Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2014, présentée pour Mme B... C...épouseE..., demeurant " ..., par Me A...; Mme C...épouse E...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1307971/7 du 12 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a retiré sa carte de résident valable du 26 décembre 2011 au 25 décembre 2021, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à MeA..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
Sur la décision lui retirant sa carte de résident :
- la décision a été prise par une autorité incompétente, dès lors que le signataire ne justifie pas d'une délégation de signature régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture ;
- le préfet du Val-de-Marne a méconnu les dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- qu'alors même qu'elle n'a pas présenté de demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut utilement l'invoquer eu égard aux violences qu'elle a subies et qui comporte pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le préfet ne s'est pas prononcé sur le changement de statut sollicité, au vu de son contrat de travail ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, au vu des violences physiques et psychologiques subies de la part de son mari et de sa fille depuis son arrivée en France et qui l'ont conduite à quitter le domicile conjugal le 15 juillet 2012 ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- que la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- qu'elle est entachée d'illégalité par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- que cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle fait l'objet de violences verbales et physiques, de chantage et de menaces de la part de son époux et au vu de son intégration professionnelle en France qui témoigne d'une volonté d'insertion particulière ; qu'elle porte atteinte à la poursuite de son contrat de travail et à la défense devant les tribunaux de ses affaires en cours ;
- qu'elle remplissait les conditions de l'article L 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- que la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- qu'elle est entachée d'illégalité par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu la décision du 23 octobre 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à
40 % à Mme C...épouseE... ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 et l'accord franco-camerounais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, signé à Yaoundé le 21 mai 2009 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2015 :
- le rapport de M, Pagès, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme C...épouseE..., ressortissante camerounaise, née le
5 juillet 1984, a épousé au Cameroun le 10 décembre 2008 M. D...E..., compatriote en situation régulière ; que la requérante est entrée en France le 9 novembre 2011, suite à l'autorisation de regroupement familial obtenu le 20 mai 2010 par son époux ; qu'elle a été mise en possession d'une carte de résident de dix ans, valable du 26 décembre 2011 au 25 décembre 2021 ; que, cependant, en raison de la rupture de la communauté de vie avec son époux, le préfet du Val-de-Marne a, par arrêté du 1er février 2013, retiré à la requérante sa carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite ; que Mme E...relève régulièrement appel du jugement du 12 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Concernant la décision retirant la carte de résident :
2. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2012-438 du 17 février 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet du Val-de-Marne a donné à M. F..., directeur de l'immigration et de l'intégration, une délégation pour signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français, les décisions accordant ou refusant le délai de départ volontaire et celles fixant le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse de l'accorder. /Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, lorsque l'étranger est titulaire de la carte de résident et qu'il établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. / En outre, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale"." ; qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme C...épouse E...est entrée en France le 9 novembre 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa long séjour délivré en vertu de l'autorisation au regroupement familial obtenue le 20 mai 2010 par son époux, M. D... E..., ressortissant camerounais ; qu'elle s'est vue délivrer une carte de résident de 10 ans valable du 26 décembre 2011 au 25 décembre 2021 ; que le préfet du Val-de-Marne lui a retiré sa carte de résident au motif qu'elle a quitté le domicile conjugal le 17 juillet 2012 et ne justifie d'aucune des exceptions prévues à cet article ; que la requérante ne produit qu'une déclaration sur main courante informatisée du commissariat de Créteil du 18 juillet 2012 faisant état du harcèlement dont elle est victime de la part de son époux qui refuse qu'elle cherche une formation, veut qu'elle reste à la maison, refuse de lui donner un double des clefs et de lui ouvrir la porte lorsqu'elle veut rentrer chez elle ; qu'elle produit également une attestation de l'association " Tremplin 94 " SOS Femmes faisant état des mêmes faits, ainsi qu'une plainte pour violences psychologiques du 21 mars 2013, en tout état de cause postérieure à la date de l'arrêté attaqué, adressée au procureur de la République de Créteil et une attestation d'une assistante sociale de l'association Tremplin 94 du 9 avril 2013, là encore postérieure à l'arrêté en cause ; qu'en se bornant à produire des attestations rédigées par des professionnels de l'action sociale, ainsi qu'une déclaration main courante et une plainte, elle n'établit pas par des éléments objectifs et probants, tels que des rapports d'intervention des policiers ou des certificats médicaux, que la rupture de la communauté de vie des époux, intervenue à son initiative six mois après avoir obtenu un titre de séjour, serait la conséquence de violences conjugales ; que dans ces conditions, le préfet du Val-de-Marne, n'a pas méconnu les dispositions précitées ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ; que Mme C...épouse E...soutient que la décision lui refusant le droit au séjour viole les dispositions de l'article L. 313-14 précitées ; que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la requérante n'est entrée en France qu'en novembre 2011 ; que, selon ses propres déclarations, elle a quitté le domicile conjugal en 2012 et ne vit plus avec son époux, M.E..., depuis cette date et qu'elle n'a eu aucun enfant ; que la requérante ne démontre pas qu'elle est dépourvue de liens familiaux dans son pays d'origine qu'elle a quitté fin 2011 à l'âge de 27 ans ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la requérante ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" ; que, d'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que Mme C...épouse E...justifie, par ses fiches de paye, d'une activité salariée depuis juin 2012 et établit avoir suivi une formation entre novembre 2012 et février 2013 comme agent de propreté, ces seules circonstances sont insuffisantes à justifier de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
5. Considérant, en dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus, Mme C...épouse E...n'est pas fondée à soutenir que le préfet du
Val-de-Marne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
Concernant la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs, que ceux exposés ci-dessus, les moyens fondés sur l'incompétence du signataire, sur l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire par voie d'exception d'illégalité de la décision portant retrait et refus de séjour, sur l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent également être écartés ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de la vie privée et familiale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme C...épouse E...n'est entrée en France qu'en novembre 2011, ne vit plus, selon ses propres déclarations, depuis août 2012 avec son époux avec lequel elle n'a eu aucun enfant, et ne démontre pas qu'elle est dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de vingt-sept ans ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français violerait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme infondé ;
Concernant la décision fixant le pays de renvoi :
8. Considérant, que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens de Mme C...épouse E...fondés sur l'incompétence du signataire de la décision fixant le pays de renvoi, sur l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi, par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doivent également être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...épouse E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...épouse E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2015 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président,
M. Luben, président assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 31 juillet 2015.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03121