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15/12/2015 | FRANCE | N°15PA01825

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 15 décembre 2015, 15PA01825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1409027/9 du 15 avril 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2015, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409027/9 du 15 avril 2015 du Tribunal adminis

tratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision implicite contestée ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1409027/9 du 15 avril 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2015, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409027/9 du 15 avril 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision implicite contestée ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet de Seine-et-Marne n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- la décision attaquée méconnait l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il répond aux critères d'intensité avec la France exigés eu égard aux liens personnels et familiaux qu'il a en France, ses conditions d'existence, son insertion de la société française et les liens particulièrement ténues qu'il entretient avec sa famille restée dans son pays d'origine ;

- la décision attaquée méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de sa présence en France depuis six ans et d'une qualification professionnelle ;

- la décision attaquée méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme dès lors que sa vie privée et professionnelle se trouve en France depuis six ans ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, en son article 55 ;

- la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., ressortissant marocain né le 20 août 1984, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié auprès du préfet de Seine-et-Marne par lettre recommandée du 21 mai 2014, réceptionnée le 23 mai 2014 ; que, par un courrier du 28 juillet 2014, le préfet de Seine-et-Marne lui a demandé des pièces complémentaires ; que ces pièces lui ont été adressées par courrier du 11 aout 2014 ; qu'il n'a pas été donné suite à cette demande ; qu'une décision implicite de rejet est, dès lors, née le 23 septembre 2014 en application du délai prévu par l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. B...relève appel du jugement n° 1409027/9 du 15 avril 2015, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de titre de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant. Le préfet peut également prescrire : 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ; 2° Que la demande de carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " soit déposée auprès des établissements d'enseignement ayant souscrit à cet effet une convention avec l'Etat. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de titre de séjour, il est nécessaire, sauf si l'une des exceptions définies à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité est applicable, que l'intéressé se présente physiquement à la préfecture ; qu'à défaut de disposition expresse en sens contraire, une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en méconnaissance de la règle de présentation personnelle du demandeur en préfecture fait naître, en cas de silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois, délai fixé par l'article R. 311-12 du même code, une décision implicite de rejet susceptible d'un recours pour excès de pouvoir ; que si, en pareille circonstance, le préfet n'est pas en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour et peut, le cas échéant, procéder à la régularisation de la situation de l'intéressé, toutefois, lorsque le refus de titre de séjour est fondé à bon droit sur l'absence de comparution personnelle du demandeur, ce dernier ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour, de moyens autres que ceux tirés d'un vice propre de cette décision ;

3 Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Seine-et-Marne aurait fondé sa décision sur l'absence de présentation personnelle de l'intéressé devant les services préfectoraux ; que, par suite, M. A...peut soulever à l'encontre de la décision implicite de rejet attaquée tout moyen ; que, toutefois, M. A...n'a pas sollicité la communication des motifs de cette décision ; qu'au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande n'aurait pas fait l'objet d'un examen circonstancié de sa situation personnelle, notamment dans la mesure où le préfet a sollicité, par un courrier du 28 juillet 2014, des pièces complémentaires pour lui " permettre de statuer en toute connaissance de cause " sur les droits éventuels au séjour de l'intéressé ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que sa demande n'aurait pas fait l'objet d'un examen personnalisé ; que, dés lors, le moyen tiré du défaut d'examen personnel de sa demande doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

6. Considérant que M. B...fait valoir la durée de son séjour ainsi que l'intensité des liens qu'il a tissé en France et son intégration à la société française notamment par son activité professionnelle ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B...était titulaire d'un titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " du 31 juillet 2008 au 30 juillet 2011 par lequel il s'est engagé à maintenir sa résidence habituelle hors de France pendant cette période ; qu'il n'établit pas la stabilité et la continuité de son séjour en France ; que si le requérant produit plusieurs attestations de son oncle et de diverses connaissances témoignant de sa volonté de s'intégrer à la société française, il n'établit pas cette intégration par d'autres éléments probants ; que, notamment, il ne produit aucun document relatif à son activité entre octobre 2011 et septembre 2014 ; qu'au demeurant, M.B..., célibataire et sans charge de famille en France, n'établit pas être dépourvu de liens dans son pays d'origine, où il a résidé jusqu'à l'âge de 24 ans et où résident ses parents et sa fratrie ; que, dès lors, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas méconnu les dispositions et stipulations précitées et le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de M.B... ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

8. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article

L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que s'il fait valoir qu'il réside en France depuis le 29 juillet 2008 et qu'il occupe un emploi en qualité de maçon depuis le 2 janvier 2014, il n'établit pas la continuité et la stabilité de son séjour entre août 2011 et janvier 2014, tel qu'il a été vu au point 6 ; qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'il bénéficierait d'une expérience ou d'une qualification professionnelle ; qu'au demeurant, à la date de la décision contestée, son embauche était récente ; que, par suite, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant implicitement de l'admettre au séjour en qualité de salarié ;

10. Considérant, enfin, que M. B...ne saurait invoquer utilement les stipulations de l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme, qui ne figure pas au nombre des textes diplomatiques ayant été ratifiés ou approuvés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetée ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité l'aide juridictionnelle et que, par suite, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne lui sont pas applicables ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 décembre 2015.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01825
Date de la décision : 15/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : NOMENYO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-15;15pa01825 ?
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