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26/06/2015 | FRANCE | N°14PA02534

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 26 juin 2015, 14PA02534


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2014, présentée pour la commune d'Ozoir-la-Ferrière par Me Piton, avocat ; la commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202461/4 du 9 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de la société El Bouraq - Librairie de l'Orient en ce qu'il a notamment annulé la décision, en date du 10 février 2012, par laquelle le maire d'Ozoir-la-Ferrière a décidé d'exercer son droit de préemption et d'acquérir, au prix de

1 300 000 euros, un bien situé 7, rue Henri François, sur une

parcelle cadastrée section AR

n° 23 ;

2°) de rejeter la demande de la société...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2014, présentée pour la commune d'Ozoir-la-Ferrière par Me Piton, avocat ; la commune demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202461/4 du 9 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de la société El Bouraq - Librairie de l'Orient en ce qu'il a notamment annulé la décision, en date du 10 février 2012, par laquelle le maire d'Ozoir-la-Ferrière a décidé d'exercer son droit de préemption et d'acquérir, au prix de

1 300 000 euros, un bien situé 7, rue Henri François, sur une parcelle cadastrée section AR

n° 23 ;

2°) de rejeter la demande de la société El Bouraq - Librairie de l'Orient présentée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la société El Bouraq - Librairie de l'Orient une somme de

2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré du dépassement du délai de préemption est infondé dans la mesure où la seconde déclaration d'aliéner a annulé et remplacé la première ;

- la nature du projet est claire puisqu'il s'agit de créer un secteur à dominante résidentielle et d'équipement ;

- à cet égard la modification du PLU en date du 13 mai 2013 précise bien que la zone en litige passe de zone industrielle à zone résidentielle ;

- la circonstance que les caractéristiques du projet ne sont pas précises est sans incidence puisque cela n'est pas indispensable pour une réserve foncière;

- la réalité du projet résulte de l'intégration dans les objectifs de révision du plan d'occupation des sols (POS) dont les objectifs ont été fixés par délibération du conseil municipal en date du 6 avril 2011 ;

- les principes du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) et les objectifs de révision du POS, répondant aux prescriptions du schéma directeur de la région

d'Île-de-France (SDRIF), correspondent à la parcelle en litige :

- le SDRIF demande à la commune d'utiliser les espaces déjà urbanisés et d'engager la mutation du bâti existant par une extension modérée ;

Vu le jugement attaqué et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2014, présenté par la société

El Bouraq-Librairie de l'Orient par Me A...qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Ozoir-la-Ferrière la somme de 4 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- la déclaration d'intention d'aliéner du 17 novembre 2011 n'étant ni incomplète ni entachée d'une irrégularité substantielle constitue le point de départ du calcul du délai de 2 mois dont la commune bénéficiait pour exercer son droit de préemption, délai dépassé par la commune puisqu'elle a exercé son droit de préemption le 13 février 2012 ;

- ni la délibération du 6 avril 2011, non jointe à la décision, ni le débat du

27 octobre 2011, sans valeur juridique, ni la prise en considération du PADD, dans la mesure où ses recommandations ne sont pas reprises dans la décision, ne peuvent tenir lieu de définition de la nature du projet, entraînant le défaut de motivation de la décision attaquée ;

- par ailleurs le nouveau PLU approuvée le 13 mai 2013 est largement postérieur aux faits en litige ;

- la réalité du projet n'est ni établie par les prescriptions du SDRIF, ni par la modification du plan local d'urbanisme (PLU) postérieure à la décision en litige ;

- la commune a dénaturé le droit à préemption puisqu'il résulte de recherches effectuées sur Internet que les objectifs de la commune pour préempter le bien en litige sont soit de proposer de nouveaux locaux aux services techniques soit de spéculer sur le foncier ;

- la modification du PLU est intervenue postérieurement à la décision de préemption ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 avril 2015, présenté pour la commune d'Ozoir-la-Ferrière par Me Piton qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient en outre que l'opération envisagée n'est pas consécutive à une quelconque spéculation immobilière mais est destinée à créer des logements sociaux ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mai 2015, présenté par la société El Bouraq-Librairie de l'Orient par Me A...qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Ozoir-la-Ferrière la somme de 4 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient en outre que la commune n'a approuvé le PLU que plus d'un an après la décision de préemption litigieuse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2015 :

- le rapport de M. Gouès,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- les observations de MeB..., pour la société El Bouraq-Librairie de l'Orient ;

1. Considérant que la commune d'Ozoir-la-Ferrière relève appel du jugement du

11 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de la société El Bouraq - Librairie de l'Orient en annulant la décision, en date du 10 février 2012, par laquelle son maire a décidé d'exercer son droit de préemption et d'acquérir, au prix de 1 300 000 euros, un bien situé 7, rue Henri François, sur une parcelle cadastrée section AR n° 23 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. " ; et qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l 'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que le droit de préemption urbain peut notamment être exercé pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation des actions ou opérations d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 du même code, au nombre desquelles se trouve notamment la mise en oeuvre du renouvellement urbain ; que, dans cette hypothèse, les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant les périmètres dans lesquels la commune décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut, soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même, si celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie ;

3. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ont annulé la décision en litige au motif, d'une part, qu'elle ne permettait pas par elle-même d'identifier la nature de l'opération ou de l'action pour la réalisation de laquelle le droit de préemption de la commune a été exercé et, d'autre part, au motif que cette même décision ne permettait pas de justifier, à la date de la décision attaquée, de la réalité du projet que la commune d'Ozoir-la-Ferrière entendait mener ;

4. Considérant, d'une part, en ce qui concerne le premier motif d'annulation précité, qu'il ressort de la décision en litige qu'elle se contente de préciser que la parcelle " constitue un secteur stratégique au regard des objectifs de densification " définis dans le schéma directeur régional d'Ile-de-France et qu'elle " s'inscrit dans le périmètre de l'action d'aménagement et de restructuration de la zone industrielle au profit du renforcement du secteur résidentiel et de la gestion de l'interface entre la zone d'activité et le tissu industriel ", et indique enfin que " l'acquisition de la parcelle est effectuée à titre de réserve foncière pour mettre en oeuvre l'aménagement d'un secteur à dominante résidentielle et d'équipement ainsi que la transition entre activités et habitat " ; que, par ces indications manquant de précision, la nature du projet n'apparaît pas clairement ; qu'en outre, si la décision litigieuse vise la délibération du conseil municipal, en date du 6 avril 2011, fixant les objectifs de la révision du plan d'occupation des sols en vue d'élaborer le plan local d'urbanisme (PLU), cette simple mention dans les visas de la décision ne saurait tenir lieu de référence à une délibération délimitant des périmètres dans lesquels la commune aurait décidé d'intervenir pour les aménager, la délibération du 6 avril 2011 ne permettant pas par elle-même d'identifier la nature de l'opération ou de l'action pour la réalisation de laquelle le droit de préemption de la commune a été exercé ; qu'il en va de même de la référence au débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) lors de la séance du Conseil municipal du 27 octobre 2011 ; que, par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la décision de préemption attaquée est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 210-1 précité du code de l'urbanisme ;

5. Considérant, d'autre part, en ce qui concerne le second motif d'annulation précitée que la commune d'Ozoir-la-Ferrière soutient que la décision de préemption litigieuse s'inscrit dans le cadre de l'élaboration du plan local d'urbanisme, engagée par la délibération précitée du 6 avril 2011, qui doit permettre, notamment, conformément à l'une des orientations du PADD, l'amélioration qualitative de certains secteurs déjà bâtis, localisés de façon stratégique entre le centre ville et la gare et la prise en compte des orientations du schéma directeur régional

d'Île-de-France, au nombre desquelles figure " l'intensification " des espaces urbains existants, notamment des zones mutables situées à proximité des gares ; que si l'objectif d'aménagement poursuivi par la commune répond aux objets définis à l'article précité L. 300-1 du code de l'urbanisme, la seule référence aux objectifs contenus dans le plan local d'urbanisme, lequel, au demeurant, était seulement en cours d'élaboration et n'a été adopté que le 13 mai 2013, et aux préconisations du schéma directeur régional d'Ile-de-France, ne permettent pas d'établir, à la date de la décision attaquée, la réalité du projet que la commune d'Ozoir-la-Ferrière entendait mener, en l'absence de tout autre élément de justification ; que, par conséquent, les premiers juges ont considéré à juste titre que la décision de préemption attaquée n'avait pas pour objet la réalisation d'un projet précis ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par elle, que la commune d'Ozoir-la-Ferrière n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société El Bouraq Librairie de l'Orient, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune d'Ozoir-la-Ferrière demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Ozoir-la-Ferrière une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Ozoir-la-Ferrière est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la commune d'Ozoir-la-Ferrière la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ozoir-la-Ferrière et à la société

El Bouraq-Librairie de l'Orient.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Terrasse, président assesseur,

M. Romnicianu, premier conseiller,

M. Gouès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 26 juin 2015.

Le rapporteur,

S. GOUESLe président,

M. TERRASSE

Le greffier,

E. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA02534


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02534
Date de la décision : 26/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TERRASSE
Rapporteur ?: M. Serge GOUES
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : PITON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-26;14pa02534 ?
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