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16/11/2015 | FRANCE | N°15PA02800

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 16 novembre 2015, 15PA02800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502349/2-2 du 15 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. D...un titre de séjour portant la mention vie priv

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502349/2-2 du 15 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. D...un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. D...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le tribunal a statué ultra petita ou du moins commis une erreur de droit en annulant l'ensemble de l'arrêté du 28 janvier 2015 y compris le refus de titre de séjour alors que le requérant n'avait présenté de conclusions qu'à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire contenue dans cet arrêté ;

- le tribunal s'est à tort fondé sur les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et sur l'article L112-4 du code de l'action sociale et des familles pour annuler l'arrêté attaqué alors que celui-ci ne fait pas par lui-même obstacle à ce que le fils du requérant continue à recevoir des soins en France et à ce que son père reste auprès de lui ;

- en tout état de cause les certificats médicaux produits ne suffisent pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, à contredire utilement l'avis du médecin-chef selon lequel d'une part le défaut de prise en charge de l'enfant n'entrainerait pas pour celui-ci des conséquences d'une exceptionnelle gravité et d'autre part sa prise en charge pourrait avoir lieu en Tunisie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2015, M.D..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les autres moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Labetoulle, rapporteur.

1. Considérant que M. D..., ressortissant tunisien né en 1973 et entré en France accompagné de son fils mineur le 12 août 2013 sous couvert d'un visa de court séjour " C ", a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " accompagnant d'étranger malade " sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par l'arrêté attaqué du 28 janvier 2015, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire et d'une décision fixant le pays de destination ; que saisi par M.D..., le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté par jugement du 15 juin 2015 dont le préfet de police interjette appel ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M.D... :

2. Considérant qu'il est constant que le jugement attaqué a été lu le 15 juin 2015 et notifié aux parties le même jour ; que le préfet de police en ayant accusé réception le 16 juin 2015 le délai de recours expirait le 17 juillet suivant ; que la requête ayant été enregistrée au greffe de la cour à cette date a ainsi été présentée le dernier jour du délai de recours et n'est donc pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par M. D...doit par suite être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que dans sa requête de première instance M. D...ne présentait de conclusions à fins d'annulation qu'à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire contenue dans l'arrêté du 28 janvier 2015 et non à l'encontre du refus de titre de séjour contenu dans le même arrêté ; que le jugement attaqué, dans ses visas, et au considérant 1 de son jugement, analyse d'ailleurs cette requête comme dirigée contre cette seule obligation de quitter le territoire français ; que néanmoins il prononce ensuite l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2015 dans sa totalité ; que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que le tribunal a excédé les limites des conclusions dont il était saisi et a statué ultra petita ; que par suite son jugement doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la requête présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu' il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

6. Considérant que si le médecin-chef du service médical de la préfecture de police, dans son avis en date du 18 juin 2014, indique que l'état de santé du fils de M. D... nécessite une prise en charge médicale mais que le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que la présence en France de son père à ses côtés n'est pas indispensable, ces indications sont contredites par plusieurs attestations de praticiens versées au dossier ; qu'il ressort notamment d'un certificat du 8 janvier 2014 d'un praticien de l'hôpital Robert Debré que l'état de santé de cet enfant qui présente une pathologie grave congénitale nécessite selon lui " une prise en charge médico-chirurgicale en France ; ce traitement ne peut être dispensé dans le pays dont il est originaire en Tunisie et le défaut de traitement pourrait entrainer des conséquences fonctionnelles irréversibles ; compte tenu de l'âge d'Amine et de son état de santé, la présence de son père à ses côtés en France est obligatoire " ; que de même une autre attestation d'un praticien, en date du 30 avril 2014 indique que l'enfant " présente une pathologie grave congénitale qui nécessite des soins en France, réguliers et lourds, dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le retour dans son pays d'origine est impossible et nuirait gravement à sa santé " ; qu'enfin l'attestation établie par un praticien de l'hôpital de Saint- Maurice, le 4 février 2015, qui bien que postérieur au demeurant de quelques jours à l'intervention de la décision attaquée, peut servir à décrire l'état de santé de l'enfant, dresse les perspectives de soins à moyen terme en indiquant que sont prévus divers bilans et que sont envisagées des injections de toxine botulique dans quatre muscles du membre supérieur droit qui devront être suivies d'une rééducation kinésithérapique ou ergothérapique spécialisés pendant six mois et que les projets d'évaluation et de thérapeutique ainsi envisagés ne sont pas accessibles dans le pays d'origine de la famille ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments et compte tenu tant des soins nécessaires à son fils que du besoin pour celui-ci d'avoir son père à ses côtés, M. D...est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...est fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté en date du 28 janvier 2015 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant qu'eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée implique nécessairement que le préfet de police réexamine la situation de M. D...et se prononce à nouveau sur sa demande de titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement du l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°152349 du 15 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de police de Paris du 28 janvier 2015 est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. D...une obligation de quitter le territoire français.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. D...dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. Khatalliune somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de première isntance de M. D...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...Khatalliet au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

-Mme Fuchs, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2015.

Le rapporteur,

M-E...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02800
Date de la décision : 16/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BENMAJED

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-16;15pa02800 ?
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