Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 janvier et
4 avril 2014, présentée par le préfet de police de Paris ; le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1303989/1-1 du 13 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de Mme E...B..., annulé son arrêté en date du 21 décembre 2012 lui refusant l'introduction en France de son fils, EugèneD..., dans le cadre du regroupement familial;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que l'arrêté litigieux n'a pas méconnu les articles L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2014, présenté pour Mme E...B..., demeurant, ..., par MeA..., qui conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement entrepris ;
Elle soutient que la décision contestée a été prise en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2015, le rapport de M. Dellevedove, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeB..., née le 27 décembre 1970, de nationalité sénégalaise, est entrée en France le 28 juillet 2002 ; qu'elle est titulaire d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en qualité de parent d'un enfant français, régulièrement renouvelée depuis le 10 avril 2008 ; qu'elle a sollicité le 3 décembre 2011 le bénéfice du regroupement familial pour son fils M. C...D..., né le 18 août 1998, de nationalité sénégalaise ; que, par l'arrêté contesté en date du 21 décembre 2012, le préfet de police a refusé ce regroupement familial ; que le préfet de police fait appel du jugement en date du 13 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
2. Considérant que, si les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'administration de refuser le bénéfice du regroupement familial à un étranger qui ne justifie pas de ressources suffisamment stables ou d'un logement conforme aux exigences des dispositions réglementaires prises pour leur application, elles ne lui imposent pas de refuser le bénéfice du regroupement sollicité à l'étranger qui ne remplit pas ces conditions ; qu'il lui appartient dans tous les cas de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial sur le fondement de ces dispositions et des règlements pris pour leur application ne porte pas une atteinte excessive au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, Mme B...est agent de propreté en contrat à durée indéterminée depuis le 14 janvier 2010 dans la société Ares et a perçu à ce titre un salaire mensuel moyen de 938,23 euros sur l'année 2011 et perçoit des revenus réguliers ; qu'elle perçoit en complément un revenu de solidarité active, une allocation de soutien familial, une allocation pour le logement, une allocation famille monoparentale de la ville de Paris ; qu'elle possède un logement de type F2 de 48,87 m2 dans lequel elle vit avec sa fille ; que, d'autre part, Mme B...s'est vu déléguer la puissance paternelle sur son fils, EugèneD..., par un jugement du 10 août 2011 du juge administratif de Dakar et que son fils vit seul dans une chambre louée par Mme B...située au Grand Dakar, le père de l'enfant résidant désormais au Togo ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que Mme B...est restée séparée de son fils depuis l'année 2002 et malgré l'insuffisance des revenus de Mme B...appréciés selon les dispositions de l'article L. 411-5 précité, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le refus du préfet de police d'autoriser le fils de la requérante à rejoindre cette dernière sur le territoire national a porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et a donc méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 décembre 2012, rejetant la demande de regroupement familial de MmeB....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée du préfet de police de Paris est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Sanson, président,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 février 2015.
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président,
M. SANSON
Le greffier,
A.-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA00161