Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Province Nord a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner solidairement les entreprises Perspective, Pacific Project, ITCE, Entreprise des Travaux du Nord (ETN) et TCN à lui verser la somme totale de 64 219 609 francs CFP avec intérêts au taux légal en réparation des désordres affectant un logement de fonction à Ouégoa.
Par un jugement avant dire droit n° 1100425 du 14 juin 2012, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a décidé qu'il serait, avant de statuer sur la requête, procédé à une expertise.
Par un jugement n° 1100425 du 7 juillet 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a mis hors de cause la société Pacific Project, a condamné la société ITCE à verser à la Province Nord la somme de 12 887 014 francs CFP, la société Perspective à lui verser la somme de 10 739 178 francs CFP, la société ETN à lui verser la somme de 6 443 507 francs CFP et la société CTN à lui verser la somme de 2 147 836 francs CFP, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2011, et a mis les frais d'expertise à la charge de ces sociétés à hauteur de 75 %.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée par télécopie le 6 novembre 2014, régularisée le 12 novembre 2014 par la production de l'original, la société ETN, représentée par Me F..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du 7 juillet 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en ce qu'il l'a condamnée à verser à la Province Nord la somme de 6 443 507 francs CFP avec intérêts au taux légal, et en ce qu'il a pour partie mis à sa charge les frais d'expertise ;
2°) de rejeter la demande présentée à son encontre par la Province Nord devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise complémentaire ;
4°) à titre subsidiaire, de réduire sa part de responsabilité à 5 % au maximum et de réduire le montant des préjudices de 11 100 000 francs CFP ;
5°) de mettre à la charge de la Province Nord ou de tout succombant le versement de la somme de 400 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et le versement de la somme de 400 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles engagés en appel, ainsi que les dépens et les frais de l'expertise ordonnée en première instance.
Elle soutient que :
- pour retenir sa responsabilité à hauteur de 15 %, le tribunal administratif a estimé qu'elle était en charge du contrôle de fond de fouille, ce qui n'était pas le cas ; sa seule obligation imposée par le CCTP consistait en la purge du matériau en place sur une hauteur de deux mètres, ce qui a été réalisé ; elle ne disposait pas des compétences nécessaires pour apprécier les caractéristiques géomécaniques des sols, en assise des remblais de substitution, que seule une étude géotechnique aurait mises en évidence ;
- elle n'a jamais été informée par la maîtrise d'oeuvre de ce que l'implantation des villas avait été modifiée, ce qui a constitué la cause déterminante du dommage ;
- la responsabilité ne se situe pas dans l'exécution du marché mais dans la conception du système de fondation et de drainage ;
- le système de drainage n'a pu constituer la cause du dommage ;
- l'expert ne pouvait retenir qu'elle aurait utilisé des matériaux hétérogènes pour le remblai de substitution et donc qu'elle n'aurait pas respecté le CCTP ;
- il ne pouvait retenir qu'elle était tenue à un devoir de conseil et d'expertise géotechnique notamment pour le système de drainage, même si elle lui avait signalé que les drains projetés étaient " une hérésie en termes géotechniques " ;
- il ne pouvait retenir qu'elle n'aurait pas suffisamment vérifié le support ;
- elle n'a jamais été informée par la maîtrise d'oeuvre de ce que le terrain avait été bouleversé et profondément remanié par la société Dumez ;
- à la suite de ce remaniement, aucune nouvelle étude de sol n'a été réalisée, la maîtrise d'oeuvre se bornant à prescrire un remblai de substitution de deux mètres, ce qui se révélera insuffisant ;
- la société a réalisé les travaux de terrassement et de substitution suivant un plan d'implantation qui figurait au dossier de marché de travaux fourni par la maîtrise d'oeuvre ; le plan conceptuel et la technique mise en oeuvre s'imposaient à elle ;
- elle n'a pu discuter contradictoirement devant l'expert la part de responsabilité qu'il lui a imputée dans son rapport définitif, soit 25 %, seul un pré-rapport fixant cette part de responsabilité à 5 % lui ayant été transmis ; le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen qu'elle lui avait soumis sur ce point ;
- il convient de procéder à une nouvelle expertise avant dire droit ;
- la part de responsabilité de la société ne saurait en tout état de cause excéder 5 % ;
- l'évaluation du préjudice dans le jugement du tribunal administratif est erronée, dans la mesure où elle intègre une somme de 9 500 000 francs CFP correspondant à la réalisation de pieux battus imposés par la nature du sol, augmentée de 600 000 francs CFP correspondant aux études y afférentes, alors que ce mode de construction est rendu nécessaire par la nature du sol depuis son remaniement par la société Dumez indépendamment du sinistre en discussion.
Par deux mémoires, enregistrés l'un le 24 février 2015, et l'autre par télécopie le 11 août 2015, régularisé le 17 août 2015 par la production de l'original, la société Perspective, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société ETN ;
2°) par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement du 7 juillet 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) de rejeter la demande présentée par la Province Nord devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie contre le groupement de maitrise d'oeuvre ;
4°) de mettre à la charge de la société ETN le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société ETN ne sont pas fondés ;
- elle s'associe à l'appel provoqué de la société ITCE.
Par deux mémoires, enregistrés par télécopie les 21 avril et 27 juillet 2015, régularisés les 29 avril et 4 août 2015 par la production de l'original, la société CTN, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement du 7 juillet 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en ce qu'il l'a condamnée à verser à la Province Nord la somme de 2 147 836 francs CFP avec intérêts au taux légal, et en ce qu'il a pour partie mis à sa charge les frais d'expertise ;
2°) de rejeter toutes les conclusions présentées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des préjudices de 11 100 000 francs CFP ;
4°) de mettre à la charge de la Province Nord ou de tout succombant le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et le versement de la somme de
3 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel, ainsi que les dépens et les frais de l'expertise ordonnée en première instance.
Elle soutient que :
- sa responsabilité décennale n'est pas engagée ;
- l'évaluation du préjudice dans le jugement du tribunal administratif est erronée ;
- la fin de non-recevoir soulevée par la Province Nord doit être écartée ; le représentant de la société ETN n'est en effet pas tenu de produire une habilitation ; cette société est d'ailleurs représentée par un avocat.
Par trois mémoires, enregistrés les 29 juin, 27 juillet et 7 octobre 2015, la société ITCE, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement du 7 juillet 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en ce qu'il l'a condamnée à verser à la Province Nord la somme de 12 887 014 francs CFP avec intérêts au taux légal, et en ce qu'il a pour partie mis à sa charge les frais d'expertise ;
2°) de rejeter toutes les conclusions présentées à son encontre ;
3°) de rejeter la requête de la société ETN ;
4°) de mettre à la charge de la société ETN ou de tout succombant le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- les fautes de la Province Nord ont été prépondérantes dans la survenance du dommage ;
- l'absence de contrôle de fouilles et la défectuosité du drainage révèlent des fautes de la société ETN ;
- à titre subsidiaire, le partage des responsabilités doit être confirmé ;
- toute condamnation supplémentaire doit être mise à la charge de la Province Nord ;
- la demande d'expertise complémentaire de la société ETN doit être rejetée ;
- la fin de non-recevoir soulevée par la Province Nord doit être écartée ;
- la requête d'appel de la société ETN visait en effet à la réformation générale du jugement.
Par trois mémoires en défense, enregistrés par télécopie le 7 juillet, 24 juillet et 10 septembre 2015, régularisés les 9 juillet, 27 juillet et 14 septembre 2015, par la production des originaux, la Province Nord, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société ETN ;
2°) de rejeter les appels provoqués de la société Perspective, de la société CTN et de la société ITCE ;
3°) de mettre à la charge de chacune des sociétés ETN, CTN et ITCE le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le représentant de la SAS ETN ne justifie pas de sa qualité pour la représenter ; sa requête d'appel est donc irrecevable ;
- les moyens qu'elle invoque à l'encontre du jugement du tribunal administratif ne sont pas fondés ;
- sa demande d'expertise complémentaire doit être rejetée ;
- les appels de la société CTN, de la société ITCE et de la société Perspective sont irrecevables en conséquence de l'irrecevabilité de l'appel de la société ETN ;
- l'appel de la société ETN ne visait que l'article 4 du jugement ; la société CTN n'est donc pas recevable à en contester l'article 5 ; la société ITCE n'est pas recevable à en contester l'article 2 ; la société Perspective n'est pas recevable à contester l'intégralité de ce jugement ;
- la société ETN n'a pas présenté de conclusions à l'encontre de la société CTN dont l'argumentation est sans lien avec la requête d'appel ;
- les moyens invoqués par la société CTN à l'encontre du jugement du tribunal administratif ne sont pas fondés ;
- la société ETN n'a pas présenté de conclusions à l'encontre de la société ITCE dont l'argumentation est sans lien avec la requête d'appel ;
- la société ITCE n'est pas recevable à contester sa responsabilité pour la première fois en cause d'appel ;
- les moyens invoqués par la société ITCE à l'encontre du jugement du tribunal administratif ne sont pas fondés ;
Par ordonnance du 15 septembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée portant réglementation des marchés publics ;
- la délibération de la commission permanente du congrès n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant les cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de fournitures courantes et de services passés en application de la délibération modifiée n° 136 du 1er mars 1967 ;
- l'annexe 1 à la délibération n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet, rapporteur,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de Me A...pour la Province Nord,
- et les observations de Me E...pour la société ITCE.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Province Nord a fait réaliser, à Ouégoa, un ensemble scolaire comprenant un collège, un internat et trois villas de fonction ; qu'après réception des travaux de construction des villas, la villa dite n° 2 a présenté de graves désordres qui l'ont rendue impropre à sa destination ; que la Province Nord a recherché, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la responsabilité du groupement constitué par les sociétés Perspective, Pacific Project et ITCE, chargé de la maîtrise d'oeuvre de l'ensemble scolaire par le marché n° 2002-099 du 3 août 2002, de la société Entreprise des Travaux du Nord (ETN) qui était chargée des travaux de terrassement par le marché n° 2005-152 du 6 janvier 2006, et de la société CTN, mandataire du groupement d'entreprises chargé de la construction des trois villas par le marché n° 2006-074 du 21 juillet 2006 ; que, par un jugement avant dire droit du 14 juin 2012, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a décidé qu'il serait, avant de statuer sur sa demande, procédé à une expertise ; que, par un jugement du 7 juillet 2014, le tribunal a mis hors de cause la société Pacific Project, a laissé un quart des désordres, évalués à la somme de 42 956 712 francs CFP, à la charge de la Province Nord, a condamné la société ITCE à lui verser la somme de 12 887 014 francs CFP correspondant à 30 % des désordres, la société Perspective à lui verser la somme de 10 739 178 francs CFP correspondant à 25 % des désordres, la société ETN à lui verser la somme de 6 443 507 francs CFP correspondant à 15 % des désordres, et la société CTN à lui verser la somme de 2 147 836 francs CFP correspondant à 5 % des désordres, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2011, et a mis les frais d'expertise à la charge de ces sociétés à hauteur de 75 % ; que la société ETN fait appel de la condamnation prononcée à son encontre par le jugement du 7 juillet 2014 ; que la société Perspective demande à la Cour, par la voie de l'appel provoqué, d'annuler ce jugement ; que les sociétés ITCE et CTN demandent à la Cour, par la voie de l'appel provoqué, de réformer ce même jugement en ce qu'il les a condamnées ;
Sur la requête de la société ETN :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la société ETN, le tribunal administratif a expressément répondu à l'ensemble des moyens qu'elle avait invoqués en première instance, notamment à celui qu'elle avait tiré du caractère selon elle non contradictoire de l'expertise s'agissant de sa part de responsabilité ; que le bien-fondé de la réponse qu'il a apportée à ce moyen est sans incidence sur la régularité de son jugement ; qu'ainsi, ce jugement est suffisamment motivé ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aucun texte, ni aucun principe ne faisait obligation à l'expert de soumettre aux parties son rapport définitif évaluant à 25 % la part de responsabilité de la société ETN, avant son dépôt au greffe du tribunal administratif ; que la société n'est donc pas fondée à faire état pour ce motif, du caractère selon elle non contradictoire de l'expertise s'agissant de sa part de responsabilité, pour soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu sur une procédure irrégulière ;
En ce qui concerne le surplus des conclusions de la société ETN :
4. Considérant, en premier lieu, que la société ETN ne conteste pas que les désordres qui affectent la villa dite n° 2 la rendent impropre à sa destination ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert que les désordres qui affectent la villa dite n° 2 résultent du déplacement du projet de constructions, initialement prévu sur une parcelle située " en aval " qui avait fait l'objet d'une étude géotechnique en 2003, sur un autre terrain situé " en amont " remblayé après des prélèvements effectués par l'entreprise Dumez en 2004, présentant compte tenu de l'hétérogénéité de sa composition, un risque de tassements différentiels, et dont la portance n'avait pas été vérifiée après ces prélèvements par un nouveau contrôle géotechnique, ainsi que du choix inadapté de fondations superficielles, de défauts dans la conception et dans la réalisation du système de drainage, et de malfaçons dans la réalisation des poutres, des bétons et du ferraillage ;
6. Considérant que, pour mettre à la charge de la société ETN 15 % des désordres, le tribunal administratif a estimé qu'étant en charge des remblais de substitution et du drainage, elle était tenue de contrôler le fond de fouille avant la réalisation des remblais de substitution et d'alerter le maître d'oeuvre et le maître de l'ouvrage sur les difficultés rencontrées ; qu'il a également estimé qu'à supposer même qu'elle n'ait jamais été expressément informée par la maîtrise d'oeuvre que l'implantation des villas avait été modifiée et que le terrain avait été bouleversé par les prélèvements de l'entreprise Dumez, ce bouleversement n'avait pu échapper à son expertise, et qu'elle avait engagé sa responsabilité en acceptant de construire des fondations superficielles sur un remblai de substitution, lui-même réalisé sur un terrain hétérogène présentant un risque de tassements différentiels, sans alerter le maître d'oeuvre et le maître de l'ouvrage ; qu'il a enfin estimé qu'elle avait également engagé sa responsabilité en ayant failli dans sa mission de mise en place de dispositifs de drainage ;
7. Considérant que, si la société conteste avoir été en charge du contrôle de fond de fouille et avoir été dans l'obligation d'alerter le maître d'oeuvre et le maître de l'ouvrage, il résulte du paragraphe 4.0 du CCTP que l'entrepreneur est réputé " avoir apprécié toutes les conditions d'exécution des travaux, et s'être parfaitement rendu compte de leur nature, de leur importance et de leurs particularités ", " avoir procédé à une visite détaillée des lieux et avoir pris une parfaite connaissance de toutes les conditions physiques et de toutes les sujétions relatives aux lieux des travaux ", ce qui impliquait, ainsi que l'expert l'a relevé en page 44 de son rapport, " d'analyser et de contrôler le support avant le commencement des travaux " et d'en rendre compte au maitre d'oeuvre et au maitre d'ouvrage ; que, si elle fait état d'erreurs dans la conception du système de fondations et du système de drainage, elle ne soutient pas en avoir informé le maitre d'oeuvre et le maitre d'ouvrage ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'expert et le tribunal administratif n'ont pas retenu qu'elle aurait utilisé elle-même des matériaux hétérogènes pour le remblai de substitution en ne respectant pas le CCTP, mais seulement qu'elle aurait du informer le maitre d'oeuvre et le maitre d'ouvrage de la présence de ces matériaux sous le remblai qu'elle a réalisé ; qu'elle ne démontre pas qu'en laissant 25 % des désordres à la charge de la Province Nord et en mettant 30 % des désordres à la charge de la société ITCE, notamment en raison de l'absence d'étude géotechnique, le tribunal administratif aurait sous-estimé leurs responsabilités respectives de ce fait ; qu'ainsi que le tribunal administratif l'a jugé à bon droit, à supposer même qu'elle n'ait jamais été expressément informée par la maîtrise d'oeuvre que l'implantation des villas avait été modifiée, le bouleversement du terrain à la suite des prélèvements de l'entreprise Dumez, n'a pu échapper à son expertise ; qu'à supposer qu'elle ait entendu contester avoir mal positionné les drains, elle n'assortit cette contestation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'elle n'est donc pas fondée à contester le jugement du tribunal administratif en ce qu'il a mis à sa charge 15 % des désordres ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte du jugement du 7 juillet 2014 que, pour fixer à 42 956 712 francs CFP le montant total des désordres, le tribunal administratif s'est fondé sur le coût de la sécurisation des lieux, évalué à 865 000 francs CFP, sur une perte de loyers évaluée à 1 500 000 francs CFP, et sur le coût de la reconstruction de la villa n° 2, évalué par l'expert à 40 591 712 francs CFP compte tenu de la nécessité de fondations sur pieux pour un coût de 9 500 000 francs CFP, et des études y afférentes pour un coût de 600 000 francs CFP ; que, si la société soutient que ces fondations sont imposées par la nature du sol depuis son remaniement par l'entreprise Dumez ETN, elle n'en conteste pas la nécessité ; qu'elle n'est donc pas fondée à contester la prise en compte de cette dépense ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à sa requête par la Province Nord, ni d'ordonner une expertise complémentaire, la société ETN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a retenu qu'elle avait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité à hauteur de 15 %, des désordres constatés, et l'a condamnée à indemniser dans cette mesure la Province Nord du préjudice subi ;
Sur les appels provoqués de la société Perspective, de la société CTN et de la société ITCE :
10. Considérant que les conclusions de la société Perspective tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 7 juillet 2014 et les conclusions des sociétés CTN et ITCE tendant a ce qu'elles soient déchargées des condamnations prononcées à leur encontre par ce jugement, ont été présentées après l'expiration du délai d'appel ; que le présent arrêt n'emporte aucune aggravation de la situation de ces sociétés ; que leurs conclusions présentées par la voie de l'appel provoqué ne sont donc pas recevables ;
Sur les dépens :
11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les conclusions des sociétés ETN, CTN et ITCE relatives aux dépens ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre globalement à la charge des sociétés ETN, CTN et ITCE, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Province Nord en appel et non compris dans les dépens ;
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Province Nord, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la société ETN demande au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
14. Considérant que les conclusions des sociétés ETN, CTN, ITCE et Perspective parties perdantes dans la présente instance, tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société ETN est rejetée.
Article 2 : L'appel provoqué de la société ITCE est rejeté.
Article 3 : L'appel provoqué de la société Perspective est rejeté.
Article 4 : L'appel provoqué de la société CTN est rejeté.
Article 5 : La société ETN, la société ITCE et la société CTN verseront globalement à la Province Nord une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise des Travaux du Nord, à la Province Nord, à la société Perspective, à la société ITCE et à la société CTN.
Copie en sera adressée, pour information, au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 novembre 2015.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA04579
Classement CNIJ :
C