Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2013, présentée pour la Polynésie française, dont le siège est BP 2551 à Papeete (98713), par Me A... ;
La Polynésie française demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1200651 du 16 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie Française a déchargé la société SOPADEP des impositions complémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 et des pénalités y afférentes ;
2°) de remettre à la charge de la société SOPADEP lesdites impositions et de condamner en conséquence la société SOPADEP à verser une somme globale de 14 931 518 francs CFP ;
3°) de condamner la société SOPADEP à lui payer une somme de 220 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'alinéa 3 de l'article 916-4 du code des impôts et de l'article 951-6 du code des impôts dans sa version issue de la loi du pays n° 2005-01 du 7 février 2005 ;
- le tribunal a méconnu lesdites dispositions ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la charge de la preuve lui incombait ;
- le caractère tardif de l'investissement apporté ne permettait pas d'obtenir le crédit d'impôt sollicité ; que le financement accordé par la société SOPADEP n'a pas été affecté à la construction du projet au sens des dispositions de l'article LP 916-1 du code des impôts
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2014, présenté pour la Société SOPADEP qui conclut au rejet de la requête ; Elle demande en outre que la Polynésie française soit condamnée à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la procédure de vérification est nulle dès lors que les impositions ont été mises en recouvrement après un avis de la commission des impôts qui lui était favorable sans que le dossier ait été préalablement transmis pour arbitrage au Président de la Polynésie française et sans qu'il en ait été avisé en méconnaissance de l'article 433-6 du code des impôts ;
- à supposer que l'article 433-6 du code des impôts ne s'applique pas aux procédures contradictoires, il violerait le principe d'égalité devant la loi fiscale, toute différence de traitement devant être en rapport direct avec l'objet de la loi que le législateur a établi ;
- la disposition de l'article 916-1 du code des impôts qui prévoit de manière générale et absolue l'absence de prescription est illégale en ce qu'elle est contraire au principe de sécurité juridique et qu'il y a lieu de faire application des dispositions de droit commun en ce qui concerne la prescription du droit de reprise de l'administration à savoir l'article 451-1 du code des impôts ; que par suite les redressements étaient prescrits ;
- l'indemnité d'assurance versée en novembre 2006 plusieurs mois après la réouverture de l'hôtel ne peut pas, compte tenu de son versement tardif, être affectée au financement du projet ; qu'ainsi l'apport effectué n'excède pas l'investissement prévu ;
- une nouvelle demande d'agrément n'était pas nécessaire dès lors que l'enveloppe déterminée par l'agrément accordé n'a pas été dépassée et l'article 951-6 du code des impôts n'a ainsi pas été méconnu ; qu'en soulevant cette substitution de base légale devant le juge de l'impôt, l'administration fiscale l'a privée de tout débat contradictoire et d'une garantie liée à la saisine de la commission des impôts sur ce point de fait ;
- il appartient à la Polynésie française d'apporter la preuve que l'indemnité d'assurance entrait dans le coût éligible du projet et il était précisé dans le cadre de la demande d'agrément que l'indemnité d'assurance serait utilisée à concurrence d'un montant de 160 000 000 francs CFP dans le cadre de l'autofinancement des travaux ; que ce plan a été respecté ;
- l'investissement apporté n'était pas tardif ; l'échéancier de réalisation de l'investissement agréé était de novembre à juin 2006, l'hôtel a pu rouvrir au public avant même que les travaux soient nécessairement tous achevés ; le certificat de conformité n'a d'ailleurs été obtenu que le
31 août 2006 ;
- s'agissant d'une procédure de redressement contradictoire dans le cadre de laquelle la commission des impôts a répondu favorablement au contribuable sur les questions de fait qui lui ont été soumises, la charge de la preuve incombe à l'administration fiscale ;
- la remise en cause de l'opération de défiscalisation ne peut pas s'opérer sur le dernier défiscalisant, le code des impôts prévoyant une répartition de conséquences de la remise en cause du crédit d'impôt sur tous les défiscalisants ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2015 :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;
1. Considérant que l'établissement hôtelier situé à Bora Bora appartenant à la société Tahiti Beachcomber (TBSA) a été endommagé à la suite d'une forte houle en septembre 2005, la société a fait appel à des investisseurs, et notamment à la société SOPADEP, afin de procéder aux travaux de réhabilitation et de remise en état ; que la société SOPADEP a conclu avec la Société TBSA une convention d'apport en compte courant ; que la somme investie a été libérée le
27 juin 2006 à hauteur de 100 000 000 francs CFP ; que le crédit d'impôt en résultant a été remis en cause par l'administration fiscale, qui a adressé à la société SOPADEP une notification de redressement le 19 novembre 2010 , que la réclamation contentieuse présentée par la société SOPADEP tendant à être déchargée des impositions complémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie du fait de la réduction, au prorata du nouveau montant global de l'investissement retenu par l'administration, des crédits d'impôt qui lui avaient été accordés, a abouti à limiter la portée du litige à la seule année 2009 pour un montant total de
14 931 518 francs CFP ; que la Polynésie française interjette appel du jugement en date du
16 juillet 2013, par lequel le tribunal administratif de Polynésie française a accordé à la société SOPADEP la décharge des impositions complémentaires à l'impôt sur le sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la circonstance que le tribunal aurait écarté à tort le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 916-4 et de l'article 951-6 du code des impôts concerne le bien-fondé du jugement attaqué et est par suite sans incidence sur la régularité de celui-ci ; que, par ailleurs, il résulte des termes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Polynésie française a considéré que l'apport effectué par la société SOPADEP n'excédait pas l'investissement prévu pour la remise en état des installations de l'hôtel appartenant à la société TBSA ; que les dispositions invoquées des articles 916-4 et 951-6 relatifs aux hypothèses où les financements excèdent le prix réel du projet ou le montant agréé et à celles où les modifications du projet agréé nécessitent un agrément complémentaire ou rectificatif, étaient, dès lors, sans incidence sur la solution du litige ; qu'ainsi, le tribunal n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ; que, par suite, la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal de Polynésie française a entaché sa décision d'irrégularité pour défaut de réponse à ce moyen ;
Sur le bien fondé de la remise en cause du crédit d'impôt :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 924-1 du code des impôts, dans sa version applicable, prévoit : " le financement réalisé dans un projet de construction ou d'agrandissement d'hôtel agréé ouvre droit à un crédit d'impôt représentant 60 % du montant du financement. Il en est de même pour tout projet de rénovation, d'amélioration, de transformation ou de modernisation d'hôtel existant " ; qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article 916-4 du même code : " Au cas où il serait constaté, après achèvement du projet d'investissement, que les financements correspondants ouvrant droit au crédit d'impôt excèdent le prix réel du projet ou son montant agréé, les crédits d'impôts excédentaires seront remis en cause dans les comptes des investisseurs proportionnellement à l'apport de ces derniers " ; qu'aux termes de l'article 951-6 du même code des impôts dans sa version issue de la loi du pays n° 2005-01 du 7 février 2005 : " les modifications de toute nature du projet agréé nécessitent selon le cas, un agrément complémentaire ou rectificatif qui obéit aux mêmes conditions de recevabilité et d'instruction que la demande initiale " ; qu'enfin, aux termes de l'article 443-6 du même code : " (...)lorsque l'imposition est établie sur la base d'une appréciation contraire à l'avis de la commission, il appartient à la direction des impôts et des contributions, le cas échéant, d'apporter la preuve du bien-fondé de l'acte d'imposition devant la juridiction contentieuse " ;
4. Considérant qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société TBSA au cours du premier trimestre 2009, l'administration a relevé que, par un accord transactionnel du
23 juin 2006 entre la compagnie d'assurance Whiteshield Insurance Compagny et la société TBSA, cette dernière avait été indemnisée d'une somme de 400 millions de francs CFP au titre des dégâts subis par son établissement hôtelier ; que, se prévalant de ce versement, l'administration a remis en cause le crédit d'impôt dont avait bénéficié la société SOPADEP dans le cadre de sa participation au financement du projet de reconstruction de l'établissement, en application des dispositions précitées, au motif que le financement apporté au projet excédait de 288 000 000 francs CFP le montant pour lequel la société TBSA avait été agréée au titre du montant de l'investissement ouvrant droit au crédit d'impôt, par un arrêté du 6 décembre 2005, modifié par un arrêté du 27 juin 2006, soit pour la somme de 807 000 000 francs CFP, dès lors que les financements apportés au projet par les investisseurs s'élevaient à la somme de 695 000 000 francs CFP ; qu'il résulte toutefois des termes mêmes du contrat d'assurance produit par la Polynésie française que la garantie résultant du contrat couvre les pertes pécuniaires et la perte d'exploitation ; qu'il est constant que le dommage subi a perturbé l'exploitation de l'hôtel qui n'a pu reprendre son activité que début juillet 2006 ; que la commission des impôts, dans son avis du 13 janvier 2012, a retenu que les financements levés dans le cadre de la défiscalisation par la société TBSA pour la reconstruction de l'hôtel étaient inférieurs au montant d'investissement agréé ; que la Polynésie française, à qui incombe la charge de la preuve en application de l'article 443-6 précité, n'établit pas que la somme d'un montant de 400 000 000 francs CFP versée par l'assureur, en outre postérieurement à la délivrance du certificat de conformité le 31 août 2006, et ce, alors même que la transaction a été signée avant l'achèvement des travaux, soit le 23 juin 2006, devait être affectée en totalité à la réalisation des travaux et a été versée en temps utile pour cette réalisation, ni par suite que le montant total de la prime versée à la société TBSA ait servi uniquement au financement des travaux de rénovation ; que par suite, l'administration n'établit pas que le montant d'investissement sur la base duquel avaient été déterminés les droits à crédit d'impôt excédaient le montant nécessaire au financement de la remise en état de l'établissement hôtelier, compte tenu de la somme provenant de son assureur dont bénéficiait la société TBSA, ni par suite n'est fondée à soutenir que l'apport effectué par la société SOPADEP excédait l'investissement prévu pour la remise en état des installations de l'hôtel appartenant à la Société Tahiti Beachcomber ; que c'est ainsi à tort, et sans que la Polynésie française puisse utilement se prévaloir de la méconnaissance des article 916-4 et 951-6 du code général des impôts, en l'absence de dépassement ou de modification du montant des travaux agréés, qu'elle a remis en cause les crédits d'impôts accordés à la société SOPADEP au motif que ses apports, versés avant la date prévisionnelle de fin de travaux, et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient été totalement achevés avant cette date, excédaient le montant d'investissement agréé.
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a accordé la décharge sollicitée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société SOPADEP qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la Polynésie française la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
7. Considérant qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société SOPADEP et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Polynésie française est rejetée.
Article 2 : La Polynésie française versera à la société SOPADEP une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à la Société SOPADEP.
Délibéré après l'audience du 20 février 2015, où siégeaient :
Mme Driencourt, président de chambre,
Mme Mosser, président assesseur,
Mme Stahlberger, président,
Lu en audience publique, le 16 mars 2015.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
J. BOUCLY La République mande et ordonne au Haut Commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA03719