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28/01/2016 | FRANCE | N°14PA01162

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 janvier 2016, 14PA01162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2012, par lequel le maire de la commune de Nouméa a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1300008 du 16 décembre 2013, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2014, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 novembre 2014, M.B..., représenté par MeD..., demande à la Cour

:

1°) d'annuler le jugement n° 1300008 du 16 décembre 2013 du Tribunal administratif de Nouvelle-C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2012, par lequel le maire de la commune de Nouméa a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1300008 du 16 décembre 2013, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2014, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 novembre 2014, M.B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300008 du 16 décembre 2013 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune de Nouméa en date du 8 octobre 2012 prononçant sa révocation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nouméa le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris au-delà de l'expiration du délai imparti par l'article 82 de la délibération n° 486 du 10 août 1994 à l'autorité disciplinaire pour statuer sur la situation d'un agent ayant fait l'objet d'une suspension, dès lors que le conseil de discipline s'est réuni le 23 août 2012, plus de quatre mois après la notification de la décision de suspension ;

- le conseil de discipline n'a pas respecté les droits de la défense ; il n'a pas pu présenter ses observations lors de la séance du conseil de discipline du 23 août 2012, dès lors qu'il était absent et qu'il n'a pas été représenté ;

- les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la sanction de révocation prononcée à son encontre est manifestement disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2014, la commune de Nouméa, représentée par Me Seban, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 ;

- la délibération n° 486 du 10 août 1994 ;

- la délibération n° 231 du 13 décembre 2006 ;

- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Blanc,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Seban, avocat de la commune de Nouméa.

1. Considérant que par un arrêté du 8 octobre 2012, le maire de la commune de Nouméa a décidé la révocation de M.B..., adjoint administratif de la commune, alors employé comme gardien de cimetière, sans suspension des droits à pension de l'intéressé et l'a radié des effectifs des services municipaux ; que M. B... fait appel du jugement du 16 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation cet arrêté ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 82 de la délibération du 10 août 1994 portant création du statut général des fonctionnaires des communes de Nouvelle-Calédonie : " 1. En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu par le Maire. 2. La décision prononçant la suspension d'un fonctionnaire doit préciser si l'intéressé conserve pendant le temps où il est suspendu le bénéfice de son traitement ou déterminer la quotité de la retenue qu'il subit, qui ne peut être supérieure à la moitié du traitement. En tout état de cause, il continue à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. 3. Dans le cas de suspension immédiate, le conseil de discipline est saisi de l'affaire sans délai. Celui-ci émet un avis motivé sur la sanction applicable et le transmet au Maire. 4. La situation du fonctionnaire suspendu en application de l'alinéa premier du présent article doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision a pris effet. Lorsqu'aucune décision n'est intervenue au bout de quatre mois, l'intéressé reçoit à nouveau son traitement. (...) " ;

3. Considérant que ces dispositions, qui ont imparti à l'autorité disciplinaire un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un fonctionnaire ayant fait l'objet d'une mesure de suspension, ont pour objet de limiter les effets dans le temps de cette mesure, sans qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire, ni même fasse obligation à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'engager une procédure disciplinaire ; que si le maire de la commune de Nouméa n'a pas mis fin dans le délai prévu par l'article 82 de la délibération du 10 août 1994 précité à la mesure de suspension à titre conservatoire dont M. B...avait fait l'objet, ni ces dispositions, ni aucun autre texte, n'interdisaient néanmoins à cette autorité d'engager ultérieurement une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant, après l'expiration de ce délai ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 79 de la délibération du 10 août 1994 portant création du statut général des fonctionnaires des communes de Nouvelle-Calédonie : " 1. Le fonctionnaire a le droit d'obtenir, aussitôt que l'action disciplinaire est engagée, la communication intégrale de son dossier et de tous documents annexes. 2. Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou verbales, citer des témoins et se faire assister d'un défenseur de son choix (...) " ; qu'aux termes de l'article 61 de l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux : " Le fonctionnaire, incriminé a le droit d'obtenir aussitôt que l'action disciplinaire est engagée la communication intégrale de son dossier et de tous documents annexes. Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou verbales, citer des témoins et se faire assister d'un défenseur de son choix. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. B...ne s'est pas présenté à la séance du 23 août 2012 au cours de laquelle le conseil de discipline s'est prononcé sur sa situation, il a été convoqué à cette séance par courriel du 13 août 2012, auquel il a répondu le 19 août suivant, ainsi que par lettre du 14 août 2012, remise en main propre ; que la commune de Nouméa, aux termes de ces convocations, l'a informé qu'en cas d'empêchement pour assister à cette séance, il disposait de la possibilité de se faire représenter par la personne de son choix ou de produire des observations écrites ; que par lettre du 6 mars 2012, dès sa convocation à un entretien préalable avec ses responsables hiérarchiques, lorsqu'une procédure disciplinaire a été envisagée, puis par lettre du 11 mai 2012, M. B...avait déjà été informé de la possibilité dont il disposait de consulter son dossier individuel et d'être assisté par la personne de son choix ; que M. B...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les droits de la défense n'auraient pas été respectés ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne l'existence d'une faute disciplinaire :

6. Considérant qu'aux termes de l'arrêté du 8 octobre 2012, le maire de la commune de Nouméa a prononcé la révocation de M. B...sans suspension de ses droits de pension, en lui reprochant des manquements répétés à son obligation de réserve et à son devoir d'obéissance ; qu'il a été reproché, en particulier, à M.B... l'envoi de multiples courriels adressés à sa hiérarchie, à l'exécutif municipal ou à plusieurs administrations et institutions de la Nouvelle-Calédonie et de métropole, rédigés en des termes irrespectueux et mettant en cause la probité de l'exécutif par des accusations infondées, une attitude de dénigrement permanent à l'égard de sa hiérarchie, des refus répétés de respecter les ordres qui lui ont été adressés, une incapacité à s'intégrer dans une équipe, ainsi qu'une attitude consistant à perturber le bon fonctionnement du service ;

7. Considérant que M. B...ne conteste pas avoir adressé à 21 reprises, entre le 1er septembre 2010 et le 11 avril 2012, à plusieurs autres communes de Nouvelle-Calédonie, aux services du gouvernement de Nouvelle-Calédonie et à des institutions de métropole, des courriels contenant des propos hostiles et virulents à l'encontre de la commune de Nouméa, mettant en cause la légalité de son mode de gestion et la probité de ses élus et de ses agents ; qu'alors même que les propos tenus dans ces messages n'auraient pas eu une diffusion générale auprès du public, ils constituent néanmoins un manquement à l'obligation de réserve à laquelle sont tenus les agents publics, dès lors qu'il est constant que les propos de M. B...dénigrant la commune de Nouméa ont été diffusés à l'extérieur du service et portés à la connaissance de tiers, fussent-ils seulement des pouvoirs publics ou des autorités administratives ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la délibération du 10 août 1994 portant statut général : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public " ;

9. Considérant que la commune a reproché à M.B... d'avoir refusé de participer aux réunions de travail organisées par le responsable de son service, ce que l'intéressé a lui-même admis dans un courriel du 8 mars 2012, d'avoir refusé de déménager son bureau dans le cadre du déplacement de son service au motif qu'il désapprouvait cette décision, d'avoir contesté la création d'une chambre d'exhumation décidée par la commune dès lors qu'il estimait qu'elle était inutile, ainsi que d'avoir refusé de se rendre à une visite médicale de travail à laquelle il a été convoqué à plusieurs reprises au motif que ses collègues n'auraient pas été suivis par le même médecin de la commune ; que M.B..., qui admet la matérialité des faits qui lui sont reprochés, se borne à contester le bien-fondé des mesures qu'il a refusé d'exécuter ; que, toutefois, la circonstance que ces mesures n'auraient pas été justifiées, à la supposer établie, ne l'autorisait pas en tout état de cause à ne pas les respecter, dès lors qu'il n'établit pas qu'elles auraient été manifestement illégales et de nature à compromettre gravement un intérêt public ;

10. Considérant que l'ensemble des manquements à l'obligation d'obéissance et au devoir de réserve ainsi reprochés par le maire de Nouméa à M.B..., dont la matérialité est établie, sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

En ce qui concerne le choix de la sanction :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la délibération du 10 août 1994 portant création du statut général des fonctionnaires des communes de Nouvelle-Calédonie : " 1. Les sanctions disciplinaires sont : a) l'avertissement, b) le blâme, c) la radiation du tableau d'avancement, d) le déplacement d'office, e) l'abaissement d'échelon, f) la rétrogradation, g) la révocation sans suspension des droits à pension, h) la révocation avec suspension des droits à pension. (...) " ;

12. Considérant que la gravité des manquements reprochés au requérant, ainsi que leur caractère répété, en particulier, les propos tenus dans des courriels ayant fait l'objet d'une large diffusion à l'extérieur du service et qui ont consisté à contester le bien-fondé des décisions prises par la commune et à dénigrer les responsables du service, compte tenu du caractère systématique de l'attitude adoptée par l'intéressé, alors même qu'il n'est lui-même investi d'aucune responsabilité, sont de nature à perturber gravement le fonctionnement du service ; qu'ainsi la sanction de révocation sans suspension des droits à pension prononcée à l'encontre de M. B...n'est pas disproportionnée aux faits qui lui sont reprochés ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ; que les conclusions présentées par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Nouméa sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Nouméa sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la commune de Nouméa.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.

Le rapporteur,

P. BLANCLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 14PA01162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01162
Date de la décision : 28/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-01-28;14pa01162 ?
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