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28/09/2015 | FRANCE | N°15PA00260

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 28 septembre 2015, 15PA00260


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2015, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me B... ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403927/10 du 15 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 25 mars 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la me

ntion " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à titre subsidiaire, une autorisation...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2015, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me B... ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403927/10 du 15 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 25 mars 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois, prorogée si nécessaire jusqu'à la fin du mois qui suit le mois au cours duquel sera notifié l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur la substitution de base légale opérée par le tribunal administratif dans son jugement ;

- le préfet a méconnu les dispositions de la loi du 12 avril 2000 ; le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ;

- le préfet a insuffisamment motivé sa décision ;

- le préfet a méconnu la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ; le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ;

- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le préfet a entaché sa décision d'un détournement de procédure ;

- le préfet ne pouvait se fonder sur le fait qu'il n'était pas titulaire d'un visa de long séjour ;

- le préfet ne pouvait se fonder sur le fait qu'il n'avait pas d'attaches familiales en France ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2015 :

- le rapport de M. Niollet, président-rapporteur,

- et les observations de MeB..., pour M. C...;

1. Considérant que M. C..., ressortissant marocain, né le 4 juin 1972 à Oujda (Maroc), entré en France, selon ses déclarations, le 8 janvier 2003, a sollicité la régularisation de sa situation administrative dans le cadre de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ; que, par un arrêté du 25 mars 2014, le préfet du Val-de-Marne a opposé un refus à sa demande en se référant à cette circulaire et en se fondant sur les dispositions des articles L. 314-1, L. 313-10, L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté et a fixé le pays de sa destination ; que M. C... relève régulièrement appel du jugement n° 1403927/10 du 15 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) " ; que l'article 9 du même accord stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;

4. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l 'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

5. Considérant que, pour rejeter la requête de M.C..., le Tribunal administratif de Melun a notamment considéré que le préfet ne pouvait, pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", se fonder sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il convenait de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir dont dispose le préfet de régulariser ou non la situation d'un étranger ; qu'il ne ressort ni des énonciations du jugement attaqué ni du dossier des premiers juges que les parties auraient été préalablement mises à même de présenter des observations sur la substitution de base légale à laquelle le tribunal administratif a ainsi entendu procéder ; qu'il résulte de ce qui précède M. C...est fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque a été rendu sur une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif ;

Sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif :

7. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles le préfet s'est fondé ; que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit donc être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, à supposer que M. C...ait entendu faire état d'un vice de procédure, notamment au regard des dispositions de la loi du 12 avril 2000, qu'il n'assortit sa contestation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté attaqué que le préfet aurait négligé de faire usage de son pouvoir discrétionnaire ou qu'il ne se serait pas livré à un examen circonstancié de la situation de M.C... ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus, M. C...ne peut utilement invoquer les dispositions des articles L. 313-10 et

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir que le préfet ne pouvait se fonder sur les circonstances qu'il n'était pas titulaire d'un visa de long séjour et qu'il ne justifiait pas de son ancienneté dans son emploi ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge ; qu'ainsi, et en tout état de cause, M. C...ne saurait se prévaloir de la méconnaissance de certaines mentions de cette circulaire ;

12. Considérant, en sixième lieu, que M. C...ne saurait utilement contester l'arrêté attaqué en ce qu'il lui refuse la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et d'une carte de résident, en soutenant qu'il n'avait demandé que la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ; que, contrairement à ce qu'il soutient, le préfet ne s'est fondé sur la circonstance qu'il n'avait pas d'attache familiale en France et sur l'absence de preuve de sa présence sur le territoire français pour la période allant de février 2006 à juillet 2008, que pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et non pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ;

13. Considérant, en septième lieu, que le moyen que M. C...tire d'un détournement de procédure, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. C...doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403927/10 du Tribunal administratif de Melun du 15 décembre 2014 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C...devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 septembre 2015.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA0260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00260
Date de la décision : 28/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : MATTY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-09-28;15pa00260 ?
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