Vu la requête, enregistrée le 1er août 2014, présentée pour M. G... B..., demeurant au..., par Me E... ; M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202458/9 du 25 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 30 juin 2011 refusant d'autoriser son licenciement et la décision confirmative du ministre chargé du travail du 16 janvier 2012 ;
2°) de rejeter la requête de la société devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la société Transgourmet opérations une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'enquête menée par l'inspecteur du travail l'a bien été de manière contradictoire ; que les prétendues intrusions ne sont pas caractérisées ; qu'il en est de même du prétendu blocage des camions ; que les véhicules ont été déplacés à la demande de l'employeur ; qu'il en est de même des agissements qui n'ont pas respecté les règles de sécurité et d'incendie ; que la société n'a subi aucun préjudice de ce fait ; qu'il existe un lien entre le licenciement et l'exercice du mandat syndical ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2014, présenté pour la société Transgourmet opérations ; elle demande le rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que les faits retenus à l'encontre du requérant sont matériellement établis ; que par leur gravité, ils sont de nature à justifier son licenciement ; qu'il n'y a pas de lien entre le licenciement et le mandat syndical exercé ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 janvier 2015, présenté pour M. B... par Me F... ; il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 février 2015, présenté par le ministre du travail ; il s'en remet à la sagesse de la Cour ;
Vu les pièces, enregistrées le 10 février 2015, présentées pour M.B... ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 février 2015, présenté pour la société Transgourmet opérations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2015 :
- le rapport de M. Polizzi, président assesseur,
- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la SAS Transgourmet opérations ;
1. Considérant que M. B... a été engagé par la SAS Transgourmet opérations le 10 mai 2002 en qualité de chauffeur-livreur ; qu'il détient les mandats de délégué du personnel, membre du comité d'établissement, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, élu sur des listes du syndicat CFDT, membre du comité central d'entreprise et conseiller prud'homal ; que, par décision du 30 juin 2011, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... aux motifs que la matérialité des fait reprochés n'était pas établie et qu'il ne pouvait être exclu que la demande était en lien avec le mandat de l'intéressé ; que, par décision du 16 janvier 2012 prise sur recours hiérarchique, le ministre chargé du travail a confirmé le refus d'autoriser le licenciement de M. B... au motif que la consultation préalable du comité d'établissement avait été irrégulière ; que M. B... demande notamment l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé ces deux décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;
3. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ainsi que les éléments lui permettant, le cas échéant, de retenir l'existence d'un lien entre le licenciement et les mandats de l'intéressé ; que, toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
4. Considérant que si, pour contester le jugement sur ce point, le requérant fait valoir, en premier lieu, que l'attestation émanant de M.C..., délégué syndical CFDT, n'avait pas à être communiquée à l'employeur dès lors qu'elle était de nature à porter gravement préjudice à son auteur, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; qu'il y a lieu par suite, et alors que le risque allégué n'est pas manifeste, d'écarter ledit moyen ; qu'il fait valoir, en second lieu, que cette attestation n'a pas été déterminante dans la décision de l'inspecteur du travail qui s'est fondé sur l'existence d'un lien entre le mandat et la demande ; que, toutefois, l'attestation en cause est citée dans la décision, d'une part, juste après l'allégation du requérant et de ses deux collègues en vertu de laquelle la société souhaitait se débarrasser d'eux en raison de leur appartenance syndicale et, d'autre part, dans l'avant-dernier paragraphe précédant la conclusion de l'inspecteur quant au lien avec le mandat et la matérialité des faits ; que, dans ces conditions, la société est fondée à soutenir qu'elle a été perçue par l'inspecteur comme une reconnaissance de la faiblesse de sa position sur ces deux points ; que, par suite, et compte tenu du motif de la décision en cause, cette attestation ne peut qu'être tenue comme un élément déterminant de celle-ci ; que le respect du caractère contradictoire de l'enquête imposait en conséquence qu'elle fût communiquée à l'employeur ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé pour ce motif les décisions qu'il attaque ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
7. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M.B..., dont il ne justifie au demeurant pas, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
8. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Transgourmet opérations et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la société Transgourmet opérations la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Transgourmet opérations.
Délibéré après l'audience du 19 février 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- Mme Chavrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 mars 2015.
Le rapporteur,
F. POLIZZILe président,
M. BOULEAULe greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 14PA03461