité de charges pour lesquelles des justificatifs ont été produits à hauteur de 32 356,71 euros ;

- c'est également à tort que l'administration a procédé au rejet pur et simple de l'ensemble des charges afférentes au carburant, aux voyages et frais de déplacement, et aux frais de réception ;

- les factures adressées par la société de droit marocain MRG ne sont pas fictives, contrairement à ce que soutient l'administration, et correspondent à une prestation réelle ;

- en rejetant systématiquement toutes les charges, l'administration a fait preuve d'un manque de réalisme économique ;

- les pénalités pour manoeuvre frauduleuse et pour manquement délibéré sont injustifiées et infondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

1. Considérant que la société Infolex a demandé, en vain, au Tribunal administratif de Paris notamment de la décharger, à titre principal, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er décembre 2009 au 31 décembre 2010, à titre subsidiaire, des suppléments d'impositions litigieuses résultant de la réintégration des charges pour lesquelles elle produisait des justificatifs, ainsi que des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ; qu'elle doit être regardée comme relevant, dans cette mesure, appel du jugement de ce tribunal rejetant sa demande ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que la société Infolex, qui exerce une activité de conseil en communication, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle lui ont été notifiés, selon la procédure contradictoire, des rehaussements au titre de l'exercice clos en 2010 de son résultat passible de l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er décembre 2009 au 31 décembre 2010, en raison de la remise en cause par le service vérificateur, sur le fondement des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, du caractère déductible de charges selon lui non justifiées ou non engagées dans l'intérêt de l'entreprise;

3. Considérant que, pour contester la régularité de la procédure d'imposition suivie par le vérificateur, la société Infolex reprend en appel, et selon les mêmes termes, les moyens invoqués par elle en première instance et tirés, premièrement, de ce qu'elle aurait été privée d'une débat oral et contradictoire avec le vérificateur et deuxièmement, de ce que l'administration, qui aurait mis en oeuvre implicitement les pouvoirs qu'elle tient en cas d'abus de droit, l'aurait privée des garanties procédurales prévues en tel cas par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges ;

Sur le bien-fondé des suppléments d'impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts relatif au calcul des bénéfices industriels et commerciaux et dont l'article 209 étend le champ d'application à l'assiette de l'impôt sur les sociétés : " I- Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges doivent, d'une manière générale, être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise, correspondre à une charge effective, être appuyés de justifications suffisantes et être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés ;

5. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de

l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

6. Considérant, en premier lieu, que le service vérificateur a remis en cause le caractère déductible de charges pour un montant de 44 254 euros en raison de l'absence de pièces justificatives suffisantes ; que les dépenses en cause, qui étaient comptabilisées globalement, sous des libellés imprécis tels que " notes de frais ", n'étaient assorties d'aucun justificatif ; que si la société a versé au dossier devant le tribunal administratif, de nombreuses copies de documents, ceux-ci correspondent pour l'essentiel à des notes de taxis souvent dépourvues d'indication du parcours effectué, à de simples tickets de caisse de commerces ou de restaurants, ou à des relevés de carte bancaire, dénués de précision quant à la nature des achats ou à l 'identité des commensaux ; que ces documents ne sauraient, comme elle le prétend, justifier à hauteur de 32 356, 71 euros que les dépenses en cause, qu'elle a regroupées, postérieurement aux opérations de contrôle, dans un tableau récapitulatif mentionnant la date, la nature prétendues de ces dépenses et le motif de celles-ci sous la dénomination imprécise de " fournisseur ", étaient engagées pour les besoins de l'activité et devaient être considérées comme déductibles de son résultat ; que dans ces conditions, et dès lors qu'aucun document nouveau de caractère probant n'a été versé au dossier devant la Cour, la société Infolex ne démontre pas que l'administration aurait, à tort, remis en cause, le caractère déductible de tout ou partie de ces charges ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le service vérificateur a refusé d'admettre le caractère déductible de charges pour un montant de 145 185 euros présentées comme correspondant à des prestations de services facturées par la société de droit marocain " Maroc Ressources et Gestion " (MRG) au motif que la réalité de celles-ci n'a pu être démontrée ; que pour justifier de la réalité des prestations de " call center ", la société requérante produit un guide d'entretien établi conjointement par les deux sociétés, mais qui est dépourvu de date certaine, et des listes d'appels téléphoniques passés de juin à septembre 2010 mais qui, à supposer que ces appels aient effectivement été passés par la société MRG, ne permettent pas d'établir, que ces appels ont été opérés dans le cadre des prestations prétendument servies à la société requérante et facturées à celle-ci ; que si, par ailleurs, la société produit des attestations du comptable de la société marocaine visant à établir que les sommes payées par la SAS Infolex ont effectivement été comptabilisées par la société MRG, il résulte toutefois de l'instruction qu'aucune facture détaillée de la société MRG n'a été fournie, ni aucun élément précis relatif aux contacts qu'elle aurait engagés ; que, par ailleurs, aucun élément établissant que la société MRG aurait disposé de ses propres locaux n'a été fourni, alors que le ministre soutient sans être contredit, que les factures à l'entête de MRG mentionnent une adresse, un numéro de téléphone et de télécopie qui sont ceux d'une société de domiciliation sise à Casablanca (Royaume du Maroc) ; qu'en tout état de cause, la société requérante n'apporte aucun élément probant de nature à démontrer qu'il existe une corrélation entre l'intervention de la société MRG et l'accroissement du chiffre d'affaires de la société ; qu'il résulte des réponses apportées par des clients de la société requérante suite à l'exercice par l'administration de son droit de communication, que ceux-ci ont indiqué n'avoir pas reçu d'appel téléphonique à fin de démarchage de la part de la société MRG ; que, par suite, c'est à bon droit que le service a procédé à la remise en cause des charges afférentes à ces prestations de services pour un montant de 145 185 euros ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à alléguer que l'administration aurait systématiquement refusé d'admettre le caractère déductible de ses charges, alors qu'il résulte de la proposition de rectification qu'avant de remettre en cause la déductibilité des charges en cause, le vérificateur a procédé à l'identification de chacune de celle-ci et le cas échéant, à l'examen des justificatifs fournis, la société n'établit pas que la position du service vérificateur procèderait d'une absence de réalisme économique ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Infolex n'est pas fondée à contester la remise en cause du caractère de charges déductible de ses résultats, de dépenses qui soit étaient insuffisamment justifiées soit ne correspondaient pas à des biens ou services utilisés effectivement pour les besoins de son activité ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

10. Considérant que pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, la société requérante se borne à se référer aux moyens développés à l'encontre des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de charges non justifiées ; qu'il résulte de ce qui a été indiqué ci-dessus, qu'elle n'est pas fondée à contester le bien-fondé de ces rappels de taxe procédant de la remise en cause des déductions qu'elle a opérées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des dépenses qui n'avaient pas été engagées pour les besoins de ses opérations imposables ;

Sur les pénalités :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'élément à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de :- a. 40% en cas de manquement délibéré (...)- c. 80% en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d' une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis.. " ;

12. Considérant que pour établir le manquement délibéré, l'administration se prévaut, en premier lieu, du fait que la société a comptabilisé un nombre important de charges en l'absence systématique de toute pièce justificative et, en second lieu, du fait qu'elle n'a pas pu établir non plus que ces dépenses avaient été engagées dans l'intérêt de l'exploitation ; que, par ailleurs, les majorations pour manquement délibéré sont suffisamment motivées dès lors que la proposition de rectification indique les rehaussements concernés par cette majoration et son fondement juridique ; que, par suite, et alors même que globalement le montant des rehaussements opérés en matière de taxe sur la valeur ajoutée serait relativement faible, l'administration fiscale doit être regardée, d'une part, comme apportant la preuve de l'intention de la société requérante d'éluder l'impôt et, d'autre part, comme ayant suffisamment justifié l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

13. Considérant que la société requérante soutient que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont ont été assortis les rappels afférents aux prestations facturées par la société MRG sont infondées et qu'elles constituent des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, dès lors que le service vérificateur a constaté que la société requérante a comptabilisé en charges déductibles des factures correspondant à des opérations fictives prétendument servies par une société qui avait d'ailleurs été créée par les associés de la société Infolex, il a démontré que ces agissements étaient destinés à égarer l'administration et constituaient, de ce fait, des manoeuvres frauduleuses ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Infolex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions à fin d'annulation et de décharge présentées devant la Cour doivent, par suite, être rejetées ; que l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, il ne saurait être fait droit, en tout état de cause, aux conclusions non chiffrées présentées par la société Infolex, sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Infolex est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Infolex et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2016.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03132
Date de la décision : 03/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : LAMRANI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-03;15pa03132 ?
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