Vu la requête, enregistrée le 28 février 2014, présentée pour Mme C...D...épouseA..., demeurant..., par la SCP Saulnier-Nardeux-Malagutti-Gicquel ; Mme D...épouse A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103764/5 du 2 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Beaumont-du-Gâtinais à lui verser la somme de 57 171, 12 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle a été victime ;
2°) de condamner la commune de Beaumont-du-Gâtinais à lui verser cette somme, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Beaumont-du-Gâtinais la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle a été victime, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, d'un harcèlement moral de la part de la commune ; elle a en effet, d'abord fait l'objet d'une procédure disciplinaire injustifiée, abandonnée après avis du conseil de discipline, puis d'un contrôle excessif de son travail, d'une surcharge de travail, d'une modification unilatérale de ses horaires de travail ; ces faits ont eu pour conséquence l'apparition d'un état dépressif et d'une pathologie cardiaque ; le maire a également refusé de lui remettre l'intégralité de son dossier administratif ;
- elle a subi à la fois un préjudice financier matériel, qui doit être évalué à la somme de 51 171, 12 euros et un préjudice moral qui doit être évalué à la somme de 6 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2014, présenté pour la commune de Beaumont-du-Gâtinais, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, dès lors que le jugement attaqué n'a pas été produit ;
- le contentieux n'a pas été lié par une réclamation préalable ;
- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 janvier 2015, présenté pour MmeA..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 3 novembre 2014 fixant, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction au 7 janvier 2015 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
Vu le décret n° 2004-777 du 29 juillet 2004 relatif à la mise en oeuvre du temps partiel dans la fonction publique territoriale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2015 :
- le rapport de Mme Petit, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,
- les observations de Me Goulet, avocat de la commune de Beaumont-du-Gâtinais ;
1. Considérant que Mme D... épouseA..., adjoint administratif principal de deuxième classe titulaire a exercé les fonctions d'agent de bureau au sein de la commune de Beaumont-du-Gâtinais entre le 1er septembre 1985, date de sa titularisation, et le 14 juin 2010, date de sa nomination par voie de mutation au sein d'une autre commune ; que par un jugement du 2 décembre 2013, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Beaumont-du-Gâtinais à lui verser la somme de 57 171, 12 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle allègue avoir été victime à compter du mois de janvier 2007 ; que la requérante fait appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) " ;
3. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
4. Considérant qu'à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle aurait été victime d'un harcèlement moral, Mme A...fait valoir, comme en première instance, qu'une procédure disciplinaire a été engagée injustement à son encontre en 2007 par le maire de
Beaumont-du-Gâtinais, que ses conditions de travail se sont ensuite détériorées, sa supérieure hiérarchique contrôlant de façon étroite son activité ainsi que la prise de ses congés annuels et lui imposant une surcharge de travail, que ses horaires de travail ont été modifiés de manière unilatérale, et que le maire a refusé de lui communiquer son dossier administratif ; qu'elle soutient que ces agissements ont gravement porté atteinte à sa santé de telle sorte qu'elle a subi une perte importante de rémunération puisqu'elle a perçu la moitié de son traitement entre les mois de mars et décembre 2008, avant d'être placée en disponibilité d'office sans traitement en raison des refus du comité médical départemental de lui accorder un congé de longue maladie en dépit des avis de ses médecins ;
5. Considérant, en premier lieu, que si le maire de la commune de
Beaumont-du-Gâtinais a engagé, le 5 janvier 2007, une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme A...en envisageant, au motif qu'elle aurait manqué à ses devoirs d'obéissance hiérarchique et d'impartialité, de lui infliger une sanction de mise à la retraite d'office, il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'avis en date du 16 mars 2007 émis par le conseil de discipline, cette procédure disciplinaire a été définitivement abandonnée par le maire ; qu'ainsi, à la supposer même injustifiée, elle ne peut être regardée à elle seule comme révélant un harcèlement moral de la part du maire de la commune ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante ne produit, à l'appui des griefs qu'elle adresse à sa supérieure hiérarchique directe, aucune pièce probante ; qu'ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la circonstance qu'elle ait dû assumer, en l'absence de sa supérieure, pendant quinze jours, la totalité des tâches de secrétariat ne révèle pas une situation de harcèlement moral ; que l'obligation de noter, sur un cahier, les messages et visites d'usagers, à supposer même qu'elle ne lui était pas imposée auparavant, n'excède pas l'exercice normal de l'autorité hiérarchique ; qu'il en va de même du visa apposé par sa supérieure directe sur les demandes de congé adressées au maire ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si MmeA..., qui bénéficiait en application du décret du 29 juillet 2004 d'un temps partiel, soutient que ses horaires de travail ont été modifiés unilatéralement, il résulte de l'instruction que le nombre total d'heures hebdomadaires est demeuré identique et que seule leur répartition au sein de la semaine a été modifiée, le maire ayant demandé à Mme A...de travailler le mercredi ; qu'il est constant que la requérante n'a pas contesté cette mesure, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été décidée pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le comportement du maire de la commune de Beaumont-du-Gâtinais traduirait, sur ce point, un harcèlement moral ;
8. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que Mme A...aurait rencontré des difficultés pour obtenir la communication de son dossier administratif ne saurait être regardée comme un agissement constitutif d'un harcèlement moral ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Beaumont-du-Gâtinais, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement à la commune de Beaumont-du-Gâtinais de la somme de 1 000 euros au titre des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...épouse A...est rejetée.
Article 2 : Mme D...épouse A...versera à la commune de Beaumont-du-Gâtinais la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...épouse A...et à la commune de Beaumont-du-Gâtinais.
Délibéré après l'audience du 13 février 2015, où siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 mars 2015
Le rapporteur,
V. PETITLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier,
S. LAVABRE
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA00949