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04/05/2015 | FRANCE | N°14PA02884

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 04 mai 2015, 14PA02884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Moovment a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 juillet 2013 du préfet de police refusant de lui accorder l'autorisation d'ouverture de nuit de son établissement " Who's ", situé 14 rue Saint-Merri à Paris, et d'enjoindre au préfet de police de procéder à un nouvel examen de sa demande.

Par jugement n° 1310637/3-3 du 20 mai 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 juillet 2013 du préfet de police et lui a enjoint de réex

aminer la demande d'ouverture de nuit présentée par la société Moovment pour son éta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Moovment a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 juillet 2013 du préfet de police refusant de lui accorder l'autorisation d'ouverture de nuit de son établissement " Who's ", situé 14 rue Saint-Merri à Paris, et d'enjoindre au préfet de police de procéder à un nouvel examen de sa demande.

Par jugement n° 1310637/3-3 du 20 mai 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 juillet 2013 du préfet de police et lui a enjoint de réexaminer la demande d'ouverture de nuit présentée par la société Moovment pour son établissement " Who's " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2014, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de la société Moovment présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait prendre en compte les troubles à l'ordre public occasionnés par les autres établissements à la gestion desquels participe activement le gérant de l'établissement " Who's " dès lors que l'autorisation délivrée est personnelle et incessible, et donc rattachée à l'exploitant lui-même, en vertu de l'article 3 de l'arrêté du 10 juin 2010 fixant l'heure d'ouverture et de fermeture des débits de boissons et des établissements de spectacles et de divertissements publics ;

- deux établissements à la gestion ou à la direction desquels participe le gérant de l'établissement " Who's " ont fait l'objet pour l'un, d'une mesure de fermeture administrative de six jours en mai 2012 et pour l'autre, d'un avertissement en mars 2013 en raison de nuisances sonores ;

- en outre, l'établissement " Le Cox Bar " dont le gestionnaire est le même que celui du " Who's " utilise l'autorisation de terrasse qui lui a été délivrée par le maire de Paris à d'autres fins que celles pour lesquelles elle lui a été attribuée laissant ainsi de très nombreux clients y consommer ;

- le moyen soulevé en première instance tiré de ce que les services de police avaient rendu des avis favorables à sa demande est inopérant, dès lors que les avis invoqués sont antérieurs aux mesures prises à l'encontre des deux autres établissements dans lesquels M. B...exerce des activités de dirigeant ;

- le moyen tiré de ce que la décision litigieuse violerait le principe d'égalité dès lors que tous les autres établissements à proximité du " Who's " bénéficieraient d'une autorisation d'ouverture de nuit manque en fait ;

- le risque de trouble à l'ordre public généré par le projet d'agrandissement de l'établissement actuel n'est pas purement hypothétique dès lors que le nouvel établissement pourra recevoir près de 400 personnes et que les autorisations d'ouverture de nuit étant délivrées à titre personnel, l'autorité titulaire des pouvoirs de police peut prendre en compte le comportement de l'exploitant, lequel, dans le cas de l'espèce, entretient l'incertitude sur la nature de son projet ;

- il n'a donc pas usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel il lui a été conféré, aucune autorisation d'ouverture de nuit n'ayant été accordée dans le secteur dans lequel se situe l'établissement " Who's ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2014, la société Moovment, dont le siège est 14, rue Saint-Merri à Paris (75004), représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et, par voie de l'appel incident, demande à la Cour d'autoriser l'ouverture de nuit de son établissement " Who's " et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 janvier 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au

16 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales, en particulier son article L. 2512-13 ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté n° 2010-00396 du préfet de police du 10 juin 2010 modifié fixant l'heure d'ouverture et de fermeture des débits de boissons et des établissements de spectacles et de divertissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public.

1. Considérant que par un jugement du 16 avril 2013 devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de police du 21 décembre 2011 refusant à la société Moovment l'autorisation d'ouvrir la nuit le bar restaurant qu'elle exploite au

14 rue Saint-Merri à Paris sous l'enseigne " Who's " et enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de la société ; que par décision du 11 juillet 2013, le préfet de police a réitéré son refus d'accorder à la société Moovment l'autorisation d'ouverture de nuit de l'établissement " Who's " ; que le préfet de police fait appel du jugement du 20 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de la société Moovment ; que, par la voie de l'appel incident, la société Moovement demande à la Cour de lui délivrer cette autorisation ;

Sur l'appel principal du préfet de police :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du préfet de police du

10 juin 2010 fixant l'heure d'ouverture et de fermeture des débits de boissons et des établissements de spectacles et de divertissements publics modifié : " L'heure limite d'ouverture des établissements, dont l'exploitation nécessite l'une des licences prévues aux articles

L. 3331-1, L. 3331-2 et L. 3331-3 du code de la santé publique susvisé, est fixée à 5h00 et l'heure limite de fermeture à 2h00, à l'exception de ceux visés au titre II du présent arrêté (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce même arrêté : " Des autorisations d'ouverture, entre 2h00 et 5h00 peuvent, à titre exceptionnel, être accordées aux établissements à vocation nocturne, à condition qu'il n'en résulte aucun trouble pour l'ordre public. L'autorisation est strictement personnelle et incessible. Elle cesse de plein droit si l'exploitant qui en est bénéficiaire cesse d'exercer la direction de l'établissement pour quelque cause que ce soit. Ces autorisations sont précaires et révocables (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que le préfet de police soutient qu'en vertu des dispositions précitées l'autorisation d'ouverture de nuit d'un établissement étant personnelle et liée à son exploitant, il pouvait légalement refuser cette autorisation au bar restaurant " Who's " exploité par la société Moovment puisque son président M. B...est également le gérant et l'associé de fait de l'exploitant de deux autres établissements, le " Cox Bar " et le " Fredj ", qui ont fait l'objet respectivement d'un avertissement en mars 2013 en raison de nuisances sonores et d'une mesure de fermeture administrative de six jours en mai 2012 ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorisation peut être refusée si l'activité de l'établissement en cause génère un trouble à l'ordre public et que cette autorisation concerne l'établissement et non la personne du propriétaire ou de l'exploitant ; que, dès lors, le préfet de police ne pouvait se fonder sur les troubles à l'ordre public causés par les activités de deux autres établissements pour refuser d'accorder l'autorisation sollicitée pour ouvrir la nuit le bar restaurant " Who's " exploité par la société Moovment ; qu'il résulte de l'instruction que cet établissement n'a jamais fait l'objet d'un signalement pour trouble à l'ordre public et que la demande d'ouverture la nuit le concernant a reçu l'avis favorable de tous les services consultés par le préfet de police ; que, par ailleurs, la circonstance que la société Moovment ait déposé un permis de construire afin de transformer et d'agrandir l'actuel établissement par la démolition d'une cloison et l'adjonction de nouveaux espaces qui ne seront pas réservés à la restauration et de créer ainsi un " restaurant-bar-club " pouvant recevoir davantage de clients ne constitue pas en elle-même un risque de trouble à l'ordre public pouvant légalement justifier le refus d'accorder une autorisation d'ouverture de nuit pour cet établissement qui n'a pas encore subi les modifications décrites ci-dessus et alors surtout que l'autorisation en litige est précaire et révocable en vertu de l'article 3 de l'arrêté du 10 juin 2010 ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les risques de troubles à l'ordre public sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour refuser l'autorisation sollicitée d'ouverture de nuit n'étaient pas avérés ou de nature à justifier la décision du 11 juillet 2013 contestée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 11 juillet 2013 ;

Sur l'appel incident de la société Moovment :

6. Considérant que la société Moovment qui demande à la Cour d'autoriser l'ouverture de nuit de son établissement exploité sous l'enseigne " Who's " en se référant à l'article L. 911-2 du code de justice administrative, doit être regardée comme demandant à la Cour d'enjoindre au préfet de police de lui accorder cette autorisation en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que l'annulation de la décision du 11 juillet 2013 n'implique pas nécessairement la délivrance de l'autorisation demandée qui n'est pas de droit et n'est délivrée par le préfet de police qu'à titre exceptionnel ; que le présent arrêt implique seulement que le préfet de police procède à un nouvel examen de la demande de la société Moovment dans un délai de trois mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Moovment et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le préfet de police réexaminera la demande d'autorisation d'ouverture de l'enseigne " Who's " exploitée par la société Moovment dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Moovment une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de police et à la société Moovment.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 mai 2015.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02884
Date de la décision : 04/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. Polices spéciales. Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : WERNERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-04;14pa02884 ?
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