Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2013, présentée pour la société Groupe
Saint-Germain, dont le siège est 19 avenue James de Rothschild à Marne-la-Vallée (77614), par la SCP Ricard Demeure et associés ; la société Groupe Saint-Germain demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1107258/4 du 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2011 du préfet de Seine-et-Marne déclarant d'utilité publique les travaux et acquisitions foncières nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Centre Bourg sur le territoire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le dossier soumis à l'enquête ne comporte aucune précision faisant apparaître les caractéristiques de l'opération de quatre cent logements qui pris ensemble constituent l'ouvrage le plus important de la ZAC, en violation de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation ;
- l'appréciation sommaire des dépenses ne comporte aucune ligne relative aux travaux de bâtiment alors que le projet comporte quatre cent logements, une résidence pour personnes âgées, des locaux d'activités, un cimetière, l'extension d'un centre culturel et des locaux techniques ;
- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant des mouvements de sols liés à l'écoulement des eaux pluviales ;
- elle ne comporte aucun document d'incidence Natura 2000 alors que le projet est situé à proximité de deux zones de cette nature et, l'analyse de la flore et de la faune est insuffisante ;
- la présence d'un site classé Seveso limitrophe n'a pas été prise en compte ;
- le projet ne revêt pas d'utilité publique faute de prévoir les équipements collectifs rendus nécessaires pour l'accueil de la nouvelle population et ne vise qu'à une opération de logements d'intérêt privé ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2014, présenté pour la commune de Saint-Thibault-des-Vignes par Me A...qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la requérante une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune soutient que :
- la société requérante n'a pas justifié de son intérêt à agir devant les premiers juges dès lors qu'elle ne peut se prévaloir de la qualité de propriétaire de parcelles comprises dans la zone en raison de la nullité de leur vente ;
- la requête est irrecevable faute de preuve de l'acquittement du droit de timbre ;
- le dossier soumis à enquête fait apparaître la superficie des diverses constructions prévues, la composition du parc de logements à construire, son implantation, notamment grâce à un plan détaillé précisant l'emplacement des constructions et bâtiments ;
- l'appréciation sommaire des dépenses n'était pas sous-évaluée dès lors qu'elle ne devait pas comprendre le coût des constructions (superstructures) soit les logements, la résidence pour personnes âgées et les locaux d'activité, l'extension du centre culturel et la création d'un nouveau cimetière, mais seulement celui de l'aménagement et de l'équipement des terrains (infrastructures) ;
- l'étude d'impact retrace les effets du projet en cours de chantier puis de manière permanente du point de vue du sous-sol, de la stabilité des terrains et ses compléments étudient particulièrement le phénomène de retrait/gonflement des argiles, ses causes et les mesures de traitement des risques, en ce qui concerne ses effets sur les eaux superficielles et souterraines ;
- le périmètre de la déclaration d'utilité publique (DUP) ne traverse ni ne touche aucune zone Natura 2000, la plus proche se situant à 1,5 km, et il n'est pas démontré que la réalisation de la ZAC serait de nature à les affecter de manière notable ;
- les quatre espèces pouvant déterminer une zone naturelle d'intérêt faunistique et floristique (ZNIEFF) ont été prises en compte dans le périmètre de l'étude d'impact qui porte sur 166 hectares alors que la ZAC ne recouvre que 28 hectares, et ces espèces ne sont pas présentes dans ce dernier périmètre ;
- aucune activité dangereuse et encore moins de type Seveso n'est répertoriée par le service chargé des installations classées à proximité du site d'étude, lequel est lui-même beaucoup plus vaste que le périmètre de la ZAC ;
- les besoins en équipements ont été pris en compte eu égard à la sous-occupation des établissements scolaires existants, au renforcement prévu du centre culturel dans la ZAC, à l'existence d'autres équipements de loisirs sur le territoire communal et, à l'existence d'un réseau dense d'assistantes maternelles encadrées par les services sociaux de la commune ;
- le projet présente un caractère d'utilité publique dans la mesure où il ne vise pas seulement à créer un nouveau quartier mais traduit la volonté de créer un espace urbain organisé jouxtant le centre bourg en revalorisant un secteur au développement erratique, en répondant aux perspectives définies par le plan local de l'habitat et, en favorisant la mixité sociale notamment par la construction de logements de petite taille accessibles à des populations aux revenus modérés, sans occulter le problème particulier du relogement des gens du voyage installés sur les terrains concernés ;
- le bilan coût-avantage de l'opération est positif ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 février 2014, présenté pour la société Aménagement 77 par Me A...qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la requérante une somme de 4000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société fait valoir les mêmes moyens de droit que la commune ;
Vu l'ordonnance du 12 mai 2014 fixant la clôture d'instruction au 2 juillet 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2014, présenté pour la société Groupe
Saint-Germain ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2015 :
- le rapport de Mme Terrasse, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la société Groupe Saint-Germain et de
MeC..., pour la commune de Saint-Thibault-des-Vignes et la société anonyme d'économie mixte Aménagement 77 ;
1. Considérant que, par délibération du 17 décembre 2009, le conseil municipal de Saint-Thibault-des-Vignes a demandé au préfet de Seine-et-Marne l'ouverture d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique des travaux et acquisitions nécessaires à la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Centre Bourg ; qu'à l'issue de l'enquête publique, qui s'est déroulée du 11 octobre au 13 novembre 2010, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable au projet ; que, par un arrêté du 28 juillet 2011, le préfet de Seine-et-Marne a déclaré d'utilité publique les travaux et acquisitions foncières nécessaires à la réalisation de cette ZAC ; que la société groupe Saint-Germain relève appel du jugement du 21 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;
Sur la fin de non-recevoir invoquée en défense :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent la commune de Saint-Thibault-des-Vignes et la société Aménagement 77, la requérante a joint à sa requête le timbre fiscal exigé par les dispositions de l'article R. 411-2 du code de justice administrative ; que le moyen tiré du défaut de cette formalité manque donc en fait ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors en vigueur : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I. - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code
(...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que la société groupe Saint-Germain fait valoir que le dossier soumis à enquête ne comportait pas de document décrivant les caractéristiques principales de l'ensemble de 400 logements qui constituait l'ouvrage le plus important de la ZAC ; que toutefois le dossier comporte un plan permettant de situer l'emplacement des futurs logements, dans le prolongement des quartiers d'habitat déjà existant, cependant que la notice explicative précise la superficie hors oeuvre nette prévue, la composition du parc, diversifié en types, tailles de logements et statuts d'occupation afin de favoriser la mixité sociale, en privilégiant toutefois les petits logements correspondant dans la commune à un besoin identifié ; que l'information du public sur cette composante du projet était ainsi suffisante ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'appréciation sommaire des dépenses produite au dossier d'enquête publique mentionne une somme de 18 294 204 euros hors taxes ; que, la société requérante soutient que cette appréciation est sous-évaluée faute de faire apparaitre le montant des dépenses induites par la construction de 400 logements neufs, d'une résidence-services pour personnes âgées, de locaux d'activité, l'extension d'un centre culturel, la création d'un cimetière et de locaux techniques municipaux dont elle évalue le montant à plus de
68 millions au total ; que, toutefois, pour l'appréciation de l'utilité publique doivent seules être prises en compte les dépenses correspondant à l'acquisition et à l'équipement des terrains (ou travaux d'infrastructures) destinés ensuite à accueillir les constructions (ou travaux de superstructures) faisant l'objet du programme de la zone d'aménagement concerté, qu'il s'agisse de bâtiments édifiés par des promoteurs privés, tels en l'espèce que les logements, les locaux d'activités et la résidence-services pour personnes âgées, ou d'équipements collectifs réalisés par une collectivité publique, en l'espèce l'extension du centre culturel, la création d'un cimetière et la création de locaux techniques municipaux, pour lesquels la commune est maître d'ouvrage ; que le tableau retraçant l'appréciation sommaire des dépenses figurant au dossier d'enquête ne comprend l'indication d'aucun montant dans la ligne intitulée " travaux de bâtiment " ; que, pour invoquer une sous-évaluation de l'appréciation sommaire des dépenses figurant dans le dossier soumis à l'enquête, la requérante, outre qu'elle prend en compte des dépenses qui n'ont pas à figurer dans l'évaluation sommaire des dépenses du dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, ne démontre pas, pour les dépenses d'aménagement des terrains faisant l'objet de cette déclaration, que celles-ci seraient sous-évaluées ; que le moyen tiré de l'insuffisance d'information sur le coût de l'opération doit donc être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, que l'étude d'impact, complétée en 2009, comporte, contrairement à ce que soutient la requérante, une étude de la géomorphologie et de l'hydrologie de la zone concernée et de l'instabilité des sols qui en découle, rappelle les nombreux arrêtés de catastrophe naturelle intervenus dans la zone à la suite des phénomènes de retrait / gonflement des sols argileux, analyse les risques temporaires et permanents résultant des travaux, en prenant notamment en compte l'imperméabilisation du sol et du sous-sol et ses effets sur l'écoulement des eaux superficielles et souterraines, et définit les mesures susceptibles de limiter les risques, notamment en termes d'adaptation des constructions, de dispositions dans les cahiers des charges de cession des terrains et de dimensionnement des dispositifs d'évacuation des eaux pluviales ; que compte tenu de ces éléments l'étude d'impact ne saurait être regardée comme insuffisante s'agissant des questions relatives aux risques de mouvements de terrains et à leurs conséquences ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que si deux zones classées Natura 2000 sont identifiées dans le périmètre faisant l'objet de l'étude d'impact, couvrant 166 hectares, aucune ne se situe dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique (DUP), qui se limite à 28 hectares et, d'autre part, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer que ces zones seraient notablement affectées par le projet ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que l'étude d'impact comporte un tableau recensant les espèces présentes sur le site et étudie plus particulièrement trois espèces d'oiseaux et un papillon pouvant déterminer une ZNIEFF ; que toutefois aucune n'est présente dans le périmètre de la DUP ;
9. Considérant, en sixième lieu, que les services chargés des installations classées pour la protection de l'environnement indiquent qu'aucune installation classée Seveso n'est répertoriée dans le site d'étude, et notamment pas l'incinérateur et centre de tri des ordures ménagères visé par la société requérante ;
En ce qui concerne la légalité interne :
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la ZAC projetée correspond à un véritable projet urbanistique visant à redonner une cohérence au bourg en renforçant son centre et en y intégrant deux zones de " dents creuses " abritant des habitats anarchiques et précaires, à équilibrer la répartition de la population dont 70% est accueillie par un seul secteur, à répondre aux objectifs du plan local de l'habitat en créant une offre de logements supplémentaires diversifiée dont les nouveaux habitants contribueront à l'utilisation des surcapacités identifiées pour certains des équipements existants, notamment en matière d'enseignement ; qu'il est en outre prévu que certains seront renforcés, tel le centre culturel dont l'extension fait partie du projet ; que des équipements supplémentaires seront créés au fur et à mesure de l'émergence des besoins de la population et que sera notamment conduite une opération de réinstallation, dans des logements pérennes adaptés à leurs besoins propres, des gens du voyage actuellement hébergés dans des abris précaires ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'expropriation a pour seule finalité la satisfaction d'intérêts privés et le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'opération présentait un intérêt public justifiant les atteintes portées à l'environnement et à la propriété privée ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société groupe Saint-Germain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société groupe Saint-Germain demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de celle-ci une somme de 1 000 euros à verser, d'une part, à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes et, d'autre part, à la société Aménagement 77 sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société groupe Saint-Germain est rejetée.
Article 2 : La société groupe Saint-Germain versera à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes d'une part, et à la société Aménagement 77 d'autre part, une somme de 1000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société groupe Saint-Germain, au ministre de l'intérieur, à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes et à la société Aménagement 77.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 12 février 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Vettraino, président de chambre,
Mme Terrasse, président assesseur,
M. Gouès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 2 mars 2015.
Le rapporteur,
M. TERRASSELe président,
M. VETTRAINO
Le greffier,
E. CLEMENT
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 13PA01868