La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2015 | FRANCE | N°14PA00190

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2015, 14PA00190


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me C...B..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société anonyme (SA) Bistro 121, a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006, ainsi que la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels ladite société a été assujettie au titre de la période allant du 1er février 20

06 au 31 mai 2007 et des pénalités correspondantes ;

Par un jugement n° 1114211/2-3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me C...B..., agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société anonyme (SA) Bistro 121, a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006, ainsi que la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels ladite société a été assujettie au titre de la période allant du 1er février 2006 au 31 mai 2007 et des pénalités correspondantes ;

Par un jugement n° 1114211/2-3 du 5 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 janvier 2014 et 2 novembre 2015, Me B..., mandataire judiciaire de la société anonyme Bistro 121, représentée par Me Dehors, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1114211/2-3 du

5 décembre 2013 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus par l'administration de toute discussion et tractation se révèle contraire au principe même d'un débat contradictoire ;

- le tribunal administratif, comme l'administration, n'a pas suffisamment pris en compte le contexte de racket dont a été victime le dirigeant de la société, et qui rendait très difficile la production d'éléments tangibles pour contester les résultats de la procédure de taxation d'office ;

- le chiffre d'affaires reconstitué est sans commune mesure avec celui constaté sur les exercices antérieurs au racket et à l'extorsion de fonds dont à été victime l'entreprise elle-même et son dirigeant et il résulte de la prise en compte de sommes qui trouvent leur source dans les faits délictueux en cause qui ont fait l'objet de sanctions pénales et qui n'ont pas pu faire l'objet d'écritures d'annulation au cours du même exercice ou durant la période vérifiée ;

- les sommes taxées d'office sont excessives eu égard aux capacités d'exploitation réelles de la société ; le service vérificateur s'est borné à additionner les sommes portées au crédit des différents comptes bancaires de la société sans tenir compte du fait que la majeure partie des sommes créditées correspondait à des opérations d'escompte et faisait ultérieurement l'objet d'un mouvement débiteur destiné soit à constater le défaut de paiement de l'effet à son échéance, soit à transférer l'argent sur un autre compte pour tenter, à nouveau, un encaissement qui échouait lui aussi.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 7 mai et 24 juin 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 14 476 euros en droits et pénalités, correspondant à un dégrèvement accordé par l'administration, et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par l'appelante n'est fondé.

Par ordonnance du 20 octobre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au

3 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Dehors, avocat de Me B..., liquidateur judiciaire de la société Bistrot 121.

1. Considérant que Me B..., agissant en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SA Bistro 121, relève appel du jugement n° 1114211/2-3 du 5 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles ladite société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006, ainsi qu'à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels cette société a été assujettie au titre de la période allant du 1er février 2006 au 31 mai 2007 et des pénalités correspondantes ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par décision en date du 5 mai 2014, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 14 476 euros, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ; que les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant que la société Bistro 121, exerçant une activité principale de restauration traditionnelle et accessoire de traiteur et de vente de vins et spiritueux en gros, au

121 rue de la Convention dans le 15ème arrondissement de Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été rappelés au titre de la période allant du 1er février 2006 au 31 mai 2007 et des cotisations d'impôt sur les sociétés ont été mises à sa charge au titre de l'exercice du 1er avril 2005 au 30 septembre 2006 ;

4. Considérant, en premier lieu, que la société Bistro 121 a été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales faute d'avoir déposé sa déclaration de résultat, malgré la mise en demeure notifiée le 3 avril 2007 ; que si les droits de taxe sur la valeur ajoutée ont été redressés selon la procédure contradictoire pour les mois de mai et juin 2006, février, mars, juin, juillet et août 2007, la procédure de taxation d'office a été appliquée pour les autres mois d'avril 2005 à mai 2007 en raison du dépôt tardif ou de l'absence de dépôt des déclarations CA3 malgré réception de mises en demeure ; que la requérante ne conteste pas la régularité de la procédure de taxation d'office ainsi mise en oeuvre ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, dans le cas où une vérification de comptabilité d'une société a été effectuée dans ses propres locaux, il appartient au contribuable qui allègue avoir été privé d'un débat oral et contradictoire de justifier que le vérificateur se serait refusé à un tel débat ;

6. Considérant que la requérante n'apporte aucun élément à l'appui du moyen tiré de ce que le vérificateur se serait soustrait à tout débat oral et contradictoire durant la procédure de vérification dont a été l'objet la société Bistro 121, alors qu'il résulte de l'instruction qu'une première entrevue du responsable de la société avec le vérificateur, prévue initialement le 26 juillet 2007 et reportée à la demande de M.A..., PDG de la société, s'est déroulée dans ses locaux le 20 août 2007, a été suivie d'une deuxième rencontre le 16 septembre 2007 puis d'autres interventions entre le

28 septembre 2007 et le 3 mars 2008 en présence du PDG de la société et du conseil mandaté par ce dernier, et enfin d'un dernier entretien qui s'est tenu le 18 mars 2008, non plus sur place mais, à la demande du dirigeant de la société, dans les locaux de l'administration, en présence de ce dernier et de son conseil, expert comptable expressément mandaté ; que, par suite, et en tout état de cause concernant les impositions procédant d'une taxation d'office, ledit moyen doit être écarté comme non fondé ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : "Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition." ; que la charge de la preuve de l'exagération des impositions incombe à l'administration pour les droits de taxe sur la valeur ajoutée redressés selon la procédure contradictoire et au contribuable pour les redressements de l'impôt sur les sociétés et de la taxe à la valeur ajoutée relevant de la procédure de taxation d'office ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la société Bistrot 121 n'a présenté aucune comptabilité arrêtée à la clôture de l'exercice vérifié ; que le procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité remis au dirigeant de la société en mains propres le 18 septembre 2007 mentionne que les grands livres, grands livres auxiliaires fournisseurs et clients, les livres-journaux, les livres d'inventaires et les justificatifs des recettes et dépenses n'ont pas été communiqués ; qu'en l'absence de comptabilité probante, le vérificateur a ainsi procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de la société ;

9. Considérant que, pour évaluer les recettes de la société Bistrot 121, le service a additionné les encaissements crédités sur les comptes bancaires de la société à partir des relevés obtenus auprès des établissements bancaires dans l'exercice du droit de communication, qu'il a ramenés hors taxe ; qu'en ce qui concerne les charges d'exploitation, le service a retenu, pour reconstituer le résultat imposable, un taux forfaitaire de charge de 90,59% correspondant à la moyenne des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 ; qu'eu égard aux éléments dont disposait le vérificateur, cette méthode n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire ;

10. Considérant que la requérante soutient, comme elle le faisait devant le tribunal administratif, qu'une surestimation des recettes d'exploitation et de la taxe sur la valeur ajoutée collectée découlerait de ce qu'un très grand nombre de sommes créditées sur les comptes bancaires de la société correspondaient à des effets escomptés et non payés à échéance, qui auraient été rejetés par les banques avant d'être réescomptés dans d'autres établissements et de rester définitivement impayés ; que toutefois elle n'apporte aucun élément précis justifiant que le chiffre d'affaires reconstitué aurait dû être réduit au-delà des sommes déjà extournées par le service car identifiées par lui comme correspondant, pour 488 951 euros, à des remises à l'escompte finalement annulées ou pour 102 877 euros à des virements de compte à compte ; que notamment, les documents annexés au dernier mémoire de la requérante produit la veille de la clôture de l'instruction, n'opèrent pas de rapprochements précis et identifiés avec les montants mentionnés dans la proposition de rectification et ne permettent donc pas de considérer que le chiffre d'affaires reconstitué, engloberait des sommes qui auraient dû faire l'objet d'extournes et serait excessif ; que si la requérante verse, au dossier devant la Cour, un arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 juin 2010 qui corrobore ses affirmations, selon lesquelles le dirigeant de la société Bistro 121 avait été, courant 2006 et jusqu'en juillet 2007, victime de racket et d'extorsions de fonds, et avait, dans ce contexte, enregistré des fausses factures qu'il avait remises à un factor, les faits considérés comme établis par le juge pénal dans les motifs de cet arrêt et sur lesquels il fonde sa décision, ne permettent pas de déterminer si et dans quelle mesure d'autres crédits, figurant sur les relevés bancaires de la société, notamment comme des remises d'effets à l'escompte, auraient dû être exclus des bases imposables de la société Bistrot 121 ;

11. Considérant que la reconstitution de comptabilité à laquelle la requérante a fait procéder, après la clôture de l'exercice et après même la vérification de comptabilité, par un cabinet comptable, qui aboutit à un chiffre d'affaires de 1,5 millions d'euros, est dépourvue de tout caractère probant ; que si la requérante soutient que ce montant de chiffre de d'affaires serait proche de celui que la société Bistrot 121 aurait déclaré pour les exercices antérieurs à la période des agissements délictueux dont a été victime son gérant, elle ne démontre pas, ce faisant, que le chiffre d'affaires de 6 millions d'euros hors taxe reconstitué par le service serait, comme elle le soutient, excessif ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me B..., agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Bistrot 121 n' est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de prononcer la décharge des impositions maintenues à la charge de cette société et restant en litige ; que les conclusions à fin de décharge desdites impositions doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Me B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer, à hauteur du dégrèvement accordé le 5 mai 2014, sur la requête de Me B..., agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Bistrot 121.

Article 2 : Le surplus de la requête de Me B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... B..., en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Bistrot 121 et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2015, où siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2015

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA00190


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00190
Date de la décision : 16/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP DEHORS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-16;14pa00190 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award