Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, l'arrêté en date du 4 février 2014 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée, d'autre part, la décision du même jour décidant de son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.
Par un jugement n° 1401066/12 du 7 février 2014, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 4 février 2014 par laquelle le préfet des Yvelines a placé Mme B... en rétention et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 9 mai 2014 et 28 avril 2015, appuyés de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour le 17 juin 2015, MmeB..., représentée par Me Trorial, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401066/12 du 7 février 2014 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2014 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 février 2014 du préfet des Yvelines ;
3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me Trorial, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est fondée sur une base juridique erronée ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle est entrée sur le territoire français sous couvert d'un visa, qu'elle a entrepris des démarches afin de régulariser sa situation et qu'elle est en possession de documents d'identité et de voyage en cours de validité et que, hébergée par des amis, elle dispose d'un domicile ;
- ces erreurs de fait démontrent l'absence d'examen de sa situation personnelle par l'administration ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux attaches fortes qu'elle a nouées pendant ses sept années de présence sur le territoire français, que l'une de ses soeurs vit en France ainsi qu'un cousin et que les autres membres de sa famille vivant au Maroc ne peuvent la prendre en charge.
S'agissant de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- le risque de fuite dont s'est prévalu le préfet des Yvelines, en se fondant sur des éléments factuels entachés d'erreur de fait, n'est pas avéré ;
- l'administration n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Yvelines, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2014 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signé le 9 octobre 1987, en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., née le 29 mars 1964 à Rabat, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 7 février 2014 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2014 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) " ;
3. Considérant que, pour prononcer à l'encontre de Mme B...une obligation de quitter le territoire français, le préfet des Yvelines s'est fondé sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, qu'il a visées aux termes de l'arrêté litigieux et dont il a fait application, en relevant que Mme B... n'avait pas justifié être entrée régulièrement sur le territoire français et qu'elle était dépourvue d'un titre de séjour en cours de validité ; que si Mme B...soutient être entrée régulièrement en France en octobre 2006 et produit une copie de son passeport revêtu d'un visa Schengen valable du 1er septembre 2006 au 28 février 2007 délivré par les autorités italiennes et d'un tampon attestant de son arrivée le 11 octobre 2006 à Algeciras en Espagne, elle n'établit toutefois pas être entrée sur le territoire français pendant la durée de son visa ; que, par suite, le préfet des Yvelines pouvait prononcer à l'encontre de Mme B...une obligation de quitter le territoire français fondée sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que s'il est vrai que le tribunal a, à la demande formulée à la barre par le représentant du préfet des Yvelines, procédé à une substitution de base légale pour fonder désormais la décision contestée sur les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1, il ressort des pièces du dossier que cette nouvelle base légale, qui n'est pas critiquée par l'appelante, est également fondée ;
4. Considérant que la décision contestée du 4 février 2014 vise notamment l'article L. 511-1-I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle mentionne, en particulier, que l'intéressée ne peut justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et qu'elle a déclaré n'avoir fait aucune démarche depuis son arrivée en France, qu'il ressort de l'examen de sa situation qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dans la mesure où elle se déclare célibataire, sans enfant et n'avoir aucune famille en France et qu'elle n'allègue pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français manque en fait ;
5. Considérant que, comme il a été dit au point 3, Mme B...n'établit pas être entrée régulièrement sur le territoire français ni en octobre 2006 comme elle le déclare, ni à une date ultérieure ; que, dès lors, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur de fait sur ce point ; que si la requérante établit avoir sollicité le 26 juillet 2010 la délivrance d'un titre de séjour, l'erreur de fait commise par le préfet des Yvelines est sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui est fondée, comme il a été dit au point 3, sur le 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un titre de séjour a été délivré à l'intéressée ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet des Yvelines a procédé à un examen particulier de la situation de MmeB... ;
7. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que, comme il a déjà été dit, Mme B...n'établit pas être entrée régulièrement sur le territoire national en octobre 2006, ni résider habituellement en France depuis cette date ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire, sans charge de famille en France ; que si la requérante soutient que l'une de ses soeurs réside en France, elle n'est toutefois pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc où vivent sa mère, ses trois frères et quatre soeurs ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce et, notamment, des conditions de séjour en France de l'intéressée, la décision contestée du préfet des Yvelines n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par MmeB... ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...) " ;
10. Considérant qu'il ressort des termes de la décision contestée que le préfet des Yvelines s'est fondé, pour refuser d'accorder à Mme B...un délai de départ volontaire, sur le a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité ; que, toutefois, Mme B...produit devant la Cour un formulaire de première demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " émanant de la préfecture des Yvelines et mentionnant un rendez-vous fixé au 14 mars 2011 ; que, dans ces conditions, MmeB..., qui justifie avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées ; que, par suite, la décision contestée est fondée sur une base légale erronée ; qu'il s'ensuit que Mme B...est fondée à demander l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Melun du 7 février 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 février 2014 du préfet des Yvelines refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation de la seule décision du préfet des Yvelines refusant d'accorder à la requérante un délai de départ volontaire, n'implique pas que l'administration réexamine la situation de Mme B...et lui délivre une autorisation provisoire de séjour ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B...doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Trorial, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Trorial de la somme de 800 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 4 février 2014 du préfet des Yvelines refusant d'accorder à Mme B... un délai de départ volontaire est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 1401066/12 du 7 février 2014 du Tribunal administratif de Melun est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Trorial, avocat de MmeB..., une somme de 800 (huit cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Trorial renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2015, à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
Mme Sirinelli, premier conseiller,
Mme Larsonnier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 juillet 2015.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
B. AUVRAY
Le greffier,
A.-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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14PA02064