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16/03/2015 | FRANCE | N°13PA04422

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 16 mars 2015, 13PA04422


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée pour la société Euro Power Technology (SAS), dont le siège est au 22 avenue de la Grande Armée à Paris (75017), par la société Delplanque-Pieron-Beaucourt ;

La société Euro Power Technology (EPT) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304461/7-1 du 4 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2008 par laquelle le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) des pays

de la Bièvre a prononcé la résiliation du contrat de valorisation énergétique du b...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée pour la société Euro Power Technology (SAS), dont le siège est au 22 avenue de la Grande Armée à Paris (75017), par la société Delplanque-Pieron-Beaucourt ;

La société Euro Power Technology (EPT) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304461/7-1 du 4 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2008 par laquelle le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) des pays de la Bièvre a prononcé la résiliation du contrat de valorisation énergétique du biogaz et à la condamnation de ce syndicat à lui payer la somme de 5 059 342 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette résiliation ;

2°) de dire de nul effet et d'annuler la décision de résiliation du contrat en date du

6 février 2008 ;

3°) de condamner le SICTOM à réparer le préjudice subi pour un montant de 5 118 400 euros, sauf à parfaire ;

4°) de mettre à la charge du SICTOM une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le jugement est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il a opéré une confusion entre le contrat de valorisation du biogaz du 29 octobre 2003 et une prétendue lettre d'intention en date du 10 mars 2003 ;

- que le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, la société EPT n'ayant manqué à aucune des obligations qui lui incombaient au titre du contrat d'achat de biogaz ;

- que le jugement est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur le caractère irrégulier de la résiliation, en l'absence de clause de résiliation au contrat, en l'absence de motif légitime et en l'absence de faute ;

- que la résiliation est nulle et de nul effet du fait des investissements importants effectuées par la société EPT ;

- que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes indemnitaires pour défaut de demande préalable ;

- que ses demandes indemnitaires sont fondées à raison de la résiliation abusive du contrat par le SICTOM et de son obstruction aux modifications utiles des installations ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 février 2014, présenté pour le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères des pays de la Bièvre qui conclut au rejet de la requête et demande en outre la condamnation de la société EPT à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que les conclusions en annulation de la décision de résiliation sont irrecevables ;

- que la décision de résiliation est fondée ;

- que les conclusions indemnitaires sont irrecevables et, en tout état de cause, non fondées ;

Vu le mémoire, enregistré par fax le 12 février 2015, régularisé le 13 février 2015, présenté pour la société EPT qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ;

Elle demande en outre à la Cour :

- d'ordonner la reprise des relations contractuelles ;

- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer la perte de marge brute sur coût variable résultant de la résiliation injustifiée du contrat du 29 octobre 2003 sur une période de quinze ans correspondant à la durée du contrat d'achat d'électricité par EDF ;

Elle soutient en outre que le SICTOM a manqué à ses obligations contractuelles, les dysfonctionnements allégués trouvant leur origine dans la fourniture d'un biogaz qui ne permettait pas de faire fonctionner les installations mises en place et qu'il n'était possible de passer un contrat d'achat d'électricité avec EDF qu'à compter de 2006, date à laquelle la règlementation n'imposait plus de stipuler une puissance garantie dans le contrat d'achat d'électricité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2015 :

- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société EPT, et de Me B...pour le SICTOM ;

1. Considérant que la société Euro Power Technology (EPT) et le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) des pays de la Bièvre ont, notamment, conclu le 29 octobre 2003, une convention aux fins d'achat du biogaz émis par la fermentation des ordures ménagères stockées dans le centre d'enfouissement technique (CET) dont le SICTOM avait la gestion, la société EPT ayant proposé au SICTOM de mettre en place un module de production d'électricité pour lui permettre la valorisation du produit acheté ; que, par un courrier du 6 février 2008, le SICTOM a résilié ce contrat ; que la société EPT interjette appel du jugement en date du 4 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2008 par laquelle le SICTOM des pays de la Bièvre a prononcé la résiliation du contrat et à la condamnation du SICTOM des pays de la Bièvre à lui payer la somme de 5 059 342 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette résiliation ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.(...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société EPT a adressé au SICTOM de la Bièvre deux courriers en date du 12 février 2008 et du 5 mars 2008 par lesquels elle l'informe que si la décision de résiliation devenait effective, elle envisagerait de saisir la juridiction compétente afin d'obtenir une indemnisation, dont, en outre, elle ne précise pas le montant ; que de telles demandes, dont la société EPT se prévaut, envoyées avant la décision de résiliation du contrat, ne constituent pas des demandes préalables d'indemnisation du préjudice résultant de cette décision ; que si la société EPT se prévaut encore de la décision définitive du tribunal de commerce du 31 mars 2010 pour soutenir que le recours contentieux qu'elle a introduit initialement devant le Tribunal administratif de Grenoble le 2 avril 2008 doit être regardé comme ayant été précédé d'une réclamation préalable, le Tribunal de commerce de Paris n'avait toutefois été saisi que postérieurement, soit le 21 avril 2008 et sa décision est donc intervenue après la saisine du tribunal administratif ; qu'ainsi, la société EPT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris, par le jugement attaqué, a rejeté comme irrecevables ses conclusions en indemnisation pour défaut de réclamation préalable ;

Sur les conclusions en annulation et en reprise des relations contractuelles :

4. Considérant que le contrat d'achat de biogaz du 29 octobre 2003 rappelle, à titre liminaire, que le SICTOM, dans le but d'optimiser l'exploitation de son site de stockage des déchets ménagers et assimilés, avait cherché à trouver un débouché pour son biogaz et que la société EPT avait alors proposé de lui acheter ce biogaz, de sorte que le SICTOM et la société EPT ont envisagé d'installer une centrale de production d'électricité fonctionnant au biogaz de décharge pour laquelle le SICTOM a mis a disposition de la société EPT, à titre gratuit, un terrain dont il est propriétaire sur le terrain d'assiette du centre ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un courrier du 13 octobre 2005 le SICTOM a mis en demeure la société EPT de procéder à la réalisation de l'installation de valorisation du biogaz en application d'une commande passée en 2003, sur le fondement du contrat du 29 octobre 2003 d'achat de biogaz ; que, par un courrier du 20 octobre 2005, la société cocontractante a informé le syndicat que l'installation serait effective " courant semaine 49 de l'année 2005 " ; que, toutefois, les turbines nécessaires au fonctionnement de l'installation n'ont été fournies qu'au mois de janvier 2006 et ont donné lieu à des dysfonctionnements à l'origine de nuisances olfactives dans les villages avoisinant le site d'enfouissement des déchets et ordures ménagères ; qu'il résulte encore de l'instruction qu'en raison des carences affectant le fonctionnement de l'installation prévue, le SICTOM a été contraint de prendre en location, à compter du mois de décembre 2006, une seconde torchère afin de procéder à l'élimination du gaz produit par le traitement des déchets ; qu'à la suite d'une mise en demeure du

15 janvier 2008 de faire fonctionner l'installation de valorisation du biogaz en conformité avec les stipulations contractuelles, la société requérante s'est bornée à répondre de manière évasive ; que le SICTOM de la Bièvre a alors décidé de résilier le contrat d'achat de biogaz qui le liait à la société EPT aux torts de cette dernière ;

6. Considérant que si la société EPT soutient que le contrat du mois d'octobre 2003 avait pour unique objet de définir les obligations des parties concernant la valorisation du biogaz produit par la centrale et qu'il ne contenait ni date de démarrage de la centrale, ni date de démarrage de l'exploitation de la centrale et qu'elle n'était donc pas tenue de garantir le bon fonctionnement des installations mais seulement d'acheter le biogaz émanant de la centrale, à compter de la mise en exploitation de l'installation, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle a adressé le 6 février 2003 une offre globale d'intervention relative au fonctionnement des installations qui a été acceptée le 10 mars 2003 par le SICTOM ; qu'alors même que cette offre de la société EPT n'a pas été signée, et qu'elle était incomplète, la société EPT a néanmoins, notamment, adressé au SICTOM une facture partielle comportant la mention " selon votre commande du 10 mars 2003 ", date d'acceptation de l'offre de service par le SICTOM ; qu'ainsi, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, ladite offre de service acceptée par le SICTOM a revêtu un caractère contractuel constituant nécessairement un tout indivisible avec le contrat signé en octobre 2003 d'achat de biogaz, dont l'économie repose sur l'installation et le fonctionnement d'une centrale par la société EPT, produisant de l'électricité par la valorisation du biogaz produit par le centre de Penol, et dont la société EPT retire, pour sa part, bénéfice par la revente de l'électricité produite par cette centrale à EDF ; qu'ainsi, la société EPT ne peut pas utilement soutenir que seules les obligations d'achat de biogaz résultant du contrat signé en octobre 2003 étaient à sa charge, l'achat du biogaz étant indissociable du fonctionnement de la centrale ; qu'ainsi, compte tenu des divers retards constatés dans l'exécution du contrat, puis du défaut de fourniture de l'installation de valorisation du biogaz dans un délai normal, et ce alors même que la convention ne fixait expressément aucune date de livraison, ainsi que des dysfonctionnements rendant en définitive impossible la bonne marche de ladite installation, le SICTOM des pays de la Bièvre pouvait légalement résilier pour faute la convention conclue avec la société EPT, même en l'absence de toute clause en ce sens dans ladite convention, au regard du caractère administratif du contrat qui a eu pour effet d'associer étroitement la société EPT à l'exécution du service public de traitement et de valorisation des déchets ménagers qui incombait, à la date de la conclusion du contrat, aux communes ou à leurs établissements de coopération en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, incluant la valorisation du biogaz dans les conditions réglementairement définies par les articles 19 et 44 de l'arrêté du 9 septembre 1997 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux ;

7. Considérant que cette résiliation reposant sur le non-respect fautif de ses obligations contractuelles par la société requérante, celle-ci ne saurait utilement soutenir que cette décision ne serait justifiée par aucun motif d'intérêt général ; qu'elle ne saurait pas plus se prévaloir, pour s'exonérer de ses obligations contractuelles, des difficultés qu'elle aurait rencontrées avec l'un de ses sous-traitants ou de la réglementation alors en vigueur sur l'achat d'électricité ou de la nécessité dans laquelle elle se trouve d'amortir les investissements qu'elle a réalisés ; que, par ailleurs, si l'expert désigné par le Tribunal de commerce de Paris, le 25 avril 2007, a relevé dans son rapport du 23 mars 2009, que l'une des principales sources de désordres a pour origine la présence de souffre dans le biogaz, qui a affecté le comportement des compresseurs, il ne résulte toutefois pas des termes du rapport que le SICTOM, qui n'était d'ailleurs pas partie à ces opérations d'expertise, aurait manqué à ses obligations d'analyse qui résultent de l'article 4 du contrat du 29 octobre 2003 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société requérante n'est pas fondée à contester la validité de la mesure de résiliation litigieuse pour solliciter la reprise des relations contractuelles ni, en tout état de cause, à demander l'annulation de ladite mesure ;

Sur les conclusions en indemnisation :

9. Considérant que pour les motifs exposés au point 2, les conclusions en indemnisation présentées par la société EPT ne peuvent, en tout état de cause, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, qu'être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société EPT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le SICTOM de la Bièvre qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société EPT la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société EPT le versement au SICTOM de la Bièvre d'une somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Euro Power Technology est rejetée.

Article 2 : La société Euro Power Technology versera au syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères de la Bièvre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Power Technology et au syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères de la Bièvre.

Délibéré après l'audience du 20 février 2015, où siégeaient :

Mme Driencourt, président de chambre,

Mme Mosser, président assesseur,

Mme Stahlberger, président,

Lu en audience publique, le 16 mars 2015.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

J. BOUCLY

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA04422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04422
Date de la décision : 16/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: Mme Geneviève MOSSER
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : DELPLANQUE-PIERON-BEAUCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-16;13pa04422 ?
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