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31/07/2015 | FRANCE | N°15PA01038

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 31 juillet 2015, 15PA01038


Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2015, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1421171/3-1 du 27 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part annulé son arrêté en date du 3 septembre 2014 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B... en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et en fixant son pays de destination, d'autre part, enjoint à ses services de réexaminer la situation de l'intéressée et conda

mné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 ...

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2015, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1421171/3-1 du 27 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part annulé son arrêté en date du 3 septembre 2014 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A...B... en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et en fixant son pays de destination, d'autre part, enjoint à ses services de réexaminer la situation de l'intéressée et condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il fait valoir que :

- c'est à tort que, pour refuser de soumettre le cas de Mme B... à la commission du titre de séjour, il a retenu que le séjour en France de l'intéressée de 2003 à 2010, sous couvert d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, ne pouvait s'assimiler à une résidence habituelle au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle avait le loisir de retourner dans son pays d'origine durant chaque période de vacances ;

- l'intéressée n'établit pas résider de manière continue et habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué de sorte que son cas n'avait pas à être soumis, pour avis, à la commission du titre de séjour, étant souligné que le préfet de police aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur cette circonstance et que, par conséquence, il y a place pour une substitution de motif ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2015, présenté pour Mme B... par MeC..., qui demande à la Cour, avant dire droit, d'ordonner au préfet de police d'exécuter le jugement attaqué, notamment en ce qui concerne le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre principal de rejeter la requête, de confirmer le sens du jugement attaqué en ordonnant au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre accessoire d'ordonner le réexamen de la demande de titre de séjour ;

Elle soutient que :

- l'adresse mentionnée sur son passeport ne correspond pas à celle de son domicile effectif puisqu'elle était dans l'impossibilité, conformément aux pratiques des autorités béninoises en la matière, de faire inscrire une adresse française lors du renouvellement de son passeport ;

- qu'elle était sur le territoire français entre le mois de mai 2012 et janvier 2013, dès lors qu'elle le prouve par diverses pièces versées au dossier ;

- l'appel du préfet est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle notamment en ce qui concerne la durée de résidence en France et l'intensité de ses attaches privées et familiales sur le territoire national ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 juin 2015, présenté par le préfet de police qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- en application de la jurisprudence, l'interruption du séjour de Mme B... en France, intervenue à la suite d'une mesure d'éloignement du territoire, est, quelle que soit sa durée, de nature, par sa cause même, à retirer à cette résidence son caractère habituel ;

- l'intéressée qui ne conteste pas sérieusement s'être rendue au Bénin pour y faire établir son passeport, postérieurement à la mesure d'éloignement dont elle a été l'objet le

26 octobre 2012, ne saurait donc se prévaloir du caractère habituel de sa résidence en France depuis plus de dix ans ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2015 :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour MmeB... ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante béninoise, née le 25 février 1986 à Cotonou (Bénin), entrée en France le 16 septembre 2003 selon ses déclarations, a sollicité le

19 février 2014 son admission au séjour " vie privée et familiale " auprès du préfet de police qui a examiné sa demande au regard des articles L. 313-14 et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de la rejeter par un arrêté en date du

3 septembre 2014 ; que par une requête enregistrée à la Cour le 10 mars 2015 le préfet de police relève régulièrement appel du jugement n° 1421171/3-1 en date du 27 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté ;

Sur les conclusions du préfet de police à fin d'annulation :

2. Considérant que pour annuler l'arrêt du 19 février 2014 refusant la délivrance d'un titre de séjour à MmeB..., les premiers juges ont estimé que le préfet de police avait commis une erreur de droit en refusant de soumettre le cas de l'intéressée, en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la commission du titre de séjour au motif qu'ayant résidé habituellement sur le territoire français sous couvert de plusieurs cartes de séjour en qualité d'étudiant, l'intéressée ne pouvait se prévaloir des dispositions de cet article ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de

dix ans (...) " ;

4. Considérant que pour établir la légalité du refus de séjour du 29 septembre 2005, le préfet de police demande à la Cour de substituer au motif tiré de ce qu'un séjour régulier sous statut " étudiant " ne peut s'assimiler à une résidence habituelle en France au sens de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le motif tiré de ce que Mme B... ne justifiait pas lors de sa demande, le 19 février 2014, d'une présence habituelle et continue sur le territoire français depuis plus de dix ans, en particulier de mai 2012 à janvier 2013, période au titre de laquelle les documents produits ne suffisent pas à prouver sa résidence en France ;

5. Considérant que si le préfet de police fait valoir que Mme B... n'établit pas résider de manière continue et habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué de sorte que son cas n'avait pas à être soumis, pour avis, à la commission du titre de séjour et qu'il sollicite à ce titre la substitution de motif mentionnée au point 4, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée a été admise au séjour en France en qualité d'étudiante entre 2003 et le 15 décembre 2010 ; qu'elle était présente en France jusqu'à l'édiction le 26 octobre 2012 de l'arrêté du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui faisant obligation de quitter le territoire, dès lors comme le fait valoir le préfet qu'elle en a accusé réception le

30 octobre 2012 ; qu'en tout état de cause, Mme B... a produit devant le tribunal administratif les justificatifs de sa présence en France du 15 décembre 2010 au mois

d'octobre 2012 ; que le préfet de police ne démontre pas, par la seule production d'une page du passeport de l'intéressée, que MmeB..., qui le conteste, serait retournée au Bénin pour y faire établir ce passeport au mois de décembre 2012 et que l'obligation de quitter le territoire aurait ainsi été exécutée ; qu'il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que l'intéressée justifie sa présence sans interruption en France du 1er septembre 2012 au 1er octobre 2013 par la production de bulletins de salaire, et jusqu'en août 2014 notamment par des relevés bancaires mentionnant, outre des prélèvements bancaires, des retraits d'espèces, ainsi que des documents de nature médicale ; que, dans ces conditions, l'intéressée justifie résider en France depuis plus de dix ans à la date de sa demande le 19 février 2014, et en tout état de cause, contrairement à ce que soutient le préfet de police, de mai 2012 à janvier 2013 quelle que soit la régularité ou non de sa situation, voire le fondement en vertu duquel elle a pu bénéficier de titres de séjour ; qu'il suit de là qu'il n'y a pas lieu de procéder à la substitution de motif demandée ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 3 septembre 2014 refusant à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français en fixant son pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'exécution du jugement :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat " ;

8. Considérant que Mme B... demande à la Cour d'ordonner au préfet de police d'exécuter le jugement n° 1421171/3-1 en date du 27 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris, notamment en ce qui concerne le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'injonction qui a été faite au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; qu'il lui appartient, si elle s'y croit fondée, de saisir le juge de l'exécution en application de l'article L. 911-4 précité du code de justice administrative ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que le tribunal a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement ; que le présent arrêt n'implique aucune autre mesure d'exécution ; qu'il suit de là que les conclusions de Mme B... tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet de police de lui délivrer, sous astreinte, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I DE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme B... à fin d'injonction et d'exécution du jugement du 27 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B.... Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique le 31 juillet 2015.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01038
Date de la décision : 31/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : DANDALEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-31;15pa01038 ?
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