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16/03/2015 | FRANCE | N°12PA00137

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 16 mars 2015, 12PA00137


Vu la décision du Conseil d'Etat en date du 20 décembre 2011, attribuant le jugement de la requête de l'association Invitation à la Vie à la Cour administrative d'appel de Paris et la requête sommaire et le mémoire complémentaire qu'elle vise par lesquels l'association Invitation à la Vie demande :

1°) d'annuler le jugement n° 0111051 du 5 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie et des finances rejetant sa demande du 12 février 2001 tendant au retrait

de la décision du 25 janvier 2000 du directeur des services fiscaux ...

Vu la décision du Conseil d'Etat en date du 20 décembre 2011, attribuant le jugement de la requête de l'association Invitation à la Vie à la Cour administrative d'appel de Paris et la requête sommaire et le mémoire complémentaire qu'elle vise par lesquels l'association Invitation à la Vie demande :

1°) d'annuler le jugement n° 0111051 du 5 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie et des finances rejetant sa demande du 12 février 2001 tendant au retrait de la décision du 25 janvier 2000 du directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine faisant connaître la position du service sur l'assujettissement de l'association aux impôts commerciaux, d'autre part à la condamnation de l'Etat à lui verser des indemnités de 22 991,90 euros en réparation de son préjudice économique et de 30 489,82 euros en réparation de son préjudice moral ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

En soutenant :

- que le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas l'analyse des conclusions et mémoires échangés et que n'a pas été communiqué préalablement aux parties le moyen d'ordre public retenu par le tribunal pour rejeter sa demande ;

- que le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que le régime de garantie prévu aux articles L. 80 A du livre des procédures fiscales n'était pas applicable et en considérant qu'une décision refusant d'appliquer une instruction fiscale n'était pas susceptible d'être soumise à sa censure ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 mars 2012, présenté pour l'association Invitation à la Vie, dont le siège est au 26 rue des Peupliers à Boulogne Billancourt (92100), par la SELAFA Chaintrier avocats ;

L'association Invitation à la Vie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0111051 du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'économie et des finances à sa demande d'exonération des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1985 à 1990 et en réparation de son préjudice économique qu'elle évalue à 22 991,90 euros et de son préjudice moral qu'elle évalue à 30 489,82 euros ;

2°) de lui accorder une indemnisation pour le préjudice subi, à hauteur du montant des redressements restant dus soit 698 951 euros ainsi qu'une indemnisation pour le préjudice moral qu'elle a subi du fait des agissements fautifs de l'administration fiscale d'un montant de

300 000 euros ;

3°) de lui allouer une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu les dispositions des articles R. 421-1 et R. 611-7 du code de justice administrative et le principe du contradictoire en se fondant sur un moyen d'ordre public relevé d'office et non communiqué aux parties ;

- le tribunal administratif a entaché sa décision d'une erreur de droit en méconnaissant les dispositions du décret du 28 novembre 1983 dès lors qu'il a refusé d'appliquer une instruction fiscale dont elle se prévalait ce qui est constitutif d'une rupture d'égalité devant l'impôt ;

- l'administration fiscale a commis une faute en refusant de lui accorder les dégrèvements qu'elle sollicitait ;

- elle a subi un préjudice matériel et moral dont elle doit obtenir réparation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 septembre 2012, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- à titre liminaire, que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement sont inopérants dès lors que la requête présente exclusivement le caractère d'un plein contentieux ;

- à titre principal, que l'action en dommages et intérêts est irrecevable ; que la recherche de la mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison du caractère non fondé des droits d'enregistrement mis à sa charge relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que les conclusions en ce qu'elles tendent au versement d'une indemnité équivalente au montant des impositions qu'elle estime avoir indûment payées se heurtent à l'exception de recours parallèle ; que sa demande en réparation du préjudice moral en ce qu'elle excède la demande présentée devant le tribunal administratif constitue des conclusions nouvelles, irrecevables en appel ;

- à titre subsidiaire, que les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat ne sont pas réunies ; qu'il n'a commis aucune faute et que le préjudice moral n'est ni certain dans son principe, ni établi dans son montant ;

Vu les mémoires, enregistrés les 9 janvier 2013 et 11 mars 2013, présentés pour l'association Invitation à la Vie qui conclut aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que :

- sa requête ne présente pas le caractère uniquement de plein contentieux dès lors qu'elle demande également l'annulation des décisions de rejet de la direction des services fiscaux des Hauts de Seine Sud et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- que ni la compétence de l'ordre judiciaire, ni l'exception de recours parallèle ne peuvent être retenues ; qu'on ne peut pas lui opposer l'irrecevabilité de ses conclusions nouvelles ;

- que doivent être prises en compte les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme en date du 30 juin 2011 et du 5 juillet 2012, ainsi que l'évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur la taxation des dons manuels ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juillet 2013, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que la requête est irrecevable sur les points sur lesquels elle n'a pas été motivée dans le délai de recours contentieux ; qu'aucun moyen ne peut être regardé comme ayant été soulevé d'office par le tribunal ; que les conclusions en annulation sont irrecevables car les décisions ne font pas grief, ni ne sont détachables de la procédure d'imposition ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2013, présenté pour l'association Invitation à la Vie qui conclut aux mêmes fins que sa requête et que ses précédents mémoires ; elle soutient en outre que la décision porte atteinte à la liberté d'association ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires et par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2014, présenté pour l'association Invitation à la Vie qui conclut aux mêmes fins que sa requête et que ses précédents mémoires et par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 février 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires et par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2015 ;

- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des visas du jugement attaqué que le tribunal administratif de Paris a, conformément aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, visé et analysé les mémoires produits à l'instance ; que, par suite, l'association Invitation à la Vie n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité de ce chef ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué " ;

3. Considérant qu'il résulte du jugement attaqué que, pour rejeter les conclusions en annulation présentées par l'association Invitation à la Vie, le Tribunal administratif de Paris a retenu que les décisions dont elle demandait l'annulation ne faisaient pas grief ; qu'il est constant que le tribunal n'avait pas informé les parties, en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'il entendait soulever d'office ce moyen d'ordre public ; qu'ainsi le tribunal a entaché sa décision d'irrégularité et que, par suite, le jugement doit être annulé sur ce point ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour de se prononcer immédiatement sur les conclusions en annulation par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions ;

Sur les conclusions en annulation :

5. Considérant que la décision du directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine Sud en date du 25 janvier 2000 et la décision implicite de rejet du ministre de l'économie et des finances résultant du silence gardé sur la demande de retrait de cette décision, faite par l'association le

12 février 2001, ont eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande indemnitaire de l'association Invitation à la Vie qui, en demandant la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi, d'un montant équivalent à celui des redressements dont la décharge lui a été refusée, outre des dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant du maintien des redressements, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux ; qu'au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige ;

Sur les conclusions en indemnisation :

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice lié à la troisième vérification de comptabilité, s'agissant des droits d'enregistrement :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L 199 du livre des procédures fiscales : " (...) En matière de droits d'enregistrement, (...), taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance. (...) " ;

7. Considérant que la faute invoquée par l'association Invitation à la Vie à l'appui de sa demande d'indemnisation résultant de ce qu'ont abusivement été laissés à sa charge des droits d'enregistrement d'un montant de 391 426 euros, à la suite du troisième contrôle opéré par l'administration fiscale, n'est pas détachable des opérations de l'assiette des droits d'enregistrement dont le contentieux relève des juridictions de l'ordre judiciaire en application des dispositions citées au point qui précède ; que, par suite, lesdites conclusions, présentées au surplus pour la première fois en appel, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice lié aux deux premières vérifications de comptabilité :

8. Considérant qu'un contribuable dont la demande en décharge d'une contribution a été rejetée par le juge de l'impôt n'est pas recevable à introduire une demande en réparation qui n'invoque pas de préjudice autre que celui résultant du paiement de l'imposition qui était en litige ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requêtes de l'association requérante tendant à la décharge des impositions au titre des exercices clos de 1985 à 1988 et au titre des exercices clos en 1989 et en 1990 ont fait l'objet de deux décisions devenues définitives de la Cour administrative d'appel de Paris des 8 juillet 1999 et 29 juin 2004 ; que l'association Invitation à la Vie n'invoque pas de préjudice autre que celui résultant de l'imposition qui était en litige ; que par suite, ses conclusions en indemnisation de son préjudice économique et de son préjudice moral sont irrecevables ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'association Invitation à la Vie n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'association Invitation à la Vie la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 5 juin 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions en annulation.

Article 2 : Les conclusions en indemnisation résultant du préjudice lié au paiement des droits d'enregistrement sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : La demande de l'association Invitation à la Vie en annulation de la décision implicite de rejet du ministre de l'économie et des finances née du silence gardé sur sa demande du 12 février 2001 tendant au retrait de la décision du 25 janvier 2000 du directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine et en annulation de ladite décision est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Invitation à la Vie et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 février 2015, où siégeaient :

Mme Driencourt, président de chambre,

Mme Mosser, président assesseur,

Mme Stahlberger, président,

Lu en audience publique, le 16 mars 2015.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURTLe greffier,

J. BOUCLY

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12PA00137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00137
Date de la décision : 16/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19 Contributions et taxes.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: Mme Geneviève MOSSER
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : CHAINTRIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-16;12pa00137 ?
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