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19/01/2016 | FRANCE | N°15PA02161

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 19 janvier 2016, 15PA02161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Energie Europe Service a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1303835/1-2 du 31 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2015, la société Energie Europe Service, représe

ntée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303835/1-2 du 31 mars 2015 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Energie Europe Service a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1303835/1-2 du 31 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2015, la société Energie Europe Service, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303835/1-2 du 31 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle avait réalisé un acte anormal de gestion en vendant un stock de pièces détachées à la société Soffimat à un prix minoré ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les travaux réalisés en 2006, 2007, 2008 et 2009 ne constituent pas des travaux de recherche éligibles au crédit d'impôt recherche tant sur le terrain de la loi fiscale que sur celui de la doctrine administrative (instruction du 8 février 2000) ;

- l'intérêt de retard, du fait de son caractère excessif, constitue une sanction ;

- la majoration pour défaut tardif de la déclaration de l'exercice 2009 n'est pas justifiée car elle a envoyé cette déclaration le 13 avril 2010.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Energie Europe Service ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, s'agissant du crédit d'impôt recherche, les dépenses de personnel engagées ne sont pas justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2006 à 2009, la SA Energie Europe Service, qui exerce une activité de distribution d'électricité, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ; que la SA Energie Europe Service relève régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 31 mars 2015 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007, 2008 et 2009;

Sur le bien fondé des impositions :

En ce qui concerne la renonciation à recette sur cession de stock :

2. Considérant qu'à la fin de l'exercice clos en 2008 la société Energie Europe Service a vendu à la SA Soffimat, qui exerce une activité de commercialisation de matériel électrique, et pour un prix HT de 210 000 euros, un stock de pièces détachées destinées à la maintenance de modules de cogénération de gaz naturel à partir de groupe électrogène ;

3. Considérant que l'administration a considéré que la vente dudit stock de pièces détachées consentie par cette dernière à la SA Soffimat était constitutive, compte tenu d'un prix de cession considéré comme insuffisant, d'une renonciation à recette ; que la SA Energie Europe Service, qui ne justifiait pas d'un intérêt direct à cette renonciation à recette avait, dès lors, commis un acte anormal de gestion ;

4. Considérant qu'aux termes des dispositions du 3 de l'article 38 du code général des impôts : " les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient " ;

5. Considérant que l'administration relève, en premier lieu, que le stock litigieux était inscrit au bilan au 31 décembre 2007 de la société requérante pour un montant HT de 489 142,30 euros, en deuxième lieu que cette dernière n'avait constaté aucune provision pour dépréciation dudit stock, en troisième lieu que la transaction est intervenue entre deux sociétés faisant partie d'un groupe économique informel, exerçant la même activité, domiciliées à la même adresse et dirigées par deux personnes portant le même patronyme ;

6. Considérant qu'en réponse la société Energie Europe Service soutient que la méthode de cogénération aurait commencé à disparaître dès 2007, que, la SA Soffimat comme elle-même, auraient dû diversifier leurs activités et se tourner vers les énergies renouvelables et que le stock litigieux de pièces détachées pour le maintien des modules de cogénération, n'était plus d'aucune utilité ni valeur ; qu'à l'appui de ces allégations la requérante cite des extraits d'une revue indiquant que l'inspection générale des finances aurait émis de fortes réserves sur le maintien d'un soutien actif de la filière et qu'il était annoncé en 2007 que la cogénération entrerait dans une phase d'extinction ;

7. Considérant, toutefois, que l'administration relève encore que, dans la même revue, les articles cités par la requérante mentionnent l'existence de 800 installations de cogénération pour en déduire à juste titre que ces installations nécessitent l'emploi de pièces détachées de maintenance, ce qui contredit l'assertion selon lequel le stock dont s'agit ici aurait été frappé d'obsolescence, comme l'ont souligné avec raison les premiers juges, et ce nonobstant le fait que la société requérante et la SA Soffimat aient souhaité se désengager de l'activité de cogénération ;

8. Considérant, enfin, que si la SA Energie Europe Service présente pour la première fois dans la présente requête d'appel une description précise du stock litigieux et de sa consistance, elle n'apporte aucune précision sur la méthode ayant conduit à le valoriser à 210 000 euros ; qu'elle ne démontre pas qu'elle aurait effectué les diligences suffisantes pour trouver acquéreur dans des conditions normales, pas plus qu'elle n'apporte la preuve de la réalité du projet de cession allégué dudit stock par la SA Soffimat à un de ses clients ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'administration, nonobstant l'avis favorable à l'abandon du redressement rendu le 24 novembre 2011 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, doit être regardée comme démontrant l'insuffisance du prix de vente consenti à la requérante et, partant, le bien-fondé de la qualification d'acte anormal de gestion de l'avantage ainsi consenti, sans contrepartie, par la SA Energie Europe Service à la société Soffimat ;

En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche :

10. Considérant que la société requérante a demandé à bénéficier du régime fiscal du crédit d'impôt recherche à raison de dépenses exposées dans le cadre des études qu'elle avait menées sur la biomasse ; qu'elle a adressé le 9 juin 2009 au service des impôts des entreprises une déclaration de résultat rectificatives au titre des exercices 2006 à 2008, assortie d'une demande de restitution des créances de crédit d'impôt pour des montants respectifs de 265 003 euros, 148 141 euros et 155 124 euros ; que le remboursement de la totalité de la restitution sollicitée a été ordonnancé le 31 décembre 2009 ; que toutefois, après prise en compte d'un avis du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, le service vérificateur a remis en cause la totalité du crédit d'impôt recherche par une proposition de rectification du 10 décembre 2010 ;

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I - Les entreprises industrielles et commerciales imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 25 % de l'excédent des dépenses de recherche exposées au cours d'une année par rapport à la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation, exposées au cours des deux années précédentes " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l' annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) b) Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; c) Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Energie Europe Service a pour activité l'élaboration de solutions adaptées au marché de productions d'énergie renouvelable, notamment par des systèmes pouvant produire en continu de l'énergie à partir de paille de blé ; que dans un rapport du 21 juin 2010, la direction régionale de la recherche et de la technologie a émis un avis défavorable à l'octroi du crédit d'impôt recherche sollicité au motif que les développements sur un prototype de validation de conception concernent l'achèvement de la phase expérimentale, qui résultent de travaux de recherche/développement dont l'état de l'art est connu, et a considéré qu'il existe seulement des difficultés de mise au point et que, par suite, les expérimentations effectuées ne sont pas éligibles au crédit d'impôt recherche ; que, si la société conteste ces conclusions elle se contente de produire des " rapports scientifiques ", qui semblent émaner d'elle-même et dont, comme le note le ministre des finances et des comptes publics dans son mémoire en défense, on ignore les auteurs ; que, par ces seuls documents produits, et faute notamment d'une description de l'état de l'art, tel qu'il existait avant les travaux litigieux, permettant de savoir en quoi leurs retombées seraient radicalement nouvelles au regard des techniques existantes, la société requérante n'infirme pas l'avis susvisé ; que, dans ces conditions, l'ensemble des travaux litigieux doit être regardé, sur le terrain de la loi fiscale, comme des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes ;

13. Considérant, en second lieu, que si la société Energie Europe Service se prévaut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du n° 27 de l'instruction administrative du 8 février 2000 codifiée à la documentation de base sous la référence n°4 A-1-00, comme le note le ministre des finances et des comptes publics dans son mémoire en défense, la société Energie Europe Service ne produit pas ladite instruction ni n'expose en quoi cette instruction validerait sa position ; que ce moyen doit donc être écarté faute d'être assorti des précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien fondé ;

Sur les intérêts de retard :

14. Considérant que l'intérêt de retard vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme sont inapplicables dans la mesure où l'intérêt de retard visé aux articles 1727 et 1729 du code général des impôts ne constitue pas une sanction ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à s'en prévaloir pour demander la décharge des intérêts de retard ;

Sur la majoration de 10 % pour dépôt tardif de la déclaration :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) " ;

16. Considérant que si la requérante produit la première page de la liasse fiscale de 2009, datée du 13 avril 2010, une date portée sur une déclaration n'atteste pas de la réalité de son dépôt ; qu'il résulte au contraire du document fourni par le service vérificateur en annexe à la réponse aux observations du contribuable que la déclaration, bien que datée du 13 avril 2010, n'a été enregistrée que le 12 mai 2010 par le service des impôts des entreprises, soit postérieurement à la date légale limite de dépôt fixée au 4 mai 2010 ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à contester la majoration qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Energie Europe Service n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Energie Europe Service est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Energie Europe Service et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques (Direction de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest).

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 19 janvier 2016.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02161
Date de la décision : 19/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : FOUCAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-01-19;15pa02161 ?
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