Vu l'arrêt avant-dire-droit du 3 avril 2004 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a ordonné une expertise à fin de déterminer si, compte tenu des antécédents médicaux de Mme D... A...C..., sa prise en charge et le suivi de sa grossesse ont été conformes aux règles de l'art, s'agissant notamment de la gestion de son diabète gestationnel par les deux établissements hospitaliers Necker et Pompidou ; de dire si, eu égard, notamment, aux doses d'insuline injectées, un accouchement aurait dû être provoqué et, si oui, à compter de quelle date au vu de l'avancement de la grossesse, de l'état de la patiente et du poids du foetus ; d'expliquer la ou les causes du décès de celui-ci et donner à la Cour tous les éléments permettant d'apprécier si Mme A... C...a perdu une chance de voir son enfant naître en vie ; dans cette hypothèse, évaluer les préjudices subis par la requérante ;
Vu le rapport d'expertise enregistré le 26 août 2014 ;
Vu l'ordonnance, en date du 3 septembre par laquelle le président de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 3 627,12 euros TTC ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2014, présenté pour Mme D... A...C... ; elle conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2014, présenté pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ; elle conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; elle fait valoir en outre que l'expert recourt au concept inhabituel d'absence de contre-indication à la césarienne ; que par ailleurs, cette absence ne signifie nullement que les circonstances de l'espèce justifiaient ou imposaient la pratique d'une césarienne ni, d'ailleurs, le déclenchement de l'accouchement ; que l'expert oublie de préciser clairement les risques redoutés et connus en cas de diabète, que sont la macrosomie, l'hypertension artérielle gravidique et la souffrance foetale, qui seuls justifient l'indication d'un déclenchement ou d'une césarienne ; qu'en leur absence en l'espèce, contrairement à 2003 où des signes de souffrance foetale étaient apparus, le déclenchement par césarienne n'était donc pas indiqué ; que la posologie d'insuline est de 18 UI/j et non 36 UI/j comme noté par erreur par une sage-femme, laquelle ne peut donc constituer un argument pour justifier l'indication d'une césarienne ; que l'interprétation faite par l'expert du protocole de Necker n'est pas tout à fait exacte dès lors que le diabète déséquilibré ne justifie une césarienne qu'en cas de poids insuffisant ; qu'au contraire, lorsque le poids est normal comme en l'espèce, il est recommandé de laisser l'enfant grossir in utero pour éviter les problèmes d'immaturité respiratoire ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2015, présenté pour Mme A...C... ; elle conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; elle fait valoir en outre qu'elle n'est en rien responsable du retard de mise sous insuline et que l'AP-HP a maquillé son dossier obstétrical pour échapper à ses responsabilités ; que l'expert retient clairement la faute ; que l'AP-HP joue sur les mots quant à la nécessité de pratiquer une césarienne ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2015, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2015 :
- le rapport de M. Polizzi, président assesseur,
- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me F...'h, avocat de Mme A...C..., et de Me Garaud, avocat de l'AP-HP ;
1. Considérant que, par un arrêt du 3 avril 2014, la Cour a ordonné, avant de se prononcer sur la requête de Mme A...C..., qu'il soit procédé, par un expert désigné par le président de la Cour, à une nouvelle expertise en vue de déterminer si, compte tenu des antécédents médicaux de Mme A...C..., sa prise en charge et le suivi de sa grossesse ont été conformes aux règles de l'art, s'agissant notamment de la gestion de son diabète gestationnel par les deux établissements hospitaliers Necker et Pompidou ; de dire si, eu égard, notamment, aux doses d'insuline injectées, un accouchement aurait dû être provoqué et, si oui, à compter de quelle date au vu de l'avancement de la grossesse, de l'état de la patiente et du poids du foetus ; d'expliquer la ou les causes du décès de celui-ci et donner à la Cour tous les éléments permettant d'apprécier si Mme A...B...a perdu une chance de voir son enfant naître en vie ; dans cette hypothèse, évaluer les préjudices subis par la requérante ; que l'expert, le docteur Boutin, a déposé son rapport le 26 août 2014 ;
Sur les conclusions principales :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par la Cour, en premier lieu, que le retard d'administration de l'insuline, soit 25 jours après la mise sous régime, n'était pas conforme aux recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et au protocole de diagnostic et de prise en charge du diabète gestationnel de l'hôpital Necker ; que ce manquement, qui n'est pas sérieusement contesté, est imputable au personnel soignant ; qu'en deuxième lieu, le déséquilibre du diabète, l'hypotrophie foetale, en fin de grossesse et la diminution du liquide amniotique justifiaient une surveillance tous les deux jours, par hospitalisation ou sage-femme à domicile dès le 9 décembre, ce qui n'a pas été le cas ; qu'en troisième lieu, les diabétologues de l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) n'ont pas prévenu les obstétriciens de la maternité de Necker du diabète déséquilibré et de l'augmentation des doses d'insuline ; qu'en quatrième lieu et surtout, le 18 décembre, alors que la grossesse de Mme A...C...en était à 8 mois et demi, il a été décidé de la renvoyer chez elle en vue d'un nouvel examen quelques jours plus tard ; que l'expert a indiqué que ce choix lui paraissait illogique eu égard au tableau clinique alors que rien ne s'opposait à ce qu'une césarienne fût pratiquée sans délai ; que, d'ailleurs, il résulte du protocole de diagnostic et de prise en charge du diabète gestationnel de l'hôpital Necker que le déclenchement est recommandé à partir de la 38ème semaine d'aménorrhée en cas de déséquilibre du diabète et de poids inférieur à 4500 g ; qu'en outre, Mme A...C...présentait des antécédents de diabète gestationnel au cours d'une précédente grossesse, qui avaient nécessité le recours à une césarienne ; que les doses d'insuline prescrites le 9 décembre avaient déjà été augmentées les 12 et 16 décembre, sans permettre pour autant d'équilibrer le diabète, ce qui explique l'inquiétude du diabétologue qui avait immédiatement renvoyé l'intéressée à la maternité ; que la diminution du liquide amniotique, à supposer qu'elle doive être interprétée avec prudence, n'en constituait pas moins un signe supplémentaire ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'absence de réalisation d'une césarienne constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ; que, par suite, Mme A...C...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que l'AP-HP doit être déclarée intégralement responsable de la mort du foetus, la perte de chance doit être évaluée, comme l'a précisé l'expert, à 100 % ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'AP-HP au versement d'une somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral éprouvé par la requérante en raison du décès du foetus in utero ;
Sur les frais d'expertise :
6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise ordonnée par la Cour, d'un montant de 3 627,12 euros, à la charge définitive de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 1 000 euros chacune à Mme A...C...et à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve pour celle-ci qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1109961/6-3 du 5 octobre 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme C...la somme de 20 000 euros.
Article 3 : Les frais d'expertise, d'un montant de 3 627,12 euros, sont mis à la charge définitive de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Article 4 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à Mme A...C...et à son conseil une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve pour celle-ci qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...C..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris et au docteur Liliane Boutin, expert.
Délibéré après l'audience du 19 février 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- Mme Chavrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 mars 2015.
Le rapporteur,
F. POLIZZILe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 13PA02228