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02/02/2016 | FRANCE | N°14PA02144

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 02 février 2016, 14PA02144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 mai 2012 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé de lui accorder le bénéfice d'une reprise d'ancienneté.

Par un jugement n° 1211776/5-3 du 12 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision contestée du 18 mai 2012 et rejeté les conclusions de Mme A...tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Paris de prendre en compte dans son échelle de rémunération, de

manière rétroactive, les années d'activité professionnelle correspondant à la période...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 mai 2012 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé de lui accorder le bénéfice d'une reprise d'ancienneté.

Par un jugement n° 1211776/5-3 du 12 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision contestée du 18 mai 2012 et rejeté les conclusions de Mme A...tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Paris de prendre en compte dans son échelle de rémunération, de manière rétroactive, les années d'activité professionnelle correspondant à la période du 1er novembre 1979 au 1er décembre 1999.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et des mémoires, respectivement enregistrés les 13 mai et 24 juillet 2014, 17 septembre 2015 et 13 novembre 2015, MmeA..., représentée par Me Rabbé, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1211776/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 12 mars 2014, en ce qu'il a rejeté les conclusions de sa demande à fin d'injonction ;

2°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Paris de prendre en compte dans l'échelle de rémunération qu'elle perçoit ses années d'activité professionnelle sur la période du 1er novembre 1979 au 1er décembre 1999, avec effet rétroactif au 1er septembre 2004, et de lui verser la somme correspondant aux surplus des revenus qu'elle aurait dû percevoir depuis le 1er septembre 2004, si cette prise en compte avait été effectuée sur cette même période, ladite somme étant assortie des intérêts de droit capitalisés annuellement ;

3°) de prononcer une astreinte de 150 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 900 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à la suite d'une erreur dans ses états administratifs mentionnant à tort qu'elle enseignait depuis 2003 les arts plastiques et non les arts appliqués, le rectorat a procédé le 11 octobre 2011 à la modification par avenant de son contrat, avec effet rétroactif au 1er septembre 2003 ;

- cette modification ayant été effectuée, elle a alors été à même de solliciter par une nouvelle demande, une reprise d'ancienneté concernant son activité professionnelle de 20 années préalable à la réussite de son concours interne dans la matière dite des " Arts Appliqués PLP ", qu'elle ne pouvait faire valoir auparavant en raison de l'erreur de l'administration, puisqu'une telle reprise d'ancienneté ne s'applique pas à la matière des arts plastiques ;

- le rejet de sa demande d'injonction repose ainsi sur une erreur de fait, l'administration n'établissant pas la reprise effective d'activité dans le calcul de ses revenus, ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation, les premiers juges ne prenant pas en compte sa précédente activité dans l'enseignement technique des arts appliqués depuis le 1er septembre 2003, l'erreur de l'administration ne lui ayant pas permis d'en bénéficier auparavant ;

- l'application qui lui est faite du délai de 6 mois à compter du 1er septembre 2009 pour demander la reprise d'ancienneté dont il s'agit est contraire au principe de l'égalité de traitement entre fonctionnaires, ainsi qu'à l'article 5 du décret du 19 décembre 2008 qui prévoit un report de délai dans le cas d'un congé de maladie, situation dans laquelle elle s'est d'ailleurs trouvée placée, alors qu'elle n'a pu valablement asseoir sa demande qu'après l'intervention de l'avenant du 11 octobre 2011 ;

- puis, après production de pièces relatives à ses services dans le domaine de l'enseignement de 1979 à 1999, répondant ainsi à une mesure supplémentaire d'instruction, elle soutient avoir exercé diverses fonctions d'artiste, d'animatrice et de formatrice tant en qualité de salariée que d'entrepreneur individuel, en excluant les services déjà pris en compte pour le calcul de son ancienneté ;

- son expérience professionnelle acquise dans le secteur privé aurait dû être prise en compte, étant en lien direct avec l'enseignement dispensé depuis 1999 ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut, par un appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif, et à titre subsidiaire au rejet de la requête d'appel, en faisant valoir que :

- l'administration est recevable, de façon incidente, à également demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué en procédant à une substitution de motifs, laquelle ne saurait priver la requérante d'une garantie procédurale ;

- en effet, la seule demande de reprise d'ancienneté de Mme A...est celle du 29 mars 2012, laquelle était tardive, de même d'ailleurs que ses courriers de mars et d'avril 2010, compte tenu des dispositions du décret du 19 décembre 2008, sans pouvoir opposer le principe d'égalité entre les maîtres de l'enseignement privé ;

- en tout état de cause, l'existence de l'avenant à son contrat du 11 octobre 2011 à caractère rétroactif, ne lui permet pas, en vertu des termes du même décret, de bénéficier des dispositions de l'article 22 du décret du 6 novembre 1992 non plus que de celles de l'article 7 du décret du 5 décembre 1951, puisque l'intéressée s'est inscrite au concours interne de PLP non pas en justifiant des années requises d'activité professionnelle et de service public, mais en tant que maître auxiliaire remplissant les conditions de diplôme ;

- ainsi, les années d'activité professionnelle, au demeurant insuffisamment justifiées, n'ont pu conditionner sa nomination, et par le fait, ne sont pas à prendre en compte.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été régulièrement informées, le 24 novembre 2015, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public relevé d'office, tiré de ce que les conclusions incidentes présentées par l'administration devant la Cour, tendant à l'annulation complète du jugement attaqué par une substitution des motifs de la décision litigieuse du 18 mai 2012, sont tardives et par suite irrecevables.

La ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a répondu à la communication de ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 27 novembre 2015.

Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2015, MmeA..., représentée par Me Rabbé, fait valoir l'irrecevabilité de l'appel incident du ministre, en raison de sa tardiveté, et rejette en tout état de cause au fond les conclusions de cet appel.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans certains corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant de l'éducation nationale ;

- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel ;

- le décret n° 2008-1429 du 19 décembre 2008 relatif aux dispositions réglementaires du chapitre IV du titre Ier du livre IX du code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Privesse,

- les conclusions de M. Cantié, rapporteur public,

- et les observations de Me Rabbé, avocat de MmeA....

1. Considérant que Mme B...A..., née le 14 juin 1955, a exercé les fonctions de professeur de lycée professionnel certifiée des établissements privés sous contrat à compter du 1er septembre 2003, après avoir été admise aux épreuves de deux concours internes, intitulés Caer-Capes, l'un en " Arts appliqués " et l'autre en " Arts plastiques " ; que, par le jugement attaqué du 12 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 18 mai 2012 par laquelle le recteur de l'académie de Paris a refusé d'accorder à l'intéressée le bénéfice d'une reprise de l'ancienneté relative à ses années d'activité professionnelle sur la période du 1er novembre 1979 au 1er décembre 1999, mais a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'opérer cette reprise ; que Mme A... relève appel de l'article 2 de ce jugement qui a rejeté ses conclusions aux fins d'injonction, et demande qu'il soit enjoint à l'administration de reconstituer sa carrière en prenant en compte ses années d'activité professionnelle sur la période du 1er novembre 1979 au 1er décembre 1999 ; qu'enfin, la ministre forme un appel incident par le mémoire susvisé du 20 novembre 2015, par lequel elle entend demander l'annulation complète du jugement attaqué ;

2. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions et au lien ainsi établi entre la décision juridictionnelle et la définition de ses mesures d'exécution, des conclusions tendant à leur mise en oeuvre à la suite d'une annulation pour excès de pouvoir ne présentent pas à juger un litige distinct de celui qui porte sur cette annulation ; qu'ainsi, l'appel incident de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 mars 2014 portant annulation de la décision en date du 18 mai 2012, ne présente pas à juger un litige distinct de l'appel principal dirigé contre l'article 2 du même jugement rejetant les conclusions à fin d'injonction présentées par MmeA... ; qu'il en résulte que l'appel incident, même introduit après l'expiration du délai d'appel, est recevable ;

3. Considérant d'autre part, qu'aux termes l'article 22 du décret du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel : " "Les professeurs de lycée professionnel sont reclassés conformément aux dispositions du décret du 5 décembre 1951 susvisé (...)/ Les candidats mentionnés aux 1 et 2 de l'article 6 et aux 1 et 4 de l'article 7 ci-dessus justifiant d'au moins cinq années d'activité professionnelle en qualité de cadre, sont classés dans le corps des professeurs de lycée professionnel à un échelon déterminé en prenant en compte les années d'activité professionnelle qu'ils ont accomplies en cette qualité avant leur nomination comme stagiaire, dans les conditions prévues par le présent décret, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 7 du décret du 5 décembre 1951 susvisé (...) "; que l'article 7 du décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 dispose à son premier alinéa : " Les années d'activités professionnelles que les fonctionnaires chargés des enseignements techniques théoriques ou pratiques ont accomplies avant leur nomination (...) sont prises en compte dans l'ancienneté pour l'avancement d'échelon, à raison des deux tiers de leur durée à partir de la date à laquelle les intéressés ont atteint l'âge de vingt ans " ;

4. Considérant que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sollicite une substitution du motif opposé par le recteur de l'académie de Paris dans la décision critiquée du 18 mai 2012 ; que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

5. Considérant qu'il ressort des termes de la décision du 18 mai 2012, que celle-ci se bornait à mentionner que seuls les lauréats du concours externe pouvaient bénéficier de la reprise d'activités professionnelles antérieures à leur nomination, alors qu'une telle restriction n'était prévue par aucune des dispositions précitées ; que pour refuser d'accorder à Mme A...le bénéfice d'une telle reprise d'ancienneté au titre de ses années d'activité professionnelle sur la période du 1er novembre 1979 au 1er décembre 1999, la ministre invoque en appel, outre la tardiveté de cette demande de reprise d'ancienneté, ainsi que le motif selon lequel les dispositions concernées ne valent que pour les années d'exercice professionnel dont l'existence a conditionné la nomination, un dernier motif tiré de ce que l'intéressée ne justifie pas avoir exercé en qualité de cadre, au sens de la convention collective du travail, durant cinq années, selon les dispositions combinées de l'article 22 du décret du 6 novembre 1992 modifié et de celles des articles 7 bis et 9 du décret du 5 décembre 1951, susvisés ; que ces motifs de substitution, contenus dans le mémoire reçu le 20 novembre 2015, ont été régulièrement communiqués à MmeA..., laquelle y a d'ailleurs répondu le 30 novembre 2015 ; que la substitution de motifs demandée par la ministre ne prive la requérante d'aucune garantie procédurale ;

6. Considérant qu'il ne résulte d'aucune des pièces versées par la requérante, notamment celles produites le 13 novembre 2015 en réponse à une mesure d'instruction du 4 novembre 2015, que celle-ci aurait exercé une activité professionnelle de cadre tel que spécifié à l'article 7 du décret du 6 novembre 1992 susvisé, durant la période du 1er novembre 1979 au 1er décembre 1999 ; que dès lors, la ministre est fondée à soutenir qu'elle aurait pu prendre la même décision en se fondant sur ce seul motif ;

7. Considérant que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 18 mai 2012 ; qu'il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 2 de ce jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 12 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé, et la demande de Mme A...présentée devant ce même tribunal est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel de Mme A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B...A...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Privesse, premier conseiller,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 février 2016.

Le rapporteur,

J-C. PRIVESSE

Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

P. HAMON

Le greffier,

A-L. CALVAIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02144
Date de la décision : 02/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

30-02 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: M. CANTIE
Avocat(s) : RABBE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-02;14pa02144 ?
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