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04/02/2015 | FRANCE | N°14PA00518

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 04 février 2015, 14PA00518


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée pour M. C... D..., demeurant..., par MeB... ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302234 du 29 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes et, d'autre part, de l'amende de 6 000 euros mise à sa charge en application du IV de l'article 1736 du code général des impô

ts ;

2°) de le décharger des droits et pénalités qui lui ont été assignés d...

Vu la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée pour M. C... D..., demeurant..., par MeB... ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302234 du 29 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes et, d'autre part, de l'amende de 6 000 euros mise à sa charge en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts ;

2°) de le décharger des droits et pénalités qui lui ont été assignés du fait de la réintégration dans ses bases d'imposition au titre de l'année 2008 de la somme de 95 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la procédure de taxation d'office a été irrégulièrement mise en oeuvre sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il a répondu au service dans le délai imparti de manière suffisamment précise en assortissant de documents sa réponse, laquelle ne pouvait être assimilée à un refus de répondre ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, dès lors que l'administration s'est s'abstenue d'expliquer en quoi la réponse qu'il lui a faite le

7 novembre 2011 était insuffisante sur certains points ;

- le strict contrôle des changes alors en vigueur en ex-Yougoslavie interdisait, pour les non résidents, les virements de banque à banque, les virements de devises à l'étranger et les remises en espèces de devises de plus de 5 000 euros par jour ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé, d'une part, qu'il n'établissait pas le lien entre la vente d'un bien immobilier en Yougoslavie et les flux financiers constatés sur ses comptes bancaires et, d'autre part, qu'il n'était pas possible d'opérer des rapprochements de dates et de montants entre les sommes prélevées sur les livrets d'épargne et celles déposées sur ses comptes bancaires au début de l'année 2008 ;

- il a justifié qu'il disposait depuis de nombreuses années de livrets d'épargne et qu'une partie des sommes en cause provenait de remboursements d'obligations par l'Etat yougoslave ;

- il n'a jamais été prétendu par l'administration que les versements figurant sur ses comptes bancaires proviendraient d'une activité professionnelle et non de la simple gestion de son patrimoine mobilier et immobilier ;

- la réintégration dans ses bases d'imposition de la somme de 45 000 euros créditée sur son compte bancaire à compter du 30 avril 2008 et de celle de 50 000 euros créditée pour partie en janvier-février 2008 et pour le reste le 29 avril 2008 est mal fondée ;

- c'est à tort, compte tenu des justificatifs spontanément fournis par lui, que l'administration a cru devoir lui infliger une pénalité de 40 % pour manquement délibéré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- le litige porte sur l'imposition mise en recouvrement le 31 juillet 2012, soit sur un montant de 66 262 euros en droits et pénalités ;

- M. D...était clairement informé de la nature des pièces et informations attendues par l'administration pour justifier de l'origine, de la nature et de l'objet des versements constatés sur ses comptes bancaires ;

- la réponse du 6 septembre 2011 fournie par M. D...concernant en particulier les versements constatés sur le compte Raiffeisen Banka AD au cours de l'année 2008 pour un montant total de 95 000 euros était imprécise, l'intéressé indiquant d'ailleurs lui-même que certaines informations étaient encore en attente et aucune pièce justificative n'ayant été produite à l'administration concernant les sommes litigieuses ;

- en l'absence d'éléments de réponse suffisamment précis et vérifiables, la procédure de taxation d'office a pu régulièrement être mise en oeuvre, comme l'administration l'indique précisément dans la proposition de rectification ;

- en l'absence de correspondance entre les montants et les dates concernant, d'un côté, les retraits d'espèces sur le compte Société Générale à Belgrade de M.D..., les sommes figurant sur des livrets d'épargne clos en 2005 et 2009 et le prix de cession d'immeubles appartenant à Mme A...et, de l'autre, les crédits bancaires apparaissant sur le compte Raiffeisen Banka A D sous forme d'espèces, ces derniers ne peuvent être considérés comme provenant de manière suffisamment certaine desdites opérations ;

- il en va de même pour, d'une part, les versements opérés sur le compte Raiffeisen Banka AD entre janvier et octobre 2008 et, d'autre part, les retraits opérés le 30 avril 2008 sur le compte société Générale, les dates et montants des uns ne concordant par avec ceux des autres ;

- en l'absence de moyen propre développé concernant les pénalités, celles-ci, dûment motivées dans la proposition de rectification, ne pourront qu'être maintenues ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Appèche, président,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

1. Considérant que M. D...relève appel du jugement n° 1302234 du

29 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes et, d'autre part, de l'amende de 6 000 euros mise à sa charge en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, devant la Cour, M. D...demande seulement la décharge des droits et pénalités qui lui ont été assignés du fait de la réintégration dans ses bases d'imposition au titre de l'année 2008 de la somme de 95 000 euros ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. " ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article

L. 16 " ;

4. Considérant que M. D...fait valoir qu'il a répondu à la demande de justifications de l'administration et qu'en conséquence, cette dernière ne pouvait recourir à la procédure de taxation d'office ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, dans sa réponse datée du

6 septembre 2011 à la demande d'éclaircissements et de justifications de l'administration en date du 13 juillet 2011, M. D...apporte des réponses partielles, imprécises et non assorties de justificatifs concernant notamment les sommes d'un montant total de 95 000 euros portées sur son compte bancaire Raiffeisen Banka, à propos desquelles il se borne à indiquer qu'elles correspondent à des remises d'espèces effectuées par son neveu et sa soeur et provenant de retraits opérés sur un autre compte bancaire à son nom tenu par l'agence de la banque Société Générale à Belgrade, mais ne transmet au vérificateur, déjà en possession des relevés bancaires afférents à ces deux comptes pour l'ensemble des années en cause, aucun autre justificatif pour corroborer ses affirmations ; que l'administration lui a adressé, le 6 octobre 2011, une mise en demeure de compléter sa réponse notamment sur les crédits bancaires susmentionnés d'un montant de total de 95 000 euros ; que, si M. D...a répondu le 7 novembre 2011 à cette mise en demeure, cette réponse, versée au dossier d'appel par l'administration sur demande de la Cour, ne comporte pas de justifications complètes et vérifiables de l'origine des crédits bancaires susmentionnés, dont il est allégué " sur l'honneur " qu'ils correspondraient à des transferts de compte à compte et seraient, de ce fait, non imposables ; que, par suite, l'administration était en droit de taxer ces sommes selon la procédure de taxation d'office ;

5. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la proposition de rectification qui lui a été adressée était suffisamment motivée, y compris en ce qui concerne les motifs de la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales :

" Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'il appartient à

M.D..., régulièrement taxé d'office, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions litigieuses ;

7. Considérant que, pour justifier de l'origine et de la nature des crédits bancaires litigieux portés sur le compte ouvert à son nom à la Raiffeisen Banka AD, le requérant invoque, d'une part, comme il le faisait en première instance, la vente d'un bien immobilier détenu par lui en Serbie et produit la copie d'un acte de vente en date du 13 août 2007 traduit en français, ainsi qu'un relevé bancaire concernant non pas le compte susmentionné mais son compte ouvert à la Société Générale à Belgrade et faisant apparaître le montant de la vente de 333 000 euros, augmenté des intérêts acquis ; que, d'autre part, M. D...soutient que des économies personnelles qui figuraient sur des livrets d'épargne en Serbie sont à l'origine de ces dépôts et produit des copies de livrets d'épargne ouverts à partir de 1979 et clos au plus tard en 2005 lors de la conversion des sommes en obligations de l'Etat serbe, ainsi que des attestations relatives aux cessions de ces contrats d'obligations intervenues en 2005, 2006, 2007 et février 2008 ; que, toutefois, ces documents, faute de concordance voire de proximité suffisante entre, d'une part, les montants et les dates des opérations dont ils font état et, d'autre part, les montants et les dates des dépôts à l'origine des crédits bancaires constatés sur le compte du requérant à la Raiffeisen Banka AD, ne peuvent être regardés comme justifiant de l'origine des crédits en cause et de leur caractère non imposable ; qu'il en va de même des documents produits pour la première fois en appel et constitués de la copie d'un avant-contrat de vente d'un immeuble sis en Serbie daté du 26 septembre 2007 et de la copie d'un contrat de vente daté du 26 février 2008 portant sur un immeuble sis dans la même ville de Serbie, qui n'indiquent pas que les biens concernés appartenaient à M.D..., mais mentionnent pour acquéreur deux personnes différentes et pour vendeur MmeA..., dont le requérant indique qu'elle serait sa concubine, ces documents ne permettant pas davantage de relier le prix des cessions dont ils font état avec les crédits bancaires litigieux et de corroborer l'allégation formulée pour la première fois en appel par le requérant selon laquelle ces crédits proviendraient, à hauteur de 50 000 euros, du produit de la vente de biens appartenant à MmeA... ;

Sur la majoration de 40 % :

8. Considérant que M.D..., en se bornant à faire valoir qu'il avait, au cours du contrôle et de la procédure d'imposition, spontanément fourni des justificatifs, ne conteste pas efficacement la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts et appliquée par l'administration ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions litigieuses ainsi que des pénalités y afférentes doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 4 février 2015.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

S. TANDONNET-TUROT

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA00518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00518
Date de la décision : 04/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP LUSSAN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-02-04;14pa00518 ?
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