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24/09/2015 | FRANCE | N°14PA02945

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 24 septembre 2015, 14PA02945


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 28 juillet 2014, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401650/1-1 du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. D...A...E...A..., d'une part en annulant l'arrêté du 30 décembre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, en lui enjoignant de lui délivrer un titre de séjour su

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 28 juillet 2014, présentés par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401650/1-1 du 4 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. D...A...E...A..., d'une part en annulant l'arrêté du 30 décembre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, en lui enjoignant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois, et enfin, en mettant à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté comme ayant méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : s'il est constant que M. A... souffre d'une hépatite chronique C active avec fibrose évoluée, le médecin chef a estimé le 15 avril 2013, au vu de l'ensemble des informations en sa possession, tant en ce qui concerne la pathologie, le suivi de l'intéressé et la disponibilité de son traitement en Egypte, que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Egypte ; contrairement aux énonciations du jugement, les documents qui ont été produits par M. A... ne sont pas susceptibles de remettre en cause les conclusions du médecin chef selon lesquelles l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié en Egypte en ce que le certificat médical du docteur Lebray du 24 mai 2012 a été rédigé onze mois avant l'avis du médecin chef en date du 15 avril 2013 ; il produit des documents suffisamment pertinents attestant notamment de l'existence à la fois de médicaments et de structures médicales susceptibles d'assurer le traitement et le suivi médical de l'intéressé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2014, régularisé le 26 mai 2015, présenté pour M.A..., par MeC..., qui conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que son état de santé justifiait la délivrance d'un titre de séjour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2015, le rapport de M. Polizzi, président assesseur ;

1. Considérant que M. D...A...E...A..., de nationalité égyptienne, né le 28 octobre 1973, est entré en France le 25 novembre 2006 selon ses déclarations ; que M. A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour dans le cadre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par une décision du 30 décembre 2013, le préfet de police a rejeté sa demande ; que par un jugement du 4 juin 2014 dont le préfet de police demande l'annulation, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision comme ayant méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions du préfet de police dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Paris :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;

3. Considérant qu'il est constant que M. A... est atteint d'une hépatite C chronique active avec fibrose évoluée ; que, par un avis du 15 avril 2013, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existait un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, pour contester cette appréciation, M. A... se borne à produire deux certificats médicaux, l'un du 6 janvier 2010, l'autre du 24 mai 2012, d'un médecin gastroentérologue de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, certifiant que M. A...étant non répondeur au traitement antiviral à base d' " Interféron " et de " Ribavirine ", un nouveau traitement d'une durée d'au moins un an doit lui être octroyé ; que ce certificat médical a été rédigé plus d'un an avant la date de l'arrêté attaqué ; que si M. A... soutient que son nouveau traitement n'est pas disponible en Egypte, il ne verse aucune pièce à l'appui de cette allégation ; qu'il ressort en revanche de la documentation produite par le préfet de police en première instance, et non utilement discutée devant le tribunal et devant la Cour, que des centres de traitement de l'hépatite C existent en Egypte ; que, par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a retenu ce moyen pour annuler l'arrêté du 30 décembre 2013 du préfet de police ;

4. Considérant que saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés dans le cadre de l'appel et de la première instance ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2013 :

5. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M. A..., aucune disposition n'impose au préfet de communiquer à l'intéressé l'avis du médecin chef du service de la préfecture de police ; que si M. A... soutient que cet avis n'ayant pas été produit, il n'est pas possible de vérifier qu'il est conforme aux dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, le préfet a produit devant le tribunal cet avis, rendu sur le fondement de l'arrêté du 9 novembre 2011 en vigueur à la date de l'arrêté attaqué ; qu'enfin, dès lors que l'arrêté attaqué fait référence à l'avis du médecin chef, il n'avait pas à mentionner les raisons pour lesquelles le préfet a considéré que le requérant peut bénéficier d'un traitement approprié de sa maladie en Egypte ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit au point 3., le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que M. A...allègue sans l'établir être entré en France en 2006 ; qu'il n'apporte aucune précision ni justification quant aux liens sociaux qu'il soutient avoir tissés en France ; qu'en revanche, il ressort des pièces du dossier que sa femme ainsi que son fils résident en Egypte, pays qu'il aurait quitté au plus tôt à l'âge de 33 ans ; qu'il est constant qu'il détient l'ensemble de ses attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et nonobstant l'emploi de menuisier qu'il exerçait en France depuis trois ans à la date de l'arrêté attaqué, celui-ci ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté, en ce qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 30 décembre 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 4 juin 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... A...E...A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A... présentées devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. D... A...E...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 septembre 2015.

Le rapporteur,

F. POLIZZILe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA02945


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02945
Date de la décision : 24/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : REDILEX AVOCATS FERDI-MARTIN PREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-09-24;14pa02945 ?
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