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31/12/2015 | FRANCE | N°14PA04617

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 31 décembre 2015, 14PA04617


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Morand Industrie a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la commune de Grigny à lui verser la somme de 86 287,59 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 16 juillet 2012, correspondant au total des intérêts moratoires afférents aux sommes réglées par cette commune pour l'exécution d'un marché public.

Par un jugement n°s 1310818, 1315071/7-3 du 16 octobre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Morand Industrie a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la commune de Grigny à lui verser la somme de 86 287,59 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 16 juillet 2012, correspondant au total des intérêts moratoires afférents aux sommes réglées par cette commune pour l'exécution d'un marché public.

Par un jugement n°s 1310818, 1315071/7-3 du 16 octobre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 novembre 2014 et 3 mars 2015, la société Morand Industrie, représentée par MeA..., puis par Me Crespelle, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n°s 1310818, 1315071/7-3 du Tribunal administratif de Paris du 16 octobre 2014 ;

2°) de condamner la commune de Grigny à lui verser la somme de 65 783, 75 euros au titre des intérêts moratoires, la somme de 30 759, 98 euros au titre d'intérêts moratoires complémentaires au 31 janvier 2015, et de procéder à la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Grigny la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 98 alinéa 2 du code des marchés publics et l'article 5 du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 prévoient que le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit, pour le titulaire du marché ou un sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires ;

- la commune a accepté, par plusieurs actes spéciaux, la société Morand Industrie en qualité de sous-traitant, agréé ses conditions de paiement découlant du contrat de sous-traitance du 21 novembre 2007, et a accepté le paiement direct ;

- la commune n'a pas respecté, lors des paiements directs, le délai de 45 jours prévu par l'article 98 du code des marchés publics.

Par ordonnance du 5 juin 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juillet 2015.

La requête a été communiquée à la commune de Grigny, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Petit,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me Crespelle, avocat de la société Morand Industrie.

1. Considérant que la commune de Grigny a conclu un marché de travaux avec la société Bacotra, pour la réalisation de deux groupes scolaires ainsi que d'un centre de loisirs sans hébergement ; que, le 21 novembre 2007, la société Bacotra a sous-traité certaines prestations du lot n° 12, relatif à l'électricité, à la société Morand Industrie ; que les prestations effectuées par cette dernière lui ont été directement payées par la commune de Grigny ; que la société Morand industrie, estimant que la date de ces paiements excédaient le délai prévu par les stipulations contractuelles, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 86 287,59 euros, au titre des intérêts moratoires ; que, par un jugement du 16 octobre 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que la société Morand industrie fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 98 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors applicable : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours (...) / Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. / Un décret précise les modalités d'application du présent article. " ; que selon l'article 112 du même code : " Le titulaire d'un marché public de travaux, d'un marché public de services ou d'un marché industriel peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché à condition d'avoir obtenu du pouvoir adjudicateur l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement " ; qu'aux termes de l'article 4 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, alors en vigueur : " Le délai global de paiement du sous-traitant payé directement par la personne publique est identique à celui prévu au marché pour le paiement du titulaire./ Le délai global de paiement du sous-traitant court à partir de la réception par la personne publique contractante, ou, si le marché le prévoit, par le maître d'oeuvre ou tout autre prestataire habilité à cet effet, de sa demande de paiement, telle que transmise par le titulaire du marché. / Le délai global de paiement du sous-traitant court à partir de la réception par la personne publique contractante, ou, si le marché le prévoit, par le maître d'oeuvre ou tout autre prestataire habilité à cet effet, de sa demande de paiement, telle que transmise par le sous-traitant lui-même, dans les circonstances prévues à l'article 116 du code des marchés publics, si le titulaire du marché n'a donné aucune suite à cette demande et n'a pas apporté la preuve d'un refus motivé à son sous-traitant " ; que l'article 5 du même décret dispose : " I.-Le défaut de paiement dans les délais prévus par l'article 98 du code des marchés publics fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement. / Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. / (...) / II. - Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. / A défaut de la mention de ce taux dans le marché, le taux applicable est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points. III. - Le défaut d'ordonnancement ou de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires dans un délai de 30 jours à compter du jour suivant la date de mise en paiement du principal entraîne le versement d'intérêts moratoires complémentaires. Le taux applicable à ces intérêts moratoires complémentaires est le taux des intérêts moratoires d'origine, majoré de deux points. Ces intérêts moratoires sont calculés sur le montant des intérêts moratoires d'origine et ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Ces intérêts moratoires complémentaires s'appliquent à compter du jour suivant la date de paiement du principal jusqu'à la date d'ordonnancement ou de mandatement de l'ensemble des intérêts moratoires (...) " ; qu'enfin, selon l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que par trois " actes spéciaux " du 16 novembre 2011, qui se sont substitués, compte tenu de l'augmentation du montant du marché, à de précédents actes, la commune de Grigny a accepté la société Morand Industrie en qualité de sous-traitant et a agréé ses conditions de paiement ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées du code des marchés publics et de l'article 4 du décret du 21 février 2002 que le sous-traitant agréé par le maître de l'ouvrage bénéficie de plein droit, en cas de dépassement du délai de paiement, d'intérêts moratoires qui courent à compter du jour suivant l'expiration du délai global de paiement prévu par le marché public pour le paiement du titulaire ; qu'il résulte de l'instruction que la commune de Grigny qui n'a présenté aucune observation en défense ni en première instance ni en appel, n'a pas respecté, pour le mandatement de la quasi-totalité des acomptes et le paiement du solde dû à la société Morand Industrie, le délai maximal de quarante-cinq jours prévu par l'article 3.3.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché ; que ce dépassement du délai global de paiement ouvre ainsi de plein droit à la requérante le bénéfice d'intérêts moratoires ; que le marché ne fixant pas le taux applicable en cas de dépassement du délai global de paiement, il y a lieu de faire application, conformément aux dispositions précitées du II de l'article 5 du décret du 21 février 2002, du taux fixé par la Banque centrale européenne majoré de sept points, soit 11,20 % pour la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2008, 11,07 % pour la période comprise entre le 1er juillet 2008 et le 31 décembre 2008, 9,50 % pour la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 30 juin 2009 et 8 % pour la période comprise entre le 1er juillet 2009 et le 31 décembre 2009 ; que compte tenu des dates de paiement des acomptes et du solde, récapitulées par la société requérante, et non contestées par la commune de Grigny, le total des intérêts moratoires s'élève ainsi à la somme de 65 783, 75 euros ; que la société a donc droit au paiement de cette somme augmentée de la capitalisation des intérêts à compter du 3 mars 2015 ;que le paiement d'intérêts moratoires n'ayant pas été effectué dans le délai de trente jours suivant le paiement du principal, la société requérante a également droit à ce que les acomptes et le solde du marché portent intérêts complémentaires, dont le taux est, en fonction des dates de ces paiements, égal à celui mentionné ci-dessus, augmenté de 2 points, conformément aux dispositions précitées du III de l'article 5 du décret du 21 février 2002 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Morand Industrie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Grigny le versement à la société Morand Industrie de la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 1310818, 1315071/7-3 du Tribunal administratif de Paris du 16 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : La commune de Grigny est condamnée à verser à la société Morand Industrie la somme de 65 783, 75 euros, avec capitalisation à compter du 3 mars 2015, ainsi que des intérêts complémentaires dans les conditions précisées par les motifs du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Grigny versera à la société Morand Industrie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Morand Industrie et à la commune de Grigny.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs-Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

V. PETITLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04617
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Intérêts.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP FTPA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;14pa04617 ?
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