Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2013, présentée pour M. C...A...demeurant..., par Me B...; M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1113751/3-2 du 19 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
22 juillet 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration lui a notifié le retrait de l'ensemble des points de son permis de conduire et a constaté l'invalidité de son titre de conduite par défaut de points ;
2°) d'annuler la décision précitée ainsi que la décision du ministre de l'intérieur refusant de lui restituer le point concernant l'infraction en date du 13 octobre 2004 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'affecter son permis de conduire d'un solde de 7 points et de lui restituer son permis de conduire initial, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'article 138 de la loi du 11 mars 2011 méconnaît les stipulations de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il porte atteinte au principe d'application rétroactive de la loi pénale plus douce ;
- l'article 23 paragraphe VIII de la loi du 5 mars 2007 méconnaît les stipulations de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il porte atteinte au principe d'application rétroactive de la loi pénale plus douce ;
- par conséquent, il est en droit de bénéficier de la loi pénale plus douce et donc de se voir réattribuer le point perdu à la suite de l'infraction du 13 octobre 2004 dans la mesure où il n'a plus commis de nouvelle infraction avant le 25 juillet 2006, soit 21 mois après ;
- en outre, les deux lois litigieuses ne prennent pas en compte comme critère unique la date de commission de l'infraction mais également le fait que les infractions antérieures au
1er janvier 2007 ou au 1er janvier 2011 seraient ou non définitives à cette date, alors que le principe de proportionnalité de la peine s'oppose à ce qu'une sanction automatique soit plus lourde ou légère en fonction de critères purement formels ;
Vu les mémoires, enregistrés les 18 et 19 février 2013, présentés pour M.A..., par
Me B...; M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1113751/3/3 du 6 juillet 2012 par laquelle le
vice-président de la 3ème section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans le cadre de l'instance susvisée ;
2°) de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité tirée du défaut de conformité de l'article L. 223-6 du code de la route aux droits et libertés garantis par la Constitution ;
Vu le jugement et l'ordonnance attaqués ;
Vu l'ordonnance du 15 avril 2013 par laquelle le Président de la 10ème chambre de la Cour de céans a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité tirée du défaut de conformité de l'article L. 223-6 du code de la route aux droits et libertés garantis par la Constitution ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les mémoires en réplique et complémentaire, enregistrés les 12 août 2013 et
28 janvier 2015, présentés pour M. A...qui maintient ses conclusions ;
Il reprend ses précédents moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 février 2015, présentée pour M. A...;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la route ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel ;
Vu la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 ;
Vu la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :
- le rapport de M. Pagès, premier conseiller,
- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour M.A... ;
1. Considérant que le 13 octobre 2004 M. A...commettait une première infraction d'excès de vitesse de moins de 20 kms / h entraînant le retrait d'un point de son permis de conduire ; que le 25 juillet 2006 il commettait une deuxième infraction de même nature entraînant le retrait d'un autre point de son permis de conduire ; qu'à la suite de la commission de diverses autres infractions, le ministre de l'intérieur a adressé à M. A...une décision modèle 48 SI du 22 juillet 2011 lui notifiant l'ensemble des retraits de points dont était affecté son permis de conduire et constatant l'invalidation de son titre de conduite par défaut de points ; que M. A...a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant principalement à l'annulation de la décision susvisée du 22 juillet 2011 ; que, dans le cadre de cette instance, il a présenté une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, d'une part, des dispositions du VIII de l'article 23 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 créant un 2ème alinéa à l'article L. 223-6 du code de la route et, d'autre part, de l'article 138 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 définissant le champ d'application dans le temps de l'article 76 de cette loi modifiant le 2ème alinéa (devenu 3ème alinéa) de l'article L. 223-6 du code de la route ; que, d'une part, par une ordonnance du
6 juillet 2012, le vice-président de la 3ème section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ; que, d'autre part, par un jugement du 19 décembre 2012, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a donné acte du désistement partiel d'instance relatif aux conclusions tendant à l'annulation de la décision de retrait de points relative à l'infraction du 25 juillet 2006 et a rejeté la demande tendant à l'annulation de la décision susvisée du 22 juillet 2011 ;
2. Considérant que, par la présente requête, M. A...relève régulièrement appel du jugement susvisé en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ; qu'en outre, dans le cadre de la présente instance, M. A...a présenté des mémoires aux fins de question prioritaire de constitutionnalité qui, d'une part, reprenaient la question déjà posée au Tribunal, tout en critiquant la motivation de l'ordonnance de rejet, et, d'autre part, posaient une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité tirée de l'inconstitutionnalité de l'article L. 223-6 du code de la route ; que, par une ordonnance du 15 avril 2013 le Président de la 10ème chambre de la Cour de céans a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité tirée du défaut de conformité de l'article L. 223-6 du code de la route aux droits et libertés garantis par la Constitution et a rejeté comme irrecevable la question déjà posée au Tribunal en des termes identiques ;
Sur la contestation de l'ordonnance du 6 juillet 2012 par laquelle le vice-président de la 3ème section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ; qu'il résulte de ces dispositions que le principe de nécessité des peines implique que la loi pénale plus douce soit rendue immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ;
4. Considérant que M. A...soutient que les dispositions de l'article L. 223-6 du code de la route dans leur version issue d'une part du VIII définissant le champ d'application du VII de l'article 23 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 créant un 2ème alinéa à l'article L. 223-6 du code de la route (délai d'un an pour la réattribution du point ayant fait l'objet d'un retrait d'un point) et d'autre part de l'article 138 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 définissant le champ d'application de l'article 76 de cette loi modifiant le 2ème alinéa (devenu 3ème alinéa) de l'article L. 223-6 du code de la route (délai de six mois pour la réattribution du point ayant fait l'objet d'un retrait d'un point), en tant qu'elles prévoient respectivement que la réattribution du point ayant fait l'objet d'un retrait d'un point dans un délai d'un an (au lieu de trois ans précédemment) et de six mois (au lieu d'un an précédemment) ne s'applique qu'aux infractions commises respectivement à compter du 1er janvier 2007 et 1er janvier 2011 et aux infractions antérieures pour lesquelles le paiement de l'amende forfaitaire, l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution de la composition pénale ou la condamnation définitive ne sont pas intervenus, sont, de ce fait, contraires au principe constitutionnel d'application immédiate de la loi pénale plus douce aux infractions commises avant son entrée en vigueur, corollaire du principe de nécessité des peines posé par les dispositions précitées de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
5. Considérant toutefois que les dispositions légales dont l'inconstitutionnalité est soulevée définissent le champ des infractions pour lesquelles s'applique le délai de réattribution de points ayant fait l'objet d'un retrait d'un point, soit le délai d'abrogation de ce retrait, prévu respectivement par l'alinéa précédent de l'article L. 223-6 du code de la route dans chacune de ses versions postérieures aux lois en cause ; que ces alinéas précédents soumettent cette abrogation à la condition que " le titulaire du permis de conduire n'ait pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points " ; que ces dispositions concernent ainsi le champ d'application des conséquences favorables, le cas échéant, du comportement du titulaire du permis de conduire postérieur à la sanction administrative infligée et non le champ des comportements donnant lieu à cette sanction ou la gravité de celle-ci ; qu'elles sont ainsi étrangères au principe constitutionnel invoqué d'application immédiate de la loi pénale plus douce, comme l'ont jugé à raison les premiers juges ; qu'il suit de là que la question est dépourvue de caractère sérieux ; que, dès lors, c'est à bon droit que le vice-président de la 3ème section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en première instance ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant qu'en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route dans sa version issue de l'article 23 paragraphe VII de la loi n°2007-297 du
5 mars 2007 susvisée : " (...) en cas de commission d'une infraction ayant entraîné le retrait d'un point, ce point est réattribué au terme du délai d'un an à compter de la date mentionnée à l'alinéa précédent, si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points. " ; que le paragraphe VIII du même article dispose : " Le VII s'applique aux infractions commises à compter du 1er janvier 2007 et aux infractions antérieures pour lesquelles le paiement de l'amende forfaitaire, l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution de la composition pénale ou la condamnation définitive ne sont pas intervenus. " ; que l'article L. 223-6 du code de la route a fait l'objet d'une nouvelle modification par l'article 76 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 selon lequel : " (...) en cas de commission d'une infraction ayant entraîné le retrait d'un point, ce point est réattribué au terme du délai de six mois à compter de la date mentionnée au premier alinéa, si le titulaire du permis de conduire n'a pas commis, dans cet intervalle, une infraction ayant donné lieu à un nouveau retrait de points... " ; que l'article 138 de la même loi dispose : " L'article 76 s'applique aux infractions commises à compter du 1er janvier 2011 et aux infractions antérieures pour lesquelles le paiement de l'amende forfaitaire, l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution de la composition pénale ou la condamnation définitive ne sont pas intervenus. " ;
7. Considérant que, dans la présente requête d'appel, M. A...se borne à demander l'annulation de la décision modèle 48 SI en soutenant que son capital de point devait être majoré d'un point à la date du 22 juillet 2011, de telle sorte qu'il n'était pas nul mais s'élevait à un point , ledit point provenant d'une " réattribution " automatique dès lors qu'il n'avait pas commis de nouvelle infraction pendant un délai de six mois à la suite de celle du 13 octobre 2004, sa deuxième infraction ayant été commise le 25 juillet 2006 ; que si le requérant n'ignore pas que les lois susvisées du 5 mars 2007 et du 14 mars 2011 ne prévoyaient pas une telle réattribution à son profit dès lors que l'infraction du 13 octobre 2004 était une infraction antérieure à la fois au 1er janvier 2007 et au 1er janvier 2011, devenue définitive, il excipe à la fois de l'inconstitutionnalité et de l'inconventionnalité du paragraphe VIII précité de l'article
23 de la loi du 5 mars 2007 et de l'article 138 de la loi du 14 mars 2011 ;
8. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, par l'ordonnance du 6 juillet 2012 du Tribunal, confirmée par la présente requête d'appel, d'autre part, par l'ordonnance du 15 avril 2013 de la Cour de céans, le Tribunal et la Cour ont jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par le requérant ; que, d'autre part, hormis cette procédure, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité de la loi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée fait application d'une loi qui méconnaîtrait le principe de nécessité des peines défini par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution, ne peut être accueilli ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. " ; que, comme il a été dit ci-dessus, le mécanisme de réattribution de point instauré par les dispositions de l'article L. 223-6 du code de la route ne présente pas le caractère d'une sanction administrative mais concerne le champ d'application des conséquences favorables, le cas échéant, du comportement du titulaire du permis de conduire postérieur à la sanction administrative infligée ; que le mécanisme de réattribution automatique de points du permis de conduire n'est donc pas soumis aux principes régissant la loi pénale ; que, par suite, M. A...ne peut se prévaloir de la méconnaissance du principe d'application rétroactive de la loi pénale plus douce, résultant notamment de l'article 7 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe de proportionnalité de la peine ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er: La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 février 2015 à laquelle siégeaient :
M. Luben, président,
Mme Mielnik- Meddah, premier conseiller,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 3 mars 2015.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA00065